En principe, il n’y a aucune prise de position officielle, que ce soit de la part de Bruxelles ou de Paris à moins qu’il y ait des concertations informelles. Néanmoins, au regard de certaines déclarations faites par des députés européens et leur concomitance avec la co-organisation de manifestations tuniso-françaises sur la corruption, plusieurs indices montrent que le projet de loi sur la réconciliation financière et économique initiée par la présidence de la République tunisienne n’est pas du goût ni des Européens, en général, ni des Français, en particulier.
Au plan européen, il y a quinze jours, la députée Eva Joly est intervenue au Parlement européen pour évoquer l’attitude à prendre par les pouvoirs publics concernant les biens acquis illégalement et confisqués après la chute des dictatures.
Non à l’amnistie
Eva Joly, réputée pour être le chantre de la lutte contre la corruption, s’est inscrite en faux contre toute tendance à amnistier les personnes corrompues au temps de la dictature de Ben Ali.
Pour elle, il faut faire en sorte que ces personnes n’échappent pas à la sanction et que les deniers publics détournés ne profitent pas à leurs descendants.
Elle a cité à ce sujet l’exemple de la Roumanie dont l’opinion publique avait rejeté avec fermeté un projet de réconciliation avec les anciens cadres et hommes d’affaires corrompus.
Quelques jours seulement après cette intervention au Parlement européen, plus exactement les 15 et 16 mai 2017, l’ambassade de France en Tunisie et l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) ont co-organisé, en partenariat avec l’Agence de l’Agence française de développement (AFD), la 1ère édition des «Journées franco-tunisiennes de lutte contre la corruption», une manifestation appelée à devenir un rendez-vous annuel.
Point d’orgue de ces journées, l’intervention encore une fois de l’incontournable Eva Joly sur le thème «Lutte contre la corruption: l’indispensable pression citoyenne».
Eva Joly s’est déclarée satisfaite des avancées réalisées par la Tunisie sur la voie de l’éradication de la corruption, particulièrement de la promulgation d’une loi sur la protection des dénonciateurs de corruption.
Pour la formation de magistrats spécialisés
Elle recommande, pour parachever l’arsenal juridique de lutte contre la corruption en Tunisie, l’élaboration d’un texte sommant les hauts cadres du pays (ministres et autres…) à déclarer leurs biens légitimement acquis.
Elle a insisté sur l’enjeu de former, en amont, des magistrats spécialisés dans la lutte contre la corruption, voire sur ce qu’elle a appelé «la nécessité d’une organisation judiciaire spécialisée». L’ultime objectif étant «l’identification, la saisie, la gestion, la confiscation et le recouvrement des avoirs de la corruption».
On ne peut être plus clair.