WMC: Que prévoit le calendrier établi par le CIRCI pour le déroulement des négociations entre ABCI et l’Etat tunisien?
Abdelmajid Bouden: Cela aussi est couvert par la confidentialité. Mais comme vous le savez, puisque cela a déjà été révélé par les médias, il y a bien évidemment une phase de préparation –avec notamment la mise sur pied des délégations-, puis les négociations –qui vont avoir lieu au bureau de la Banque mondiale à Paris- procèderont à l’établissement des points d’accord et de désaccord à partir des demandes d’ABCI et des réponses de la partie tunisienne. La troisième phase sera consacrée à la rédaction d’un protocole d’accord définitif.
Les deux parties vont notamment négocier les modalités de la médiation de la MIGA (Multilateral Investment Guarantee Agency – AMGI (Agence Multilatérale de Garantie des Investissementsen français), une agence de la Manque mondiale dont la Tunisie a déjà utilisé les services pour régler des différends qu’elle a eus avec certains opérateurs, notamment en Mauritanie. ABCI a proposé depuis 2003 de recourir à la médiation de MIGA.
MIGA a un double rôle. D’une part, faciliter le contact entre les parties et proposer sa médiation. De l’autre, MIGA peut garantir le nouvel investissement quand il sera mis en place, c’est-à-dire offrir une garantie de risque politique.
Ayant ratifié la convention de Séoul, la Tunisie a intérêt à proclamer au monde que les investissements étrangers ont reçu la garantie MIGA. Et c’est un atout que la société ABCI veut proposer à la Tunisie pour qu’elle puisse l’utiliser à bon escient pour montrer sa bonne foi et sa nouvelle volonté.
Le fait que MIGA, qui réalise un classement des pays en matière d’accueil des investissements, enregistre que la Tunisie est sur le chemin du règlement amiable à travers ses services et ses mécanismes constituera un signal fort au marché international, dans ces moments de turbulence.
MIGA, qui a aidé à régler beaucoup de problèmes épineux, peut, si l’affaire est réglée sous ses auspices, ouvrir le concours financier de la Banque mondiale, de la Société Financière Internationale (SFI), de la BEI, etc.
Quelles seront les prochaines étapes de ce processus?
Après la composition des délégations et la discussion de l’utilisation des services MIGA et si la médiation de cet organisme est mise en place, viendra la deuxième phase, à savoir la levée des entraves à la restitution de la BFT à la société ABCI, l’assainissement des créances irrécouvrables avec la création d’une société de recouvrement, l’annulation des condamnations fabriquées de toutes pièces, la redéfinition du cadre juridique applicable, la reconnaissance de la décision CIRDI sur sa compétence par les juridictions tunisiennes et dans l’espace judiciaire tunisien, l’assainissement du climat entre l’administration qui a combattu la société ABCI pour éviter la récidive, car la société ABCI n’a pas vocation à mener des contentieux, c’est une société d’investissement faite pour créer de la croissance pour elle-même et pour l’Etat hôte et qui ne veut pas avoir à ressaisir le CIRDI de nouveau.
ABCI est prête à aider l’Etat tunisien à recouvrer les biens de Ben Ali et à aider la Tunisie nouvelle à sortir de ce cauchemar.
Que se passera-t-il si les deux parties n’arrivent pas à s’entendre?
Il nous a fallu près de 11 mois pour nous mettre d’accord sur le calendrier des négociations. Si on va aborder le fond avec cette même mentalité il nous faudrait des années. Cette fois-ci les délais plus serrés. C’est l’affaire de quelques semaines au bout desquelles les résultats des négociations –avec les points d’accord et désaccord- devront être soumis au tribunal arbitral. ABCI va tout faire pour que le texte soit soumis au tribunal avec uniquement des points d’accord. Car s’il y a désaccord total ou partiel, l’affaire reviendra devant le tribunal arbitral à qui la société ABCI demandera alors de trancher les points demeurés litigieux.
De toute façon, il y a trois hypothèses. Soit il y a accord total et la société ABCI et la République tunisienne demanderont au tribunal arbitral –je le pense, c’est le bon sens qui le commande- d’incorporer leur accord dans une sentence arbitrale qu’on appelle sentence d’accord-parties qui aura la force d’une sentence arbitrale, avec les garanties de droit international. S’il y a accord partiel, la société ABCI demandera que l’accord partiel soit consigné et les désaccords seront soumis au tribunal arbitral dans les délais. Et en cas de désaccord total, malheureusement mais c’est le droit, ABCI demandera au tribunal arbitral de se prononcer sur le fond et il y aura une sentence arbitrale qui sera opposable aux parties.