Tunisie : Kamel Ayadi et le défi de la réforme du contrôle de l’Etat

Par : Tallel

Dans sa première sortie médiatique, en tant que nouveau président du Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF), Kamel Ayadi a montré qu’il a de la suite dans ses idées. Et il le fait savoir en lançant un programme ambitieux de réforme du système de contrôle de l’Etat.

D’ailleurs, en tant que haut commis de l’Etat, doté d’un esprit novateur et réformateur, M. Ayadi n’entend pas confiner son institution strictement aux seules prérogatives dont elle est investie par la loi, à savoir «le suivi des rapports de contrôle». Il souhaite donner une dimension prospectiviste à sa mission à la tête du HCCAF.

A peine un mois après sa nomination à la tête de cet organisme -ô combien important dans une Tunisie sujette à tous les dérapages-, il sort au public avec un projet qui ambitionne de réformer les structures de contrôle pour consolider leur rôle en matière de détection des anomalies au niveau de la gestion, allant de la mauvaise gestion jusqu’aux malversations fraudes et corruption en passant par les erreurs de gestion.

Cependant, ce projet n’est pas nouveau dans la tête de Kamel Ayadi. En effet, il l’avait déjà lorsqu’il était ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, mais par les vicissitudes de la vie politique, il n’est pas parvenu à le mener à terme.

Cette fois-ci, l’ingénieur et spécialiste de la corruption, connu à l’échelle internationale pour ses compétences en la matière, semble avoir mis toutes les chances de son côté pour relever ce défi, soutenu qu’il est par le président de la République.

Ceci étant, Kamel Ayadi est conscient que, en tant que technocrate, il pourra difficilement réaliser ce projet sans un appui politique fort. C’est pour cette raison qu’il a pris le soin d’exposer son projet de réforme à celui qui lui a confié cette tâche, en l’occurrence Béji Caïd Essebsi, avant de l’annoncer lors d’une conférence de presse qu’il a tenue juste après l’audience pour présenter aux médias le rapport annuel du HCCAF.

Pour lui, le combat contre la corruption restera un veux pieux tant qu’il (le combat) ne s’appuie pas sur des institutions dédiées à cette cause et bien outillées sur le plan aussi bien réglementaire que sur celui de la capacité et de l’expertise.

Son credo est simple: sortir de la rhétorique et travailler sur des projets concrets afin de pérenniser l’action de la lutte contre la corruption.

Le projet de réforme de la fonction contrôle peut garantir la réalisation d’avancées remarquables dans le combat contre la corruption.

Prenant la parole lors de la conférence de presse, après avoir fait présenter le rapport annuel du HCCAF par Mme Essid, magistrat financier auprès du Haut comité, Kamel Ayadi a invité le pouvoir exécutif à investir et à s’investir dans le contrôle.

Pour M. Ayadi, le contrôle doit être considéré comme un investissement dont la rentabilité est garantie, en ce sens qu’il permet aux gestionnaires de réaliser des gains au niveau des dépenses publiques, mais aussi de prémunir les structures publiques contre les malversations.

Selon des études internationales, chaque dollar investi dans le contrôle correspond dix-neuf dollars gagnés dans la gestion.

Mais le président du HCCAF n’a pas manqué de déplorer, dans son intervention, le manque d’interaction des structures publiques par rapport aux missions de suivi des rapports de contrôle. Un changement de mentalité doit s’opérer pour intégrer le contrôle dans les traditions de gestion publique.

Kamel Ayadi précisera du reste que la mission principale des contrôleurs n’est pas d’épingler les responsables encore moins de les envoyer en prison, mais plutôt à assister les gestionnaires en vue de promouvoir les pratiques de gestion et limiter les dérives de tous genres.

Il est à rappeler que notre expert national est un adepte de l’approche préventive qui est la mieux à même de lutter contre la corruption. L’effet de la coercition, bien qu’elle soit nécessaire, reste toujours limité tant qu’il n’y a pas de politiques de prévention qui agissent en vue de changer la culture du management.

Reste à savoir jusqu’à quel niveau le soutien de la président de la République lui sera garanti pour mener jusqu’à son terme les réformes qu’il a entamées pour faire du HCCAF un véritable outil de gestion transparente dans les administrations tunisiennes. Car, si Kamel Ayadi obtient cette soupape, sans faille, de la part du chef de l’Etat, il pourra aller plus loin, sans crainte. dans sa quête d’une administration IRRÉPROCHABLE. Mais…

TB