Pour attaquer cette nouvelle année 2012, le président provisoire Moncef Marzouki a accordé un entretien au journal Mediapart. Un entretien durant lequel il revient en détails sur le tourisme et son importance pour la Tunisie. Sauf, qu’à force de se jouer des mots et de faire dans la provocation, le président de la République en arrive à perdre la mesure de certains de ses propos. Retour sur un entretien insolite.
Pour commencer, le chef de l’Etat donne au tourisme une définition somme toute assez offensive même s’il dit que le tourisme «a toujours été quelque chose d’extraordinaire». Il rajoute: «ce sont les seules invasions pacifiques que l’humanité a connues. C’est la seule fois où des hordes de Français débarquent en Tunisie et ils n’occupent pas le pays. Ils prennent juste des photos et rentrent chez eux. Dans l’histoire, ce n’est pas connu».
Moncef Marzouki poursuit en disant que les touristes «font des invasions pacifiques que j’aime beaucoup. Je suis pour le tourisme en tant que moyen où les humains se donnent les uns aux autres leurs parts du monde. C’est quelque chose d’important pour l’édification de la paix… Mais là, je dis aux Français, au contraire, je le dis en toute humilité, venez. Nous avons besoin de vous, parce que le secteur touristique est complètement à l’arrêt. Venez en Tunisie par patriotisme démocratique, si je puis dire, par solidarité internationale».
La réponse à la question aura pris environ 2 minutes. Un cours de stratégie touristique et la plus belle des invitations au voyage dans notre pays! A un détail près: qui aurait envie de se rendre dans un pays où le tourisme est déclaré par son propre président à l’arrêt? Qui aurait envie de se rendre dans un pays où l’on se fait traiter de “horde“ même si le tourisme contribue à bâtir la paix dans le monde et fait particulièrement plaisir au président?
Les vacances sont équivalentes aux joies, fêtes, repos, réjouissances, rencontres, découvertes… Contrairement aux synonymes du vocable “horde“ qui sont “bande, clan, cohorte, meute, peuplade, troupe, troupeau“. La définition de ce mot, selon le Larousse est une «troupe nombreuse, indisciplinée et plus ou moins violente de personnes quelconques… Que ce qualificatif soit appliqué aux journalistes, aux enfants ou aux touristes par des guides de voyage ou des magazines de détente en voulant mettre par exemple en avant un lieu ou un pays fortement sollicité, cela est courant. De là à ce que le président de la République d’un pays pour qui le secteur compte parle des touristes en de termes aussi inadéquats, il y a un pas que passe Moncef Marzouki avec assez de désinvolture.
«Ces propos m’ont outrés. Qu’est-ce que cela veut dire? Nous ne sommes pas dans un rapport entre des colonisés et des colonisateurs? Je travaille dans le tourisme et ces propos me laissent perplexes…», s’éclaffe Isabelle, française vivant à Hammamet depuis plus de 10 ans.
Fallait-il reconnaître que le tourisme est à l’arrêt? Est-ce bien réfléchi de quémander de cette manière le retour des touristes français? Celui-ci peut-il sauver les meubles dans un contexte marqué par la crise et que les spécialistes parlent de désengagement des opérateurs français et de leurs marques comme Club Med, Nouvelles Frontières, Groupe Accor, et Jet Tours…? Faut-il parier principalement sur le marché français en le sollicitant de la sorte?
«Qui va avoir envie de venir dans une destination à l’arrêt? Avant d’être une invasion, le voyage est un loisir et un plaisir. S’il voulait nuire au tourisme, il n’aurait pas pu mieux faire», se lamente, Hamadi M, opérateur dans le secteur et souffrant depuis un an du ralentissement de son activité. «Quémander la venue des touristes français m’a considérablement touché. Savez-vous que le ministère français des Affaires étrangères pénalise vraiment le tourisme du sud de la Tunisie en le déclarant “zone rouge“ formellement déconseillée pour des raisons sécuritaires. Pensez-vous nécessairement que la situation l’exige»?
La réponse à cette question vient du ministre fraîchement débarqué au Tourisme, Elyes Fakhfak au journal français Tourmag dans sa livraison de la semaine écoulée. Il répond à cette même question en disant: «cette restriction était utile durant le premier semestre 2011. Aujourd’hui rien ne justifie le niveau d’alerte aussi alarmiste du Quai d’Orsay. Le pays a retrouvé sa normalité. Tout notre gouvernement va s’employer à le faire valoir auprès des marchés émetteurs, la France en tête. Pour ma part, je prévois de faire dès la mi-janvier un premier voyage en France». Le rendez-vous semble pris.
Pour le moment et pour en revenir à Moncef Marzouki, il est indéniable que le secteur souffre. Même si le président a pris le choix de dire toutes les vérités, fallait-il les clamer aussi fort? “Un homme honnête qui ne sait pas tricher“ diront certains de ses fans. Mais toujours est-il que dans sa quête de changement de style et de ton, Moncef Marzouki tente de pousser certaines limites protocolaires et se laisse aller à quelques dépassements avec ses prérogatives. Il semble que, pour le moment encore, il peine à trouver ses propres lignes rouges.
Le président de la République provisoire se croirait-il encore en campagne électorale?
A force de vouloir renter dans l’Histoire, Moncef Marzouki en crée plein de petites comme quelques jours avant ou plus tard de ces déclarations en parlant des fêtes de fin d’année ou aux relations avec la Libye…
Une pause et une réflexion autour de toutes ces déclarations s’imposent afin de préserver l’intérêt de la Tunisie, de son image de marque et de sa position nouvellement acquise au niveau internationale.