Le 11 décembre
dernier et à l’initiative du ministère du tourisme, du commerce et de
l’artisanat a été organisé à Tunis, un séminaire sous le thème de la mise à
niveau des chambres de commerce. Cet événement s’inscrit certes dans la
mouvance globale, nationale, de mise à niveau de l’environnement de
l’entreprise pour lui donner tous les moyens de réussir sa mue face aux
défis de la concurrence internationale qui est déjà là pour certains secteur
et qui pointe le nez pour d’autres comme les services.
Point d’orgue, pour les CCI, de cette velléité de restructuration de leur
autorité de tutelle qui est le ministère du commerce, la question financière
et les moyens matériels à mettre à disposition de ces structures, hybrides
entre privé et public, de soutien aux entreprises et aux hommes d’affaires
qui font de plus en plus preuve de leur efficacité dans un environnement
international, occidental et oriental, où la Chambre de commerce est le
véritable partenaire des hommes d’affaires. Homme d’affaires lui-même et
représentant des milieux d’affaire tunisiens au sein de l’association
méditerranéenne des chambres de commerce qu’il préside depuis mars dernier, Jilani Ben Mbarek nous livre son sentiment à propos de toutes ces questions.
Interview :
IL y a actuellement un courant de remise en question, ou si vous voulez
de mise à niveau selon le terme désormais consacré, des chambres de commerce
et d’industrie. Que veut dire cette mise à niveau et à quoi sert-elle ?
Il y a plusieurs phénomènes à prendre en compte pour comprendre le pourquoi.
Il y a d’abord la mondialisation. Il y a ensuite le démantèlement
tarifaire et il y a enfin l’esprit de la nouvelle dynamique économique,
c’est-à-dire l’économie virtuelle et électronique. Tout cela a fait qu’il
fallait se poser la question de savoir si des outils traditionnels comme les
chambres de commerce ont encore leur place dans ce nouvel environnement et
si elles peuvent encore apporter quelque chose aux entreprises. L’objectif
est aussi de savoir ce qu’on doit faire de ces structures, s’il faut les
renforcer et leur donner les moyens, légaux, institutionnels et matériels,
ou s’il faut les mettre sous l’éteignoir et les faire disparaître s’il
s’avère qu’elles n’ont plus rien à ajouter.
Mais il y a avant cela une autre question qui se pose et qui a trait à
l’essence même de l’existence des chambres qui sont des structures hybrides
avec une composition essentiellement d’hommes d’affaires, appartenant à la
centrale patronale qu’est l’Utica, dépendant directement du ministère du
tourisme, du commerce et de l’artisanat qui est sa tutelle ?
Il n’y a aucune ambiguïté. L’Utica est un syndicat qui défend le patronat et
qui a un rôle revendicatif. Les chambres de commerce n’ont pas ce rôle.
Elles ne discutent pas les lois mais les mettent en application. Elles ont
un rôle de service, elles travaillent pour le compte des chefs
d’entreprises, que défend le patronat. Utica et chambre de commerce sont
donc des structures différentes, mais complémentaires. D’un côté
un esprit syndical et de l’autre une mission de service que doit apporter la
Chambre aux entreprises pour leur faciliter le travail en matière
d’exportation, avec le certificat d’origine, le carnet ATA ou le carnet TIR,
dans les domaines aussi de la promotion, de l’investissement étranger ou du
développement régional.
La tutelle ne vous gène donc pas. Elle vous est même utile, surtout du
côté matériel, puisque c’est le ministère qui vous subventionne ?
C’est l’Etat tunisien qui nous subventionne, mais la tutelle on en a besoin
et c’est même quelque chose qui nous est nécessaire. La Chambre de commerce
est certes un outil de la politique économique de la Tunisie, elle ne fait
cependant pas de politique. C’est pourquoi nous avons besoin de la tutelle
pour nous indiquer les orientations politiques à suivre.
Et donc vous devenez un organisme de soutien aux entreprises ?
C’est exactement le mot qu’il faut. Nous sommes un organisme de soutient,
l’organisme qui aide les entreprises à aplanir certaines de leurs
difficultés, à comprendre comment commercer avec l’étranger et partout dans le monde ce sont les chambres de commerce qui sont à la
disposition des hommes d’affaires pour faire des affaires.
Au cœur de cette question de mise à niveau et de restructuration, il y a
bien sûr cette question du financement des chambres et des moyens, matériels
et autres, à mettre à disposition des Chambres pour qu’elles puissent
accomplir leurs missions et les dispositions des pouvoirs publics en la matière.
Comment voyez-vous cette question ?
Les moyens peuvent exister et les solutions sont là, mais il y a une volonté
politique qui doit décider en tenant compte de ce que nous demandons comme
le palais consulaire pour les Chambres importantes, un siège honorable pour
les Chambres, des centres de formation avec des moyens up to date. En
attendant ces grands moyens, la mise à niveau des Chambres, qui a commencé
depuis 2 ou 3 ans et continue avec nos modestes moyens et la collaboration
de Chambres de pays amis comme celles de Marseille, de Milan ou de Barcelone
et l’aide aussi d’instruments d’institutions internationales comme la Banque
Mondiale.
Nous essayons actuellement de nous démener pour trouver les moyens d’aller
plus vite et plus loin dans cette mise à niveau, surtout que les différentes
mesures prises par le chef de l’Etat et l’arsenal juridique mis en place
nous permettent de le faire.
D’où viennent actuellement les moyens dont disposent les Chambres de
commerce ?
Nos budgets sont modeste et ne dépassent pas le 1 MDT, dont la partie
recette provient essentiellement d’une subvention qui ne couvre que 10 % de
la somme et le reste d’activités de services que rend la Chambre, comme les
certificats d’origine, le carnet ATA ou l’école de formation. Aujourd’hui
les recettes peuvent devenir très importantes et l’on pourrait même se
passer de subventions, car je pense que l’Etat Tunisien et surtout la vision
du président Ben Ali va dans le sens où chaque organe, institution ou
organisme doit être financièrement autonome.
Nous on pourrait avoir des rentrées fixes si demain on se décidait à confier
aux chambres de commerce, la gestion du registre de commerce. Là, non
seulement on verrait les Chambres améliorer leur situation actuelle, mais
aussi et surtout augmenter considérablement le nombre des entreprises
enregistrées. Il y a aussi une multitude de services qu’on pourrait rendre
et qui pourraient améliorer nos moyens.
Vous avez toujours milité pour que les Chambres puissent gérer certains
services aux entreprises comme l’entrepôt réel ?
Entre autres. Nous militons en fait pour que les services destinés aux
entreprises, le soient à un prix réel et pas prohibitif. Si les Chambres
géraient les entrepôts réels, les tarifs et les services rendus seraient
tout autre car les Chambres ne sont pas des entreprises à but lucratif.
D’autres services comme les études ou le registre de commerce peuvent nous
ramener des subsides pour faire face, et cela au profit de l’entreprise.
Vous êtes, depuis quelques temps, président de l’association des chambres de
commerce de la méditerranée (ASCAME), une première pour la Tunisie et le
monde des affaires. Qu’est-ce que cette association et la présidence
Tunisienne peuvent apporter à la Tunisie, à la promotion du climat d’affaires
en Tunisie et à l’entreprise ?
L’ASCAME est une association qui englobe 180 des 500
Chambres de commerce de la zone méditerranée. J’en suis le président depuis le 9 mars 2002
et cela grâce à l’image qu’avaient mes pairs de la Tunisie et le dynamisme
de la Chambre de Tunis. Notre objectif est d’ancrer, économiquement, la
méditerranée à la mouvance économique et commerciale internationale et faire
de la méditerranée un partenaire à part égal, pour discuter avec l’Europe et
le reste du monde. C’est pourquoi nous sommes avec Euro Chambres (qui
représente, actuellement, 1500 chambres européennes et 15 millions
d’entreprises) où nous discutons des problèmes des entreprises de la zone
méditerranée.