• ABC Tunisie termine 2002 légèrement excédentaire malgré les 2 MDT de
déficit de l’on-shore, mais n’entrera pas en Bourse avant 2006,
• Une réflexion stratégique est indispensable pour définir quel système
bancaire nous voulons avoir dans les 5 ou 10 années à venir; à partir
de là, les solutions à apporter aux divers problèmes seront plus évidentes,
• Une guerre en Irak aura son impact, mais la Tunisie réalisera quand même
un taux de croissance meilleur que celui de 2002,
Mr Ezzedine SAIDANE avait quitté la BIAT en 1998, avec la réputation de
celui qui a réussi le premier et l’unique GDR de la Tunisie. Après avoir
assuré l’expansion de l’unité off-shore de l’ABC il fonde et lance
ABC-Tunisie, banque commerciale résidente pour en faire une des banques les
plus actives de la place.
Son poste de Pdg, au sein d’un Groupe qui compte une banque (ou une agence)
dans chaque grande capitale du monde, lui confère certainement une très
bonne vue du panorama financier mondial et une position de veille
stratégique.
Avec lui nous avons parlé de sa gestion de l’ ABC, du secteur bancaire
tunisien, mais aussi de cette guerre annoncée et de ses probables
conséquences. Interview.
Comment va l’ABC et quel est le bilan de son deuxième exercice dans l’on-shore
?
On vient en effet de clôturer notre second exercice, puisqu’on avait
démarré l’activité on-shore en juin 2000. Le premier était bénéficiaire et
celui-ci l’est moins.
Le déficit sera de combien ?
Il sera de l’ordre de 2 MDT. Notre bilan global off-shore et on-shore est
cependant excédentaire.
Quelles en sont les principales causes ?
Il y a essentiellement deux causes pour cela. La première est que pour l’on-shore (banque commerciale) nous n’en sommes qu’au second exercice, un
exercice caractérisé par d’importantes charges d’amortissement et
d’importants investissements après l’ouverture de la banque, notamment dans
l’élargissement de notre réseau d’agences, dont les trois dernières à Sfax,
Sousse et Nabeul.
La seconde raison est la conjoncture internationale difficile et ses
répercussions sur notre économie et sur l’entreprise tunisienne en
particulier, notamment en matière d’impayés et de situation de trésorerie
tendue.
Comme le reste du secteur bancaire, vous avez donc provisionné ?
Nous sommes en effet extrêmement stricts en matière de provisionnement.
Stricts et transparents, car nous appliquons en cela les normes du Groupe
ABC et les normes de la BCT. Nous avons provisionné, tant à l’on-shore qu’à
l’off-shore, d’une manière qui pourrait sembler excessive pour certains,
mais normale pour nous et pour le Groupe. Pour l’off-shore nous restons même
bénéficiaire de plus de 2,4 Millions de Dollars, après provisionnement.
Combien avez-vous provisionné en on-shore ?
Les provisions avoisinent les 4 Millions de Dinars. Il faut cependant
remarquer que la banque est globalement performante et cela est visible au
niveau du résultat avant provisions qui est tout à fait à la hauteur de nos
attentes c’est à dire largement bénéficiaire. Je dirais même que l’ABC en
Tunisie ne perd pas d’argent, puisqu’elle est, les deux activités on-shore
et off-shore confondues, légèrement bénéficiaire même après provisions et
malgré les pertes enregistrées par la banque on-shore.
Est-ce que vous êtes en train de tenir compte de la nécessité pour l’ABC,
classée de par la nature même de son activité « Institution faisant appel
public à l’épargne », d’entrer en Bourse au bout du troisième exercice et de
vous y préparer ?
Il n’y a pas d’obligation d’entrer en Bourse après le 3ème exercice. C’est
juste une condition. ABC Tunisie restera donc, à 100%, propriété du Groupe
ABC et nous ne serons pas la seule banque on-shore dans ce cas là en
Tunisie.
La question subsiste cependant de savoir s’il est de l’intérêt ou non de
la banque d’aller en Bourse?
Il y a en effet chez nous une
réflexion stratégique à ce niveau là. Mais on n’y viendra certainement pas
avant que l’opération de fusion entre l’off-shore et l’on-shore, ne soit
achevée, ce qui nous donnera la taille critique nécessaire à l’entrée en
Bourse. Cette fusion ne devrait théoriquement pas avoir lieu avant juillet
2005.
Et donc votre entrée en Bourse ne devrait pas avoir lieu avant 2006 ?
Oui.
A partir de votre expérience et de votre position actuelle, au sein d’une
banque membre d’un Groupe qui a des succursales un peu partout dans le
monde, quel regard jetez-vous sur le secteur bancaire tunisien ?
Le secteur bancaire tunisien continuera à avoir un rôle essentiel à jouer
dans l’économie. Pour qu’il puisse le faire et pour qu’il puisse avoir une
marge de manœuvre suffisante, il est nécessaire que les assises financières
de ce secteur soient assainies davantage avec une qualité de portefeuille
crédit qui doit être aux normes internationales.
Sur ce point là justement. Est-ce que vous estimez que la manière dont
est gérée et traitée la question des créances classées est la bonne ?
Il y a certainement plus d’une manière pour traiter cette question. Mais ce
qui est plus important, à mon avis, c’est la vision stratégique qui doit
être définie de la manière la plus claire possible. C’est à partir de cela
que nous pouvons décliner toutes les possibilités de solutions. L’économie
tunisienne a besoin d’un secteur bancaire d’une forme déterminée, d’une
taille déterminée, d’une performance et d’une qualité déterminée. C’est cela
qui doit nous guider et c’est à partir de là qu’on peut déterminer et
choisir les solutions.
L’assainissement du secteur bancaire est en train de se faire par le
provisionnement. Mais est-ce que ce n’est pas là juste un excipient et pas
le remède qu’il faut ? Est ce que cela ne revient pas à boucher des trous
dans le mur, tout en oubliant qu’il y a derrière un vrai problème structurel
et que le secteur bancaire est en train de s’en satisfaire ?
Le provisionnement est une solution technique, dès qu’il y a une créance qui
tourne mal, il faut la provisionner. Mais je dis que les rôles du secteur
bancaire restent les mêmes quel que soit l’état de l’économie. Un secteur
bancaire doit pouvoir financer convenablement l’économie. Pour cela, il doit
être efficient en matière de mobilisation et de transformation des
ressources. Un secteur alourdi par les créances classées, les charges
d’exploitation et une insuffisance de productivité, ne peut pas jouer ce
rôle de manière convenable.
Et n’est-ce pas là l’état du secteur bancaire tunisien ?
Le secteur bancaire tunisien continue à avoir un niveau de créances classées
et un besoin de provisionnements importants et donc un besoin de continuer à
charger des marges d’intérêt et de commissions élevées, ce qui peut impacter
les performances de l’économie tunisienne et des entreprises, notamment
celles tournées vers l’export. Le second problème est relatif aux charges
d’exploitation. Les ratios restent élevés, ce qui veut dire que la
productivité est insuffisante. Des progrès doivent être réalisés aussi en
matière de qualité de service.
Il y a donc une réflexion stratégique à mener pour choisir quel système
bancaire nous voulons avoir dans 5 ou 10 ans. A partir de là, nous pourrons
définir la stratégie et les solutions à apporter.
Les choix sont multiples, mais à un moment et à un niveau donné, il y a des
choix clairs à opérer pour que l’entreprise, le particulier et la banque
puissent prendre en compte ces choix stratégiques et s’y adapter.
Vous êtes passés par deux expériences complémentaires, on-shore et off-shore et vous avez pu constater les comportements des hommes d’affaires avec
les banques, dans ces deux créneaux. Comment analysez-vous le comportement
des hommes d’affaires tunisiens en matière d’investissement, de fonds
propres, de crédit et d’endettement ?
Le comportement de l’entreprise tunisienne est en train d’évoluer dans le
bon sens, celui d’une plus grande prudence en matière de financement de
l’investissement et de qualité de gestion. Mais on ne peut évidemment pas
généraliser.
Ne croyez-vous pas tout de même, que l’homme d’affaires tunisien a
toujours tendance à recourir à la banque, pour des crédits qui sont souvent
à court terme ?
Changer la culture n’est pas facile. Nous devons cependant évoluer car le
crédit bancaire n’est pas toujours la seule ou la meilleure solution.
L’entreprise doit toujours pouvoir et savoir mixer fonds propres réels,
suffisants et disponibles, un financement bancaire et un financement sur le
marché financier. Certains l’ont fait. Pour d’autres on constate encore un
investissement à un rythme qui n’est pas justifié par les vrais fonds
propres disponibles.
Je reste convaincu que les banques comprennent leur intérêt et savent qu’un
meilleur fonctionnement de la Bourse et du secteur des assurances ne peut
qu’améliorer la qualité de leur portefeuille et réduire la charge de
provisionnement. L’année 2002 a été à ce titre utile, car la conjoncture a
rendu nécessaire une évolution des comportements.
2008 approche. Une première privatisation bancaire a été opérée et une
seconde suivrait. Est-ce que vous estimez que le secteur reste capable de
supporter la concurrence internationale ?
Les expériences dans le monde ont toujours démontré que lorsqu’il y a
ouverture du secteur financier et lorsque celle-ci est convenablement gérée,
les banques locales sont les premières à en profiter. Elles ont leur
savoir-faire, leur connaissance du marché et leur réseau déjà établi et en
partie amorti. Autant d’atouts qui leurs permettent d’en profiter.
La Tunisie a vécu ses années de vaches maigres. 2003 semble démarrer dans
d’assez bonnes conditions. Seulement voila : la guerre pointe encore son nez
et les données pourraient changer. Quels pourraient en être les
conséquences, sur l’environnement financier international et par conséquent
le nôtre ?
Je pense qu’il faut d’abord souligner la grande capacité d’adaptation de
l’économie tunisienne, malgré sa taille. Je pense aussi, que les difficultés
de 2002 ont été globalement bien gérées. La prudence a prévalu et l’idée
d’accepter des sacrifices en matière de croissance, tout en préservant les
fondamentaux et les grands équilibres de l’économie tunisienne a été juste
et clairvoyante.
Nous avons certes été affectés au niveau du taux de croissance, avec un 1,7
% qui reste une performance honorable, mais les fondamentaux de notre
économie n’ont pas été affectés, ils restent sains et parfaitement corrects.
En 2003, la bonne nouvelle est bien sûr la pluie. Mais il y a la conjoncture
internationale qui se caractérise par une grande incertitude, palpable à
tous les niveaux par le blocage des décisions qu’elle génère. C’est une
situation difficile à gérer, aussi bien sur les marchés financiers
internationaux que pour toutes les économies.
Qu’il y ait guerre ou pas, cette situation ralentit déjà l’économie
internationale par le ralentissement de la demande. Une économie ouverte
comme la notre en ressent les effets. Nous l’avons constaté en 2002, nous
risquons de le constater encore cette année, nous aurons peut-être moins de
commandes, notamment en provenance de l’Europe. Nous n’aurons donc pas une
année de croissance « normale ». Ce ne sera pas une croissance de 5 ou 6 %
malgré la pluie. Nous aurons une croissance plus modeste, mais elle sera
meilleure que celle réalisée en 2002.
La guerre aura certainement un impact. Mais nous l’avons vérifié en 1991,
année où l’économie tunisienne a pu réaliser 2,5 % de croissance positive,
malgré un moins 35 % dans le tourisme. Je pense, sans excès d’optimisme, que
la Tunisie finira 2003 avec un taux de croissance d’au moins 2 à 2,5 %.
Lors de sa
création en 1980, l’Arab Banking Corporation (ABC), dont le siège est à
Bahrein, a associé des capitaux publics du Koweit, de la Libye, d’Abu Dhabi,
ainsi que d’un certain nombre d’investisseurs privés représentant des fonds
propres avoisinant aujourd’hui les 2 milliards de dollars US.
Combinant des
moyens financiers importants et un savoir-faire apprécié, un esprit
innovateur reconnu et un dynamisme commercial réputé, ABC a pu rapidement se
positionner en tant que premier groupe bancaire arabe en termes aussi bien
de capitaux gérés, que de réseau international implanté dans près d’une
quarantaine de pays.
ABC a débuté ses
activités en Tunisie en 1989. Agissant sous le double statut de Banque
Off-Shore (ABC-Tunis) et de Banque Résidente (ABC-Tunisie), ABC a connu en
2001 une extension notable avec l’ouverture de deux agences, respectivement
à Sfax et à sousse.
Cette initiative
confirme et conforte la démarche de ABC-Tunisie, à savoir être à l’écoute de
sa clientèle et participer au développement de l’économie Tunisienne.