Le délai de 7 mois (au 31 décembre 2015), accordé par le Fonds monétaire international (FMI) à la Tunisie pour permettre aux autorités tunisiennes de parachever les réformes et les engagements pris dans le cadre de l’accord conclu avec le pays (Stand-By Arrangment- SBA), constitue «un avertissement». C’est ce qu’affirme l’expert économique Ezzedine Saidane.
En effet, sur un montant global de 1,75 milliard de dollars, approuvé par le Conseil d’administration du FMI, le 7 juin 2013, au profit de la Tunisie (correspondant à 400% du quota du pays auprès du Fonds), 600 millions de dollars n’ont pas encore été décaissés, dans l’attente du parachèvement des réformes qui concernent notamment les domaines fiscal et bancaire.
Ainsi, «au cas où la Tunisie n’arrive pas à honorer ses engagements à la fin du délai accordé par le FMI, elle ne pourra pas décaisser ce montant dont le pays a énormément besoin pour le reste de l’année», a déclaré à TAP Saidane. Et que l’impact “sera négatif sur l’image de la Tunisie auprès des bailleurs de fonds internationaux”.
La conjoncture actuelle n’est pas favorable aux réformes
S’agissant de la capacité de la Tunisie à exécuter les réformes demandées, Ezzeddine Saidane indique que la «conjoncture actuelle n’est pas favorable aux réformes», soulignant que «l’augmentation des revendications sociales ne permettra pas au gouvernement d’honorer ses engagements envers le FMI».
L’économiste évoque, dans ce cadre, la baisse du taux de croissance au cours du premier trimestre 2015 (aux alentours de 1,7%), estimant que ce taux «ne permettra même pas de rembourser les intérêts des crédits contractés par le pays».
En plus, le blocage des activités d’extraction du phosphate et la régression de l’activité touristique qui représentent respectivement 6 et 7% de l’économie nationale, constitue un autre indicateur de difficulté entravant les réformes.
“Les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger ont quant à eux baissé par rapport à leurs niveaux habituels, sachant que leur valeur équivalait à celle du secteur touristique”, a-t-il encore indiqué.
Par ailleurs, Saidane critique «le manque de visibilité qui caractérise le gouvernement Essid», l’expliquant par l’absence d’un programme clair pouvant être mis en oeuvre compte tenu de la composition hétéroclite du gouvernement. Cette composition n’est pas conforme au texte de la Constitution et au régime parlementaire mixte choisi par la Tunisie, a-t-il estimé.
L’investisseur n’a cure de la réforme bancaire et fiscale
Ridha Chkoundali, directeur général du Centre des recherches économiques et sociales (CERES), déclare, pour sa part, que l’investisseur s’intéresse peu à la réforme bancaire et fiscale, mais donne beaucoup plus d’importance à la conjoncture sécuritaire et à la stabilité politique.
Selon lui, la Tunisie doit rembourser le prêt du FMI en devises qui proviennent de l’exportation laquelle nécessite le retour à la production et à l’investissement.
Le taux de croissance enregistré au cours du 1er trimestre 2015 (1,7%) reflète la régression de l’investissement et, partant, «la détérioration de la situation sécuritaire et politique».
L’investisseur étranger «ne se plaignait pas des banques et payait ses impôts», a souligné l’expert, affirmant que la réforme de ces deux secteurs ne présente pas d’intérêt majeur pour lui (investisseur) dans l’intensification de l’investissement.
Dans son analyse, Chkoundali rappelle que «malgré deux baisses du taux d’intérêt en 2011, le rythme de l’investissement ne s’est pas amélioré, ce qui prouve que seuls les volets sécuritaire et politique impactent l’investissement.
Il rejette l’idée défendue par un nombre de politiciens qui pensent que «ces réformes auront un impact positif sur le secteur de l’investissement tout en oubliant l’importance du code de l’investissement et l’élaboration d’un plan économique et de développement clair. «Au cours des périodes transitoires, l’investissement n’est pas impacté par les conditions économiques», soutient l’expert.
Les montants qui seront mobilisés pour les opérations d’audit et la réforme bancaire «auraient dus être décaissés pour aider les chômeurs diplômés du supérieur».
Les expériences qui ont échoué avec les bailleurs de fonds
Chkoundali a rappelé que la Tunisie a eu, en 1986, une expérience avec le FMI et la Banque mondiale concernant les réformes structurelles (Programme d’ajustement structurel /PAS/). Cette expérience a été «un échec», a affirmé l’expert, ajoutant que les bailleurs de fonds n’aspirent qu”‘à garantir leurs propres intérêts en posant des conditions excessives via lesquelles ils interviennent dans les politiques des pays endettés».
Dans cet ordre d’idées, il suggère “de maîtriser les dépenses publiques”, rappelant au passage que les dépenses plusieurs entreprises publiques se sont élevées à plus de 200%.