Effarement,
saisissement, émoi, bouleversement, inquiétude, angoisse… autant de noms et
d’adjectifs pour décrire la consternation du peuple tunisien suite à l’attentat
perpétré à l’encontre de
Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des
Patriotes Démocrates unifié, mercredi 6 février. Les Tunisiens, qui croyaient
que cela n’arrivait qu’aux autres, ont tout d’un coup réalisé que cela pouvait
aussi leur arriver et qu’ils n’étaient ni épargnés par la violence ni par les
règlements de compte politique.
Hamadi Jebali, chef du gouvernement qui débattait ou plutôt négociait depuis
quelques temps un remaniement ministériel concerté avec ses alliés, ses
partisans et les partis d’opposition, a créé mercredi la surprise en annonçant
la «dissolution» du gouvernement en place pour former un autre composé de
technocrates. «Ne pensez surtout pas que ma décision a été prise à-la-va-vite,
j’y réfléchissais depuis quelques temps déjà». Il a agi en homme d’Etat et a
consommé la rupture avec son parti initial. Hamadi Jebali a aussi tenu à
préciser que ses ministres ne se présenteront pas aux prochaines élections et en
s’y excluant lui-même.
Cela faisait longtemps que l’opposition revendiquait un gouvernement de
compétences: «Nous approuvons Si Hamadi, même s’il n’a pas été assez réactif à
nos sollicitations exprimées dans ce sens depuis plusieurs mois déjà. Tout ce
que nous demandons est d’en débattre avec lui pour qu’il y ait un consensus
autour des personnalités prédestinées aux postes ministériels», a déclaré jeudi
sur ShemsFM Issam Chebbi du parti Al Joumhouri.
Les autres composantes politiques de l’opposition vont dans ce sens. Pour le
parti Al Massar, le discours du chef du gouvernement a été une réponse à des
demandes exprimées depuis le 23 octobre dernier: «Nous aurions préféré voir
cette décision prise plus tôt avant que l’on assassine le militant
Chokri Belaïd,
mais mieux vaut tard que jamais. Toutefois, nous ne donnons pas de chèque en
blanc à Si Hamadi. Nous exigeons que ces compétences soient réellement
qualifiées pour assurer leurs missions jusqu’à la date des élections. Nous
exigeons également que les Ligues de protection de la révolution soient
dissoutes et que les responsables qui les dirigent comparaissent devant les
tribunaux aussi puissantes soient leurs positions», a déclaré Samir Taieb,
porte-parole d’Al Massar.
Mehdi Belgharbia de l’Alliance démocratique a non seulement applaudi
l’initiative de Hamadi Jebali mais a déclaré que c’est l’un des actes les plus
courageux qu’il ait jamais connus: «Donnez-moi un seul exemple d’un homme
politique au pouvoir ou dans l’opposition à sacrifier ses chances de se
représenter aux prochaines élections et annoncer qu’il ne le fera pas parce
qu’il a choisi les hauts intérêts du pays plutôt que les siens. J’apprécie,
j’approuve et en tant qu’Alliance démocratique, nous le soutiendrons dans son
projet de gouvernement de technocrates. J’appelle à ce propos la frange modérée
d’Ennahdha à soutenir son secrétaire général et à ne pas tomber dans les erreurs
commises, il y a 20 ans pour préserver le pays et ne pas le pousser vers le
chaos et l’inconnu».
Sur d’autres fronts, nous avons entendu parler d’appels non seulement à la
démission du gouvernement mais aussi à la dissolution de la Constituante.
Pourquoi faire? Et pour laisser place à quoi? A l’anarchie ou appeler les
militaires qui ont toujours opposé un refus total de se mêler de politique à
prendre le pouvoir et désigner un président?
Autant nous pouvons comprendre qu’aussi bien Ennahdha que ses alliés refusent la
proposition Jebali et réfutent ses arguments parce qu’ils y perdent toutes leurs
plumes, autant nous sommes surpris de voir des figures connues du paysage
politique partir dans des plaidoyers insensés pour mener le pays vers un vide
politique.
Chokri Belaid est-il mort assassiné pour que les enchères pour occuper les
devants de la scène politique et se débarrasser des rivaux devancent, dans
l’ordre des priorités, la sécurité et l’unité des Tunisiens ainsi que le
sauvetage économique du pays?
Hamadi Jebali rappelle dans ce qu’il vit aujourd’hui le célèbre film du soldat
Ryan. Faut-il le sauver et avec lui la Tunisie de l’inconnu?