Non ! Le taux de croissance du premier trimestre 2015 n’est pas de 1,7% comme nous l’avait annoncé notre gentil gouvernement issu des élections, mais il est plutôt de 0,7%. Le 1,7% est plutôt celui du taux de croissance en glissement annuel et non trimestriel.
Pareil pour le deuxième trimestre 2015, on prétend qu’il est de 0,7% alors qu’en réalité, il est de -0,2%. En langage économique, traduit Ezzeddine Saïdane, «la Tunisie est officiellement entrée techniquement en phase de récession économique» et l’on peut customiser la réalité autant que nous le souhaitons, mais les chiffres seront toujours là pour nous dire que l’on ne peut pas tout le temps nous flouer et encore moins induire le peuple en erreur. Car avec le temps, rien ne s’en va, comme le chantait Léo Ferré, mais tout, au contraire, risque de nous exploser à la figure. Et ce ne sont pas les véritables experts et non les «vrais faux experts» que l’on nous présente sur les plateaux de télévision ou sur les ondes des radios qui pourront y changer grand-chose.
La Tunisie est en récession parce qu’il n’y a pas de volonté politique réelle ou une véritable poigne pour stopper le déficit budgétaire, quitte à fâcher l’oligarchie syndicale. Quant au courage des leaders d’opinion pour dire «Stop, arrêtons le massacre», eh bien, il est pratiquement inexistant et les quelques voix qui s’élèvent contre l’ordre établi par les nouveaux lobbys ne sont entendus par personne. Nous sommes dans l’autisme absolu, gouvernement, peuple et leadership!
La Tunisie est en récession parce qu’il n’y a plus d’investissements. Il n’y a plus d’investissement parce que toutes les politiques suivies depuis janvier 2011 ont été incapables de rétablir la confiance dans le système, dans l’administration et dans les hommes et femmes politiques lesquels, pour la plupart, sont plus soucieux de prendre une part du «gâteau» Tunisie inanimée que de s’investir suffisamment pour la réanimer.
Le tourisme est condamné pour au moins deux années, l’agriculture, qui a sauvé le pays l’année dernière grâce aux grandes récoltes des olives et des dattes, ne refera éventuellement pas ses performances précédentes au vu des conditions climatiques de 2015 qui n’ont pas été aussi favorables que celles de 2014.
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Et rappelons, à l’occasion, que les récoltes des céréales ont diminué de moitié lors de la dernière moisson. Le secteur énergétique n’a pas retrouvé sa force, sa forme ou son rythme habituel de production, et le phosphate -gros pourvoyeur du pays en devises- ne dépassera pas les 3,5 millions de tonnes d’ici la fin de l’année. En 2010, la production était de 8 millions de tonnes.
Ce sont des vérités qui ne sont ni bonnes à lire ni à entendre, et nous avons beau vouloir faire comme les autruches et enfouir nos têtes dans le sable, la vérité finit toujours par nous rattraper!
L’UGTT: un militantisme aveugle…
Nous ne pouvons pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la fermière! Et pourtant si. C’est ce que veut l’UGTT. Le plus triste est qu’à chaque fois que l’on ose la critiquer, on se trouve face à un raz-de-marée d’insultes, de médisances et même d’accusations de traîtrise. On peut faillir pour ce qui est de notre patrie et de ses intérêts mais ne jamais toucher l’UGTT. Car nous voulons la démocratie, la justice, l’égalité, la prospérité, la sécurité, le faste et la justice. Qu’avons-nous de tout cela?
Rien ! Mise à part une liberté d’expression toute relative car il n’est pas sûr que nous la gardions très longtemps si les choses continuent à dégénérer dans notre pays, si le gouvernement cède à chaque fois que l’UGTT le menace d’une grève, si les imams reprennent leurs postes parce que cela n’a pas plus à certains partis politiques, et si le ministère de l’Intérieur arrête un terroriste pour qu’ensuite un juge le libère.
Slim Loghmani a posté un statut édifiant sur ce qui se passe dans notre pays: «On arrête on relâche, on relâche on ré-arrête. Ce jeu ne peut pas continuer, il discrédite à la fois ceux qui arrêtent et ceux qui relâchent et menace l’Etat dans son essence, dans ses deux fonctions régaliennes: exercer le monopole de la contrainte et rendre justice. Il y a visiblement plusieurs pouvoirs judiciaires et plusieurs autorités de contrainte, donc il y a plusieurs Etats. Et quand il y a plusieurs Etats, cela signifie qu’il n’y a plus d’Etat».
Où est l’Etat? Est-il à ce point faible? Et où est partie la litanie de l’autorité de l’Etat chantée par le président de la République au temps de la campagne électorale? BCE serait-il aujourd’hui indifférent au sort du pays maintenant qu’il réside à Carthage? Aurait-il atteint son but ultime, lui qui prétend être le digne héritier de Bourguiba… Bourguiba, qui a renforcé les institutions et ne les a pas affaiblies par des compromis?
Compromis ou compromissions entre différents partis et les différentes organisations l’auront-ils emporté sur le sauvetage d’un pays qui marche «sur sa tête»?
Il est quand même bizarre que l’on arrive à monnayer la paix sociale aux dépens des équilibres fondamentaux de l’économie! Il est irresponsable que l’on fasse des campagnes électorales avant termes en usant du fameux dicton tunisien «Ihyini liyoum w oktolni ghoudoua» (fais-moi renaître aujourd’hui et tue-moi demain).
Car juste après que Christine Lagarde a cité le chiffre effarant d’une masse salariale s’élevant à 13% du PIB, ce qui est ahurissant pour un pays comme le nôtre, la réponse du gouvernement a été cinglante: augmentations salariales. Et encore il y en a à l’UGTT qui jouent aux Robins des Bois, avec une différence, ils ne vivent pas dans la forêt mais dans des villas luxueuses avec des enfants qui suivent leurs études dans des établissements privés. On défend les pauvres, on vit comme des riches et on massacre le tissu entrepreneurial au risque d’appauvrir encore plus ceux qui vivent dans des situations précaires. Pourquoi pas, si nous vivons comme des princes grâce à leurs frais d’adhésion. La négociation est un mot dénué de sens lorsque la surenchère rapporte plus… Quel drame que de voir les travailleurs, de mal nantis, devenir carrément des chômeurs.
La désintégration du tissu entrepreneurial privé, c’est la cerise sur le gâteau pour le pays surtout que le secteur public, bombardé des amnistiés d’Ennahdha, est saturé. On parle même de fonctions parallèles créées spécialement pour les militants du parti islamiste que personne ne peut toucher et de leurs collègues qui occupaient jadis ces postes percevant des salaires et sis tranquillement chez eux. Le gouvernement devrait peut-être lancer des investigations à ce propos.
Pendant trois ans de règne, la Troïka -ou Ennahdha car c’est elle qui a toujours gouverné- n’a rien fait dans la justice transitionnelle, usant des ressources de l’Etat sans aucun résultat palpable pour permettre au pays de passer de la phase de la colère et de la vindicte à celle des arbitrages et du pardon.
L’IVD, présidée par la «grande militante» Sihem Ben Sedrine (sic) a dépensé près de 12 MDT de l’argent des contribuables, mais à ce jour, nous n’avons pas entendu parler de vérité et encore moins de dignité.
Conséquence, la présidence prend le taureau par les cornes et propose une loi sur la réconciliation nationale pour prétendument relancer les investissements, redynamiser l’Administration et dépasser les rancunes. Mais dans sa mouture actuelle, le projet de lois est tellement mal élaboré qu’il compliquerait plus les choses qu’il n’œuvrerait à redynamiser la roue des investissements.
La loi est tellement ambiguë qu’elle s’apparenterait plus à une loi amnistiant les voleurs de l’après-14 janvier qu’à une réconciliation avec les anciens du régime Ben Ali dont nombreux ont été plus jugés et condamnés à cause de leur hautes fonctions que parce qu’ils ont spolié les biens de l’Etat.
Le projet de loi servirait plus à amnistier les nouveaux fortunés de guerre qu’à relancer la dynamique du pays. Du moins comme précédemment cité dans sa version actuelle! D’ailleurs, à voir comment Ghannouchi s’est mis à défendre cette loi, on peut se demander s’il n’y a pas anguille sous roche.
Mais qui se soucie aujourd’hui parmi nos politiques de l’avenir de la Tunisie? Les nidaistes ont été élus et beaucoup d’entre eux sont plus soucieux de préserver leurs postes, profiter de leurs privilèges et servir leurs ambitions que du sort de la Tunisie. Quant aux nahdhaouis, ils continuent sur leur lancée, leur califat, ils sont décidés à l’édifier quoique cela puisse leur en coûter.
Et in fine, une expression devenue aujourd’hui familière pour nous Tunisiens: miskina Tounes!