Si on lit avec détachement et objectivité la liste des ministres rentrants et sortants, on se rend compte très rapidement que le chef du gouvernement a choisi de rester à sa place et d’opérer un changement réfléchi dans la liste de ses ministres.
Le maintien des ministres nahdhaoui, Hammami et Laadhari, est une belle manœuvre pour couper l’herbe sous les pieds des islamistes tout en réduisant leur pouvoir de nuisance en les gardant dans une coalition qui œuvre indirectement pour l’avenir politique de M. Chahed.
Ce dernier sait très bien que le temps travaille pour lui et qu’il a besoin de s’installer davantage dans ses habits d’homme politique de premier plan.
Nommer Slim Chaker à la Santé est un cadeau fait au fils du président. Tout le monde ou presque sait que M. Chaker est un proche de HCE, lui donner un poste est une manière de réduire les ardeurs d’un excité du pouvoir qui n’a jamais su l’apprivoiser. M. Chaker est flanqué d’une secrétaire d’État très compétente en la personne de Mme Sonia Bechikh.
Abdelkerim Zbidi rentre au gouvernement par la plus grande porte. Il est l’homme qui a dit non à Moncef Marzouki. Sa nomination est une claque à peine déguisée aux farfelus du CPR et du Harak. Si Zbidi a suffisamment de cartes en main pour faire face à toutes les accusations et les bizarreries de l’ancien président de la République.
Deux hommes du président ont rejoint le gouvernement. Il s’agit de Hatem Ben Salem et Ridha Chalghoumi. Ils ont la particularité d’avoir travaillé avec Ben Ali et ils ont une étiquette de RCDistes plus ou moins dissimulée.
Dans ce cas précis, M. Chahed a fait d’une pierre deux coups: rester proche du président et attirer la sympathie des RCDistes qui commencent à refaire surface avec beaucoup d’insistance.
La nomination de Lotfi Brahem à l’Intérieur est une belle réussite, car Ennahdha a dû sûrement user de tous les artifices pour tenter de garder une forme d’influence sur ce ministère. Elle n’a pas réussi car M. Brahem est un homme du terrain qui a eu beaucoup de réussites avec la Garde nationale dans la lutte contre le terrorisme. Un homme de cette envergure est capable de diriger son ministère en faisant collaborer tous ses services pour le bien de la nation.
Anis Ghdira a quitté le gouvernement, il était temps. Trop de catastrophes ont eu lieu sous son “règne”. Le nouveau ministre, Riadh Ayara, aura la lourde tâche de mettre de l’ordre urgemment dans les compagnies Tunisair et la SNCFT comme dans toutes les sociétés régionales de transport. Il doit aussi voir et étudier avec d’autres ministres et ministères les moyens de réduire l’hécatombe routière.
M. Chahed a gardé aussi quelques têtes de son ancien gouvernement dont le poids n’est pas très important, des têtes que beaucoup d’observateurs voyaient partir -Ben Gharbia, Cherni, Dahmani et Maarouf- mais qui sont restées pour maintenir un certain équilibre notamment régional.
En conclusion, ce gouvernement est sur mesure pour la continuité politique de M. Chahed qui est définitivement installé dans le paysage politique tunisien et qui se prépare pour de très grandes responsabilités.
Il est clair que BCE a choisi d’être du côté du chef du gouvernement et qu’il a déjà commencé les manœuvres pour changer le système politique bâtard pondu par une Constitution de compromis voire de compromission.
Va-t-il trouver le temps pour le faire? Les prochains jours vont nous le montrer. En attendant, il y a de la fumée noire qui sort de Montplaisir et la cravate de Ghannouchi semble être incapable d’éteindre le feu.
HBS, enseignante universitaire à Montpellier – France