Nous avons vu dans une deuxième partie de l’exposé du livre de Mounir Sahli «Révolutionner le tourisme tunisien» que le tourisme local n’est ni un «palliatif» ni une «alternative» au tourisme destiné aux étrangers. Dans cette troisième et dernière partie, il s’agit d’exposer les voies et moyens d’enrichir et de diversifier l’offre touristique, de gagner la bataille de la qualité et de révolutionner le marketing qui n’a que trop souffert du diktat des TO.
Comment enrichir et diversifier l’offre touristique? Mounir Sahli répond en suggérant des pistes. Et elles sont nombreuses. A commencer par la piste du tourisme sportif, celle du tourisme des casinos et le tourisme religieux.
Au chapitre du tourisme sportif, l’auteur évoque le développement du nautisme: «les clubs nautiques sont de simples lieux de restauration» qui ne sont intégrés dans aucun circuit touristique.
Le tourisme des casinos est, quant à lui, un tourisme «en sursis». Qui a beaucoup souffert de la dégradation de la clientèle touristique, de la raréfaction du tourisme de loisirs et de l’interdiction d’accès des casinos à la clientèle tunisienne. Rien d’étonnant dans ces conditions que les casinos vivent «fermetures et cessions».
Et le tourisme religieux? Pourquoi ne pas penser à des «itinéraires religieux». Qui associent «visites de sites religieux et découverte de sanctuaires et monuments religieux»: les monuments islamiques de Kairouan, les églises et cathédrales de Carthage et de Tunis, les synagogues de la «Ghriba» à Djerba et à Tunis.
L’existant peut être développé. Ainsi en est-il de l’animation des plages des hôtels fréquentées par des touristes bénéficiant de la formule «All Inclusive»: les prestations de la plage sont incluses dans le forfait. Pourquoi ne pas faire appel à des «plagistes» et leur accorder des concessions. Cela crée des emplois et peut attirer des touristes nationaux.
Pression des TO
Animation de jour, mais aussi de nuit. Les fronts de mer des hôtels peuvent prévoir des zones piétonnes avec boutiques et restaurants. Les plages des hôtels, assure Mounir Sahli, sont plus une charge qu’autre chose. La nuit tombée, elles doivent être gardées vu l’insécurité qui les caractérise à ce moment du jour.
Quid de la bataille de la qualité qui un des parents pauvres du tourisme tunisien? La satisfaction de la clientèle est analysée sous le prisme des fiches distribuées à la clientèle en vue d’étudier précisément son degré de satisfaction. Or, souligne Mounir Sahli, seuls les clients satisfaits répondent. Les clients insatisfaits s’adressent aux TO qui utilisent les réclamations comme pression pour faire baisser les prix.
Que faire? Il faut que les professionnels et l’administration s’associent pour mener des enquêtes et réagir, grâce à un système efficient, aux réclamations. Il faut également sans doute prendre en considération d’autres paramètres que ceux des dimensions et de la disponibilité des équipements dans le classement des hôtels.
La qualité passe aussi par une politique de développement des ressources humaines. Des ressources humaines marquées par la saisonnalité, la faiblesse des rémunérations et la grande mobilité. Ce qui n’est pas de nature à «faciliter la culture d’entreprise». Loyauté et engagement ne sont pas toujours de mise.
Edition des brochures des TO
Que dire de la politique de marketing. Pour Mounir Sahli, cette politique c’est, semble-t-il, du tout faux. Pourquoi? Parce qu’elle est plus dans l’intérêt des TO que du produit touristique qui a été «banalisé» au fil des années. Une partie du budget de promotion a servi d’ailleurs à l’édition de brochures des TO.
Mounir Sahli parle de «désastre de la politique du marketing touristique», et soulignera, à ce propos, que les représentations de l’ONTT (Office National du Tourisme Tunisien) à l’étranger ont servi de «points de chute» pour un personnel «recommandé», des fonctionnaires «en fin de carrière» ou encore «en disgrâce».
L’auteur préconise, donc, de revoir la politique du marketing. Il propose, entre autres, d’opter pour «un marketing touristique régional». Chaque région touristique a ses «atouts» et ses «produits». Elle a d’ailleurs sa clientèle: par exemple, Italiens et Allemands pour Djerba, et Scandinaves pour Sousse et le Sahel en général.
Cette idée de mettre la région au cœur du produit touristique tunisien, on la retrouve lorsqu’il évoque «le tourisme et le développement régional» pour plaider en faveur d’un «schéma régional du développement touristique» avec le slogan «une région-un produit»: Kairouan et le tapis, Nabeul et la céramique.
Inutile de préciser que la révolution du 14 janvier est bien passée par la réflexion de Mounir Sahli.