Après plus de trois ans de débat et d’hésitations, le nouveau Code des investissements a vu le jour. Le troisième texte de ce genre dont se dote la Tunisie a en effet été adopté le 17 septembre 2016 par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Si ce vote a été accueilli comme une libération, car le texte en question commençait à ressembler à un serpent de mer, son adoption n’a suscité ni enthousiasme débordant ni adhésion unanime. Car beaucoup, notamment dans le monde de l’entreprise, sont conscients des nombreuses lacunes du texte et avaient fini par se résoudre à se dire qu’un code, même aussi imparfait que le nouveau, vaut mieux que pas de code du tout.
Cette tiédeur à l’égard d’un texte légal tant attendu transparaît notamment à travers la réaction de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) qui estime, selon sa présidente, Wided Bouchamaoui, que ce texte «n’est pas parfait».
Mais qu’en pensent les investisseurs étrangers? Pour l’instant, on n’a pas encore enregistré de réactions à l’égard d’un code qui, selon la lecture officielle, offre de nouveaux avantages et de nouvelles garanties aux entreprises étrangères déjà installées en Tunisie ou qui voudraient s’y implanter. Mais on saura tôt ou tard ce qu’ils en pensent –soit par des déclarations et, plus probablement par un nouvel engouement pour la Tunisie ou, au contraire, la confirmation de l’actuelle désaffection- car ils sont concernés autant que les investisseurs locaux par le nouveau code et plus particulièrement par certaines de ses dispositions.
Certes, le nouveau texte accorde aux investisseurs étrangers –comme la possibilité d’accéder à la propriété des terres agricoles-, mais il présente en même temps l’inconvénient de tendre à les priver du seul moyen de protection qu’ils avaient jusqu’ici en cas de litige avec l’Etat tunisien: la Convention Cirdi (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements). Car la mention à cette convention –dont la Tunisie a été le premier pays signataire- qui figurait dans les textes de 1969 et de 1993 a disparu dans le nouveau.
Cela veut dire clairement que l’Etat tunisien, qui a perdu fin 2015 une première affaire devant le Cirdi au profit de la compagnie pétrolière suédoise Lundin et risque fort probablement de connaître bientôt le même sort dans celle qui l’oppose à la société ABCI au sujet de la Banque Franco-Tunisienne (BFT), ne veut plus que les investisseurs étrangers puissent y recourir à l&
Toutefois, à ce stade, ceux-ci auront encore le loisir d’engager une action devant le Cirdi, le retrait de toute référence à cette instance dans le nouveau code ne constituant pas un obstacle insurmontable. Donc pour leur couper la route, l’Etat tunisien va, si c’est là sa véritable intention, devoir dénoncer la convention Cirdi. Le cas échéant ce sera au prix d’une notable dégradation de la Tunisie en tant que destination «amie» de l’investissement étranger. Ce qui aura pour conséquence de détourner d’elle ceux parmi les investisseurs étrangers –et ils sont nombreux- qui attachent plus d’importance à la sécurité –juridique notamment- qu’aux avantages fiscaux et autres accordés par un pays dans le but –c’est le cas en Tunisie- de faire oublier la piètre qualité de l’environnement des affaires.