La plupart en ont reçu l’Ok 2003, les banques de développement deviennent universelles
La création des banques de développement mixtes, Tuniso-Arabes, au début des années 80, correspondait à la période de lancement du sixième plan de développement. En 1981 en Tunisie, dernière année du cinquième plan, le taux de croissance était de 6,5% et la moyenne sur tout le plan était de 6,3%. Sur le plan international, l’économie mondiale présentait des prémices d’une crise de liquidité due essentiellement à une flambée des prix du pétrole, ce qui s’est traduit par un rétrécissement des opportunités d’endettement à moyen terme des pays en voie de développement. Cela parallèlement à une réduction, constatée, du soutien des pays riches et ceux producteurs de pétroles aux pays en voie de développement.
Face à cette conjoncture, l’idée de création de banques de développement mixtes a vu le jour. L’objectif était de contribuer à la mobilisation des ressources nécessaires au financement du sixième plan pour des investissements de l’ordre de 8 milliards de dinars. 6 banques mixtes ont été ainsi créées.
Quatre avec les pays du golfe (la BTKD avec le Koweït, la STUSID avec l’Arabie Saoudite, la BTEI avec les Emirats Arabes Unis et la BTQI avec Qatar) Et deux avec les pays maghrébin (la BCMA avec l’Algérie et la BTL avec la Libye).
Vingt deux années après, elles ne sont plus que 5 suite à la liquidation de la BCMA, mais le bilan est positif. Les objectifs ont été clairement atteints, puisque ces institutions ont au moins fortement contribué à l’essor du secteur touristique et impulsé la création de projets industriels, dont certains sont même considérés une fierté du pays.
Mais vingt deux années plus tard aussi, ces banques de développement s’essoufflent. Cela dans la mesure où depuis une dizaine d’années, voir avant, la libéralisation progressive de l’économie en général et la politique d’encouragement du crédit en particulier, n’ont pas permis à ces banques d’évoluer au même rythme que les banques commerciales.
Ces dernières devenant aptes à concourir au financement des projets par des crédits à long terme, ont enlevé le quasi-monopole aux banques de développement, d’autant plus que leurs ressources sont mobilisées sur le long terme en devises et donc plus cher.
Conséquence : la part des banques de développement dans l’intervention du secteur bancaire en 2001, ne représentait plus que 7,3% contre 27,6% en 1996 et 46% au début des années 90. En face, l’intervention des banques commerciales s’est accrue de 44% en 2001 alors qu’elle n’était que de 37% pour la période allant de 1996 à 2001.
A cela bien sûr, il y a cause. D’abord l’interdiction, pour les banques de développement, de collecter l’épargne des particuliers, ce qui leur aurait permis de réduire les coûts de leurs ressources financières engagées dans le financement des projets.
Il y a ensuite les baisses successives des taux d’intérêt, de 11,3% en 1992 à 5,875 en 2001. Ceci s’est bien sûr directement répercuté sur les taux d’intérêt chez le secteur des banques commerciales, alors que le taux d’intérêt pratiqué par les banques de développement n’enregistrait qu’une baisse de 2 points (Il s’agissait en réalité d’une prise en charge, par l’Etat à travers la baisse de la prime contre le risque de change), à cause du coût de leurs ressources, collectées en devises chez les institutions étrangères.
A tout cela, il faut ajouter la possibilité accordée aux banques commerciales d’accorder des crédits à long terme, concurrençant ainsi les banques de développement dans leur créneau d’activité, d’autant plus que les ressources des banques commerciales provenaient principalement de la collecte de l’épargne nationale et coûtaient donc moins cher.
La libéralisation du secteur des services, devenue effective avec le rachat de l’UIB par la SG française et la loi du 10 juillet 2001 relative aux établissements de crédit, qui consacre le caractère universel de l’activité de l’établissement de crédit et l’abandon de la distinction entre banque de dépôt et banque de développement, aidant, il est ainsi devenu temps pour les banques de développement de se transformer pour devenir ce qu’elles sont : des banques.
Officiellement, l’option en a été prise, en accord avec les pays partenaires, au cours du conseil interministériel du 11 février 2002. Si la BTEI a officiellement annoncé, à l’occasion de la tenue le 28 juin 2002 de son conseil d’administration, son intention d’accéder au rang de banque universelle, le reste des banques de développement ne l’ont pas encore fait ou l’ont juste annoncé en interne.
C’est le cas de la BTKD, de la STUSID et de la BTQI et de la BTL. Les deux premières ont pourtant reçu l’aval de leur conseil d’administration, depuis septembre 2002, pour se transformer en banques commerciales. La BTQI et la BTL avaient l’aval des parties Qatari et libyenne, depuis le mois de juin 2002.
Les trois banques mixtes Tuniso-khaligi donnent pour acquis leur transformation au cours du premier semestre de l’année 2003. Des sources financières indiquent que cette transformation en banque universelle, ne clonera pas pour autant le système bancaire traditionnel.
Il serait ainsi très peu probable que ces banques se mettent à ouvrir des guichets un peu partout. Une transformation selon le modèle Citibank reste le scénario le plus probable, avec l’ouverture d’une agence à Tunis, d’une autre à Sfax et d’une troisième à Sousse. Plus tard, peut-être, d’autres agences dans les principales grandes villes du pays.
Reste cependant avant cela, pour ces banques de développement, de régler une question essentielle. Les différentes réunions, à très haut niveau, qui ont étudié la question du passage à la banque universelle, ont insisté sur deux points, jugés essentiels, sinon des a priori. En premier lieu l’assainissement du portefeuille de ces banques. Ensuite, la restructuration administrative.
Pour ce qui est du premier point, la solution serait en vue grâce à la création, par chaque banque de développement concernée, d’une Sicaf pour absorber les participations accrochées et d’une société de recouvrement pour lui faire absorber les crédits accrochés, dits aussi les crédits classés.
Pour le volet administratif, il est important de rappeler que ces banques de développement ont été créées par des conventions entre Etats, passées par les parlements des différents pays et qui en ont fixé les objectifs, les missions et les moyens. Il s’agira alors de trouver la solution souple et efficace qui permettra à ces institutions de continuer à travailler dans le nouveau cadre de la loi de juillet 2001.
Plus tard encore, il s’agira de permettre à ces nouvelles quatre banques universelles (la BTEI étant déjà cotée à la bourse) publiques (puisque leur capital sera fait de participations étatiques) de faire appel public à l’épargne et de lever des fonds sur le marché financier.
Déjà et pour l’année 2001, ces banques affichent un bilan positif. La meilleure reste la BTKD avec un résultat net de 12,386 MDT, loin devant la STUSID avec 8,176 MDT, la BTQI qui n’a fait qu’un résultat de 50 mille DT et la BTEI qui n’a dégagé qu’un résultat net de 37 mille DT.
Ces “petits résultats” s’expliquent, il est vrai, par l’affectation de la quasi-totalité des résultats d’exploitation de ces banques, à la consolidation du niveau de provision sur les risques accrochés.
2-12-2002
Khaled BOUMIZA