Soixante ans après la promulgation, le 13 août 1956, du Code du statut personnel (CSP) qui consacre l’égalitéentre la femme et l’homme, la femme tunisienne est toujours sous la menace de la marginalisation. En dépit des avancées significatives réalisées sur la voie de son émancipation et indépendance économique à la faveur de cette législation progressiste, la femme est, hélas, constamment, exposée à l’exploitation, à la violence et à la discrimination. Il y a toujours péril en la demeure
Pour mémoire, ce code donne à la femme tunisienne une place inédite dans la société tunisienne et dans le monde arabe en général, abolissant notamment la polygamie, créant une procédure judiciaire pour le divorce et n’autorisant le mariage que sous consentement mutuel des deux époux.
Ce code a pu perdurer, cinquante cinq ans, à la faveur de la détermination des deux présidents féministes qui ont régné sur le pays, en l’occurrence Bourguiba et Ben Ali.
Mais cette politique féministe qui s’inscrit dans une stratégie de modernisation du pays, s’est heurtée aux mentalités conservatrices des Islamistes lorsque ces derniers ont accédé au pouvoir suite au soulèvement du 14 janvier 2011, avec comme points d’orgue, la résurgence au plan vestimentaire d’accoutrements sinistres tels que le niqab et le retour de la femme au foyer en tant qu’objet sexuel et réceptacle pour la reproduction.
Comme quoi, dans la vie rien n’est acquis. La philosophe et romancière française Simone de Beauvoir avait tout à fait raison quant elle disait à l’adresse des femmes: «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devez rester vigilantes votre vie durant».
Pour une relance de l’initiative économique rurale
En Tunisie, c’est la femme rurale qui est la plus exposée à l’exploitation économique et à l’instrumentalisation politique. Tous les tunisiens ont encore à l’esprit la modicité de la rémunération des ouvrières agricoles et leur transport dans des conditions d’insécurité catastrophiques avec le plus souvent pour conséquence des accidents de circulation dramatiques. Outre le danger des accidents de la route qu’affrontent les femmes agricultrices, celles-ci sont confrontées, dans certaines zones forestières, au danger du terrorisme.
Il faut reconnaître qu’avec le gouvernement issu des élections générales de 2014, en l’occurrence le gouvernement de Habib Essid, d’importants pas ont été franchis sur la voie du renforcement des droits de la femme rurale et de sa protection contre toute forme d’abus. L’accent a été mis sur la relance de l’initiative économique féminine et sur la formation de 680 formatrices pour la formation de 3400 femmes dans le domaine de la gouvernance locale dans les régions rurales et intérieures, dans le cadre de la préparation des prochaines échéances électorales.
Autres acquis en faveur de la femme, l’adoption d’une loi sur la lutte contre la violence faite aux femmes, la création du conseil des pairs pour l’égalité des chances, la parution d’une loi habilitant à la mère d’extraire un passeport pour ses enfants …
L’idéal serait toutefois, comme l’a suggéré Radhia Jerbi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT) -qui commence à retrouver le sourire après sa traversée du désert au temps du règne des islamistes (Troïka)-, d’adapter le Code du statut personnel (CSP) à la nouvelle Constitution du pays, laquelle consacre de manière claire l’égalité homme-femme en Tunisie.