Le calvaire du groupe
Batam a commencé en octobre 2001, lorsque pour la
première fois une de ses traites est retournée impayée
alors que la société croyait pouvoir encore compter
sur les largesses du secteur bancaire qui lui accordait
volontiers de généreux quotas de découvert et d’escompte.
Que s’était-il passé pour qu’un tel groupe dont la
réussite était digne des meilleurs success-story des
frères Ben Ayed Taïeb et Maher
(Batam), pionnier de la vente à crédit, se retrouve
soudain à genoux comme un géant aux pieds d’argile
?
2001 a en fait été pour Hela Batam (la
société mère du groupe)une année à très forte croissance
du CA. Toutes taxes confondues le CA grimpe en effet
de 65,9 MD en 1997, année de création, à plus de 87
MD en 2000 et atteint les 100,025 MD en 2001. Seul « hic »,
80 % de ce chiffre d’affaire était fait à crédit. « Plus
on vend à crédit, plus le besoin en fonds de roulement
d’exploitation augmente et on a épuisé le quota
de 80 MD de crédit (escompte et découvert) »
explique Hatem Garbouj le directeur financier du groupe.
« Qui
plus est, poursuit-il, on avait autorisation de découverts
de 5 MD et un quota d’escompte de 40 MD, toutes banques
confondues. Mes besoins ont augmenté au même moment
où a lieu le resserrement de la trésorerie du secteur
bancaire et la politique de rigueur de la BCT pour améliorer
les ratios de liquidité du secteur bancaire. On aurait
mieux supporté si on n’était pas en phase de croissance.
Tout le cycle d’exploitation de Batam est un cycle à
crédit avec un marché de l’électroménager à crédit qui
a lui-même connu les affres de la politique de rigueur
de la BCT leur retirant les autorisations de dépassement
de découvert des quotas d’escompte, déstabilisant le
cycle entier de la vente à crédit à cela s’ajoutent
les impayés des ménages d’environ 1.5 MD par mois mais
avec un déchet de seulement 1% après recouvrement,
et qui ont été eux-mêmes touchés par le resserrement
du crédit à la consommation. En comptant donc
les délais clients par rapport aux délais fournisseurs
et le stock, on a besoin de 45 jours de découvert, de
210 jours de quota d’escompte. Cela fait un besoin de
60 MD en quota d’escompte et un découvert de 12 MD pour
financer l’activité à crédit »
Et alors
que Batam payait encore cette année les marchandises achetées
en 2001, intervient, selon ses dirigeants la baisse importante
en 2002 du marché de l’électroménager de pas moins de 25%
par rapport à 2001.
Conséquence
directe, au 30 juin 2002, le chiffre d’affaire de la société
Hela Batam accuse une baisse de 54 % alors que tout le groupe
(une douzaine de sociétés) enregistre une baisse d’activité
de l’ordre de 32 % par rapport à 2001.
Etat
récapitulatif du chiffre d’affaires au 30 juin 2002
pour l’activité distribution
Société
Cumul
juin 2001
Cumul
juin 2002
%
croissance
Batam
58
450 623
26
840 252
-54
%
Bon Prix
31
740 063
32
316 019
2%
Général
Métal
7
907 505
8
476 886
7
%
Kinder
Land
5
704 230
1
797 624
-68
%
SGD(Distrib.Meuble)
4
296 940
2
961 412
–
31 %
Intimité
(OBA)
613
581
881
117
44
%
Galerie
des marques
1
640 558
1
659 192
1
%
Média
Store
9
746 292
4
532 483
–
53 %
Easy Tour
1
136 422
1
108 391
–
2 %
CVG
2 823 367
1 920061
– 32 %
Scarpa
147 584
434 044
194 %
Smak
–
1 379 230
–
TOTAL
124 207 165
84 306 711
– 32 %
Actuellement, les choses
semblent aller mieux pour Batam et les difficultés semblent
se tasser après que les responsables du groupe aient
pris les choses en main et mis au point une stratégie
de relance et commencé l’exécution d’un plan de redressement.
Première nouvelle, la situation de la trésorerie est
actuellement à « zéro dépassement des autorisations
de 5 MD avec toutes les banques » sans pour autant
que la trésorerie soit équilibrée.
Un plan de redressement
à l’œuvre
Cette situation est confirmée par le maintien de la note «
BBB-» que lui a accordée l’agence Maghreb Rating. A noter
que le groupe se fait noter annuellement, qu’il en est à sa
quatrième notation consécutive et que celle-ci est descendue
de « A » en 1999, à « BBB+ » en 2000, puis à « BBB- » l’année
dernière et maintenue à « BBB- » cette année.
Pour
les perspectives 2002, on estime finir l’année à –40 % du
chiffre d’affaire, « car la crise de l’électroménager n’est
pas encore finie et que, indépendamment de Batam, la reprise
n’est pas pour demain » estime le directeur financier.
Pour
se relever, le groupe a mis au point un plan de redressement. « Pour consolider l’affaire,
nous allons renforcer notre action de vente à crédit en multipliant
les conventions avec les banques et veiller ainsi à ce que
le crédit ne se fasse plus sur la trésorerie propre de l’entreprise
et axer notre activité sur Batam et Bon Prix et nous débarrasser
des autres filiales pour se dégager des activités non stratégiques »,
nous confie Maher Ben Ayed. Et le PDG de la société Hela d’électroménager
de nous confirmer que des filiales comme KinderLand, MédiaStore,
Galerie des Marques, Intimité
et autres, seront prochainement mis à la vente après que le
groupe ait déjà cédé des sociétés comme EasyTour au groupe Carthago ou Général
Métal à son propriétaire qui a racheté les parts
de Batam.
Autre axe de cette stratégie
de relance, l’amélioration des ratios de gestion en réduisant
la structure de charge pour rendre la société beaucoup plus
performante, la restructuration du groupe par la centralisation
administrative et la chasse aux coûts (téléphone, GSM, parc
roulant, consommables) qui devrait
engendrer un gain de 4 MD rien que pour Hela Batam.
Cette action de balayage des surcoûts a aussi entraîné un
plan social de quelque 1000 stagiaires et contractuels
et une banque d’affaire (la BAT en l’occurrence) continue
d’analyser la situation du groupe pour définir les meilleurs
choix stratégiques pour l’avenir.
Autre
axe, très important de ce plan de redressement, celui qui
concerne la situation de la trésorerie. Pour y
remédier, Batam entame déjà avec le CMF, les procédures
d’introduction d’un emprunt obligataire, le troisième de son
histoire, d’un montant de 30 MD. Autre décision, non moins
importante du conseil d’administration, réuni en juin dernier,
celle de « l’engagement du noyau
dur de l’actionnariat de réinjecter leurs dividendes de l’année
2001 dans la la société sous forme d’augmentation de capital »
annonce Maher Ben Ayed. Et le premier responsable du groupe
d’ajouter ensuite que « pour
les petits actionnaires, nous leur proposons, soit d’empocher
leur dividende à la date du 22 juillet, soit de ne pas le
retirer et de le consacrer à l’achat d’actions Batam au prix
de 6 DT, pour une valeur nominale de 5 DT et contre un prix
actuellement à la bourse de 6,8 DT.