M. Mounir Ben
Miled est ce que l’on pourrait appeler un “‘hôtelier intelligent”. Il gère,
pour son propre compte, sans pour autant chercher à être propriétaire et ne
s’en sort pas si mal. Député pour plus d’une cession, il est aussi et encore
une fois président de l’indépendante Fédération Tunisienne de l’Hôtellerie.
Un second mandat qui coïncide avec la menace d’une nouvelle période de
vaches maigres pour un secteur touristique qui commençait à peine de sortir
d’une longue période de souffrances et pansait à peine ses plaies
financières.
“Avec ou sans guerre, je reste optimiste” dit-il (mais a-t-il vraiment le
choix ?) dans cette interview qu’il nous a accordée. Une rencontre qui nous
a permis d’évoquer avec lui des sujets aussi importants que les
répercussions de la guerre sur cette activité économique, l’état de
l’endettement de ce secteur ou l’état de l’infrastructure et de la
concurrence.
Quel jugement portez-vous
maintenant, avec le recul des trois mois après la fin de l’année, sur les
résultats de l’année 2002 pour le tourisme tunisien ?
L’année 2002 s’est quand même passée dans des conditions assez acceptables
et ce malgré la pression subie suite aux événements du 11 septembre et qui
se sont traduits par un résultat de moins 20 % en nuitées par rapport à 2001
et des rentrées en devises de quelque 40 MDT.
Le résultat est certes négatif, il n’en demeure pas moins, en quelque sorte,
une réussite. Ce résultat a été rendu possible par deux choses. En premier
lieu l’afflux, assez important, de nos voisins. C’est ensuite la bonne
réaction du tourisme intérieur aux offres des hôteliers, démontrant ainsi
qu’il peut être un créneau à développer. Il a atteint l’année dernière la
pointe de 20 %. Ceci grâce à une meilleure adaptation du produit aux
clients, non seulement locaux mais aussi et surtout régionaux et comblant
ainsi en partie la défection du tourisme européen.
Et pour l’année 2003, une année qui commence par une mauvaise conjoncture
internationale, qu’attendez-vous ?
Avec ou sans guerre, je reste optimiste pour cette année. Je suis en
revanche plus optimiste pour la fin de l’année que pour le début. Si la
guerre se termine vite, je pense qu’on pourra sauver la dernière partie de
l’année. Jusqu’à fin février, l’évolution était positive par rapport à
l’année 2002. Actuellement, il y a un blocage et j’espère que le tourisme
tunisien trouvera les ressources nécessaires pour dépasser cette crise,
comme il l’a fait auparavant.
Est-ce que vous n’avez pas l’impression que le secteur et ses
professionnels, baignent un peu trop dans l’optimisme, alors que des études
comme celles de la banque mondiale ou celle du gouvernement japonais,
mettent en exergue vos défaillances et vos points faibles ?
Certes ces études ont mis en exergue un certain nombre de points faibles de
notre produit. Il faut cependant remarquer que nous avons été associé à ces
études. Nous avons même rectifié, par notre approche, la première étude de
la banque mondiale et sa vision sur notre produit touristique. Nous leur
avons même prouvé que nous restons le meilleur produit touristique de la
méditerranée.
C’est par contre sur le plan des prestations de services que nous avons des
failles. Un plan de mise à niveau pour 4000 lits est mis en place pour y
palier et le ramener, d’ici 2004, à un niveau international. Les termes de
références pour une étude d’évaluation des besoins en investissements de
mise à niveau ont été défini et l’étude vient d’être lancée par l’office du
tourisme.
En parallèle, il y a la formation professionnelle. Un plan a aussi été mis
au point, en coopération avec la Fédération française de l’hôtellerie et
l’Agence française de développement, pour la mise à niveau de toutes les
écoles hôtelières du pays et la création d’autres centres de formation
professionnelles, dont un à Enfidha pour la fin de cette année et un autre à
Tabarka pour la fin 2004.
L’autre défaillance concerne la communication et la promotion. Les
professionnels se mobilisent pour combler ce déficit et assurer une présence
promotionnelle plus importante dans toutes les manifestations
internationales et avec les moyens les plus sophistiqués pour redorer le
blason de leur image de marque.
Mais comment faire pour mobiliser les moyens financiers nécessaires à
cette louable intention d’une plus grande et meilleure promotion, alors que
le secteur touristique reste l’un des plus endettés et qu’il demanderait
même une année sans intérêts pour ses impayés ?
Jusqu’au 31 décembre 2001, notre secteur était dans un ratio d’endettement
qui n’est pas plus important, sinon moindre, que d’autres secteurs. Dans
tous les cas les mécanismes de financements étaient acceptables et les
banques y trouvaient leur compte, puisqu’elles avaient la contre partie
entre bâtiment et fonds de commerce. Les banques n’avaient que faire ce
qu’elles devaient faire avec ceux qui n’ont pas payé.
Pour l’année la situation financière de 2002 et probablement de 2003, c’est
des années exceptionnelles avec 20 % en moins de nuitées et une pression
commerciale sur les prix d’au moins 10 à 15 %. Cela devrait nous conduire à
une chute, attendue, de 30 % des revenus bruts d’exploitation et nous
empêche de payer la dette. Nous nous sommes mobilisés pour demander un
soutien exceptionnel en reportant éventuellement le paiement de ces dettes.
Cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas payer, mais que nous le ferons
une fois la crise passée.
Qu’elle a été la réponse des parties concernées ?
Nous nous sommes au fait directement adressés au gouvernement qui a bien
voulu nous écouter. La réponse ne devrait pas tarder, après que le ministre
du tourisme ait transmis notre note, à ce sujet, aux banques.
En parlant de prix, on vous a souvent accusé de brader votre produit au
plus bas prix au niveau international et taxé de vous concurrencer les uns
les autres !
C’est juste et pas juste à la fois. Si on compare les prix de quelques
destinations identiques, comme Palma de Majorque, nous ne sommes pas très
loin. Nous sommes accusés de pratiquer des prix bas, lorsque nous faisons
des prix d’appel sur certaines destinations. Pour ce qui est de la
concurrence, c’est le marché et la loi de l’offre et de la demandent qui
nous y poussent et que nous subissons.
Ce que nous devons faire, c’est de maintenir le rythme d’amélioration de la
qualité de service qui reste le meilleur moyen d’espérer augmenter les prix.
Peut-on considérer que cette industrie a encore besoin de nouvelles
unités et que le secteur soit encore capable de résorber ces nouvelles
unités hôtelières qui se construisent, alors que le taux moyen de
remplissage ne dépasse généralement pas les 50 % ?
C’est effectivement un vrai dilemme. En vision globale et au risque de
paraître égoïste, je vous dirais qu’il nous appartient de faire au moins un
arrêt provisoire. En professionnel, j’aurais plus tendance à répondre que
celui qui n’avance pas recule. Or la demande nationale en produit
touristique est de 3 à 5 %. On peut donc continuer à développer au rythme de
3 à 4 % l’an.
Pour ce qui est du taux de remplissage, la moyenne nationale dont vous
parlez fausse les chiffres. Région par région les taux grimpent et les
produits montrent une complète adaptation à la demande du client.
Certains pôles peuvent constituer l’âme autour de laquelle peuvent se
développer certaines régions. Pour cela, il faut continuer à construire dans
ces zones déjà trop chargées.
Tourisme et nouvelles technologie, est-ce que cela se marie bien ? Des
produits comme le e-tourisme ou les T.O on line, est-ce que ça rapporte ?
Cette technique n’a pas encore réellement pris accroche dans le secteur
touristique. Cela reste encore un produit abstrait et le site web n’arrive
pas encore à remplacer le vendeur d’une agence de voyage ou d’une TO.
Mondialement, le e-tourisme ne représente d’ailleurs pas plus de 5 %. Il
pourrait constituer un complément à l’activité touristique traditionnelle,
mais pas l’essentiel.