Ce vendredi 27 septembre 2013 pourrait être une journée noire. Ce jour-là, la justice tunisienne va se saisir d’un dossier qui risque de faire couler beaucoup d’encre, si Slim Ben Hmidane, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, et, par delà lui, le gouvernement, ne se ravisent pas et s’abstiennent de commettre une injustice : traîner devant les tribunaux un commis de l’Etat, en l’occurrence Hamed Nagaoui, conseiller rapporteur du contentieux de l’Etat, avec l’accusation d’avoir falsifié des documents et accordé des avantages indus à un investisseur, en l’occurrence la société ABCI, actionnaire de la Banque Franco-Tunisienne (BFT), objet d’un litige entre les deux parties depuis 31 ans.
Injustice, parce que contrairement à ses allégations, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières et le gouvernement étaient au courant de la procédure de règlement amiable avec ABCI. Certes, Mondher Sfar, conseiller du ministre, a essayé de dédouaner son patron en assumant, seul, la responsabilité de l’«erreur».
Dans sa lettre de démission, envoyée par mail de France le 28 juin 2013 où il est depuis réfugié, il explique les conditions de la remise à ABCI –reprochée à Hamed Nagaoui- du procès verbal concernant les négociations amiables. «Je tiens à préciser qu’en particulier le document du 31 août 2012 portant la signature de M. Hamed Nagaoui devait avoir l’approbation de la Commission du contentieux de l’Etat. C’est ce que m’a expliqué M. Hamed Nagaoui. Seulement, j’ai pris par moi-même l’initiative de l’envoyer à l’ABCI pour lui dire dans le courriel qui l’accompagne que le document, qui leur est envoyé à titre indicatif, est soumis à l’approbation des instances compétentes de l’Etat. (…) Ainsi, la correspondance avec l’ABCI indique bien qu’il ne s’agit pas d’un document engageant les deux parties tant qu’il n’a pas reçu l’acceptation des instances compétentes, ce que l’ABCI a très bien compris puisqu’elle n’a fait à aucun moment d’objection à cette mise au point».
Dans la même missive, M. Sfar déclare porter «l’entière responsabilité de l’envoi du document du 31 août 2012 signé par M. Hamed Nagaoui» et termine en «rendant hommage à l’intégrité morale et au dévouement professionnel de Monsieur Hamed Nagaoui qui travaille dans des conditions difficiles qui sont celles que vit la Tunisie après la révolution ». Une position qu’il réitère le 19 septembre 2013 en réponse à un mail de Hamed Nagaoui qui, après avoir su qu’il allait être traduit en justice, a tenu à avoir un témoignage encore plus étayé de son ancien collège.
Dans son mail, M. Nagaoui rappelle que «Monsieur le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières prétend ne pas avoir eu connaissance à l’avance du projet de procès verbal d’accord de principe signé le 31 août 2013» et lui demande «de dire la vérité devant Dieu et sur son honneur», en l’occurrence, comme le rappelle le conseiller rapporteur du contentieux de l’Etat, que « nous avions pris contact avec Monsieur le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières –nous étions trois, moi, vous et M. Abdelhamid, le chauffeur du ministère- qui se trouvait alors en vacances à l’hôtel Club Med à Mahdia, et avons pris avec nous le projet d’accord de principe et en avons lu tout le contenu au ministre. Qui a remarqué que la société ABCI allait devenir le plus grand investisseur en Tunisie».
Hamed Nagaoui demande alors à M. Sfar de «bien vouloir rappeler ces circonstances au ministre qui semble les avoir oubliés, tout en informant de cela les services concernés de la présidence du gouvernement et de m’envoyer une copie pour me permettre de me défendre contre cette accusation fallacieuse».
En réponse, le conseille démissionnaire écrit «témoigner sur l’honneur la véracité de tout le contenu de cette correspondance reçue de M. Hamed Nagaoui, conseiller rapporteur du contentieux de l’Etat, et communique ce témoignage au ministre et à la présidence du gouvernement».
Plus, M. Sfar révèle à cette occasion qu’il s’était présenté au siège de l’Inspection générale le jour où celle-ci devait écouter M. Nagaoui mais qu’il a été «informé par téléphone (…) du refus de ma présence. Je n’ai donc pas été écouté». .
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