Récemment, le ministre des Finances, Slim Chaker, a accordé une interview au portail Webmanagercenter.com, dans laquelle il a évoqué plusieurs sujets, entre autres la réforme de la douane tunisienne. Cependant, il n’a pas parlé de Tunisia TradeNet (TTN), probablement par oubli (lire l’interview de Slim Chaker: Tunisie – Finances : «Nous voulons que l’économie formelle atteigne les 80% d’ici 3 ans», affirme Slim Chaker).
Considérant que Tunisia TradeNet constitue un maillon important des procédures d’import/export de la Tunisie, nous avons interrogé Mustapha Mezghani, le président-directeur général de cette structure, pour en savoir davantage.
WMC : Vous dirigez TTN depuis quelques mois. C’est un organisme important dans le mécanisme du commerce extérieur tunisien (importations-exportations). Mais en dépit de son importance, TTN reste peu connue du connue. Alors pourriez-vous expliquer à nos lecteurs le rôle de cette structure dans le commerce extérieur de la Tunisie?
Mustapha Mezghani : Tunisie Tradenet “TTN“ est le Guichet unique du commerce extérieur. Dans le cadre du projet liasse unique, TTN interconnecte les différentes intervenants d’une opération d’import et d’export: opérateurs économiques, douane, banques, ministères, transitaires, commissionnaires en douane, OMMP, STAM… et permet de réaliser une bonne partie des procédures d’importation et d’exportation en ligne réduisant ainsi les déplacements et les coûts des transactions.
Pour rappel, avant TTN, pour ouvrir un titre de commerce extérieur, il fallait allait acheter le formulaire à la Chambre de commerce, le remplir (ou le faire remplir par le commissionnaire en douane), l’emmener à la banque pour le domicilier, puis l’emmener à la douane. Actuellement toute cette procédure se fait en ligne, par une saisie en ligne du titre, transmission par les soins de TTN avec toutes les sécurités nécessaires, et une réponse de la banque, signée électroniquement, transmise à l’opérateur économique et à la douane, le tout dématérialisé.
Quelles sont les prérogatives de Tunisia TradeNet?
Le rôle de TTN est donc d’interconnecter les différents intervenants dans les procédures de commerce extérieur et d’être acteur de la dématérialisation de ces procédures.
Un important travail a été fait dans ce sens, mais beaucoup reste à faire.
Maintenant, il faut aussi convenir que la dématérialisation n’est pas uniquement du ressort de TTN puisqu’elle dépend aussi de ses partenaires. Nous avons beau mettre en place les solutions techniques, il faut aussi que nos partenaires acceptent, dans tous les sens du terme, ces mesures de dématérialisations et ces procédures dématérialisées.
C’est dans ce sens que TTN a récemment entamé une mission de lobbying et de convaincre ses partenaires des bienfaits de la dématérialisation et de les inciter à aller dans ce sens afin d’accélérer la dématérialisation des procédures en Tunisie.
C’est ainsi que suite à des propositions et démarches de TTN, en partenariat avec la douane, les banques et les services concernés du ministère des Finances, nous lancerons bientôt un ensemble de services dont :
– la dématérialisation des paiements par l’introduction d’un virement électronique certifié, à l’instar du chèque certifié,
– la dématérialisation de l’obligation cautionnée (en tant que document),
– la généralisation de la signature électronique des flux et des documents circulant sur la plateforme TTN.
En tant que Guichet unique, Tunisia TradeNet est-elle suffisamment outillée pour jouer ce rôle? Si non, qu’est-ce qu’il lui faut?
TTN est en premier lieu un prestataire de services informatiques qui développe et exploite une plateforme de services en ligne. Ce prestataire est investi d’une mission nationale de service public.
Comme toute entreprise de ce genre, TTN repose en premier lieu sur ses ressources humaines, ses femmes et ses hommes, en plus des équipements dont elle dispose.
Sur ces deux plans, un important travail a été entamé.
La finalisation des statuts du personnel, un projet qui dure depuis 2010, la mise en place d’une prime annuelle à l’instar de ce qui a été mis en œuvre au ministère des Finances et dans les différents centres informatiques nationaux, mais la formule dont nous avons convenu avec les syndicats et le personnel est effectivement basée sur la performance de l’entreprise.
Nous avons aussi travaillé sur les relations interpersonnelles et le sentiment d’appartenance à l’entreprise, clé de voûte de la réussite. Il ne faut pas oublier que TTN, bien que monopolistique de par son activité en Tunisie, évolue en environnement hautement concurrentiel en ce qui concerne la disponibilité et le débauchage des ressources humaines, tout comme son activité est prisée à l’international, milieu dans lequel beaucoup d’entreprises tunisiennes évoluent.
Dans le même sens, nous avons entamé un projet de révision de l’organigramme et du manuel de procédures, et ce en phase préliminaire de la refonte du système d’information.
Concernant la plateforme TTN et les équipements, nous disposons actuellement d’une solution assez fiable et sécurisée permettant à TTN de prester ses services en continue, 24h/24, 7 jours/7, sans interruption. Nous aspirons cependant à passer à la phase supérieure, c’est-à-dire d’une haute à une très haute disponibilité.
Depuis plusieurs années, on parle de dématérialisation de la liasse transport à travers le déploiement de la solution de signature électronique “SigNet“. Qu’en est-il au juste?
La liasse transport est un service différent de la liasse unique. La liasse transport permet aux intervenants concernés (transporteurs maritimes, douane, autorités portuaires, manutentionnaires) de recevoir, par anticipation, des informations sur les marchandises qui seront débarquées lors de l’arrivée du navire ou de l’aéronef afin de prendre les dispositions nécessaires lors du débarquement.
La liasse transport, mise en place en 2006, est actuellement opérationnelle à 100% au port de Radès, et nous envisageons de la généraliser à tous les ports de la République à partir de 2016.
Pour finir, quel est votre projet clé pour 2016?
Au bout de quinze ans d’existence, TTN a atteint un niveau de service respectable sur lequel il est possible de bâtir pour passer à un niveau supérieur, et il temps de passer à ce niveau supérieur.
Dans ce cadre, pour 2016, nous ambitionnant de lancer un ensemble de services complémentaires et nous avons commencé à travailler sur ces services aussi bien d’un point de vue technique mais aussi d’un point de vue législatif, pour ceux qui nécessitent la publication d’un texte, ou mise en place avec nos partenaires.
Parmi les projets les plus importants, je citerais la facture électronique qui constitue un important tournant pour TTN, mais aussi pour la Tunisie.
La facture électronique est demandée avec insistance de la part des opérateurs économiques depuis près d’une décennie. Avec l’appui du ministre, nous avons pu convaincre les différentes parties prenantes de l’intérêt de la facture électronique et défini les conditions de sa mise en œuvre afin de garantir la non modification dans le temps ainsi que la non répudiation et la non corruption. Un travail important a été fait avec toutes parties prenantes, y compris les services fiscaux et ceci a abouti à l’introduction d’un article dans ce sens dans la loi des finances 2016.
Ainsi, et après le vote de cette loi par le Parlement et sa ratification par le président de la République, la Tunisie sera le premier pays arabe et africain à disposer de la facture électronique.
