Le 11 et
12 janvier, les intermédiaires boursiers étaient en conclave, presque
secrètement, dans un hôtel de Hammamet. L’objet de cette réunion, comme l’on
pourrait s’y attendre, était le diagnostic de la situation de la bourse et
du marché financier.
L’état des lieux, fait par ces spécialistes de la bourse des valeurs
mobilières de Tunisie, se résume en quatre chiffres. Une baisse de 32 % du
volume des échanges, une baisse de 11,66 % de l’indice Tunindex, une baisse
de 32 % du volume des émissions et un marché obligataire qui ne représente
plus que 3 % des échanges en bourse. Les principales causes sont simples,
selon les intermédiaires : exogènes bien sûr et endogènes. Les premières,
comme ils semblent en être d’accord avec le CMF, les intermédiaires les
imputent à l’environnement international avec force chiffres de différentes
places mondialement connues avec lesquels on n’a qu’un petit pourcentage
d’investisseurs étrangers dans notre bourse comme lien.
Pour les facteurs endogènes, les intermédiaires ont mis en évidence le
“paradoxe” du marché financier tunisien, un mot emprunté d’une analyse de ce
même marché faite par la Proparco (une structure dépendant de l’Agence
française de développement), mais aussi un mot qui leur permet de verser
dans l’autosatisfaction des “techniciens” de ceux qui ont aidé à la mise en
place d’un marché “sur le plan technique et institutionnel avec un cadre
très avancé, répondant aux standards internationaux” et qui ne veulent
pas rater l’occasion de le rappeler. Le paradoxe, ils le situent entre “une
infrastructure au niveau international et une contribution au financement de
l’économie en deçà des attentes minimales“.
Ils rappellent cependant que les objectifs de 60 entreprises cotées en 2000
et une participation au financement des investissements privés de 10 %
prévus au 9ème Plan, n’ont pas été atteints. Ceci sans parler du 10ème Plan
qui prévoyait 100 sociétés cotées et 20 % de contribution à l’investissement
privé.
Pour expliquer cela, les intermédiaires évoquent essentiellement deux
causes. La première est “l’absence d’une demande consistante et stable en
actifs financiers, notamment à moyen et long terme” qu’ils renvoient à
l’absence d’une épargne longue dont ils revendiquent la partie relative aux
cotisations de la retraite. La seconde est “l’absence d’une offre,
consistante et continue en titres de qualité“. A ce stade, ils fustigent
le recours du trésor au système bancaire pour se financer, “à des
conditions qui ne sont pas celles du marché“. Le volontarisme nécessaire
à la résolution de ces deux problèmes, les spécialistes de la bourse
l’appellent de la part de l’Etat et plus exactement de la part du trésor
pour se financer autrement, de la BCT pour introduire plus de flexibilité
sur le TMM et du ministère des finances interpellé pour l’affaire de
l’épargne longue.
A aucun moment, les intermédiaires n’ont parlé de leur rôle dans ce dossier
de la situation de la bourse pour évoquer les problèmes inhérents aux
sociétés d’intermédiations (si ce n’est de la menace de disparition des
intermédiaires non bancaires), de leur niveau, du manque de structures de
recherche et d’analyses de l’information, de la quasi-absence de liens
directs avec les épargnants et avec les sociétés susceptibles d’intéresser
ou d’être intéressées par la bourse, de l’absence d’une communication
stratégique et bien structurée autour de cette bourse qui est pourtant leur
unique gagne-pain, encore moins de la responsabilité, dans cet état des
choses, des différentes structures de gestion ou de contrôle, de cette
bourse.
Le plus intéressant dans cette réunion des intermédiaires aura certainement
été les quelques remarques faites à propos du rendement des deux marchés,
primaire et secondaire. La première est relative à la complexité des
procédures d’octroi de visa d’APE (Appel public à l’épargne) de la part du
CMF qui n’encouragerait pas les entreprises, l’inexistence de marché des
émission de la dette publique, les conditions de financement des banques qui
leurs laissent les mains trop libres par rapport à la bourse, ainsi que le
recours de plus en plus de banques au marché obligataire pour faire face aux
crises de resserrement de leurs liquidités.
Pèle mêle, les intermédiaires évoqueront par la suite ce qu’ils ont appelé
“les mauvaises nouvelles” de l’année 2002 qui sont en fait des conséquences
annoncées de la situation du marché. Des nouvelles comme les ADP de la BTEI
et de la BTQI, le comportement de Tunisair, la “question Batam”, la
privatisation de l’UIB, l’OPA du CNT encore en justice. Mais aussi le
“comportement négatif des dernières introductions en bourse” comme la Stip
et “l’absence de mise en œuvre des mécanismes de régulation”. Une série de 3
propositions ont été faites pour dépasser cet état. On y reviendra.