Refonte de la législation relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique

Par : Autres

 
Lois, Décrets, Arrêtés     

    

Loi n° 2003-26
du 14 avril 2003,

modifiant et complétant la loi n°76 85 du 11 août
1976 portant refonte de la législation relative à l’expropriation pour cause
d’utilité publique

    

Au nom du peuple,

 

La chambre des députés ayant
adopté,

 

Le Président de la République
promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier. – Sont abrogées, les dispositions des articles 2, 3
(alinéa premier), 4 (alinéa premier), 5, 6 (alinéa premier), 8, 10, 11, 13,
28, 29, 30, 36, 38 et 39 de la loi n°76-85 du 11 août 1976, portant refonte
de la législation relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique
et remplacées par les dispositions suivantes :

 

Article
2. (nouveau) –
La propriété est transférée à l’expropriant par l’effet
du décret d’expropriation pour les immeubles non immatriculés et par
l’inscription du décret d’expropriation pour les immeubles immatriculés,
sans préjudice des dispositions de l’article 305 du code des droits réels.

L’expropriant ne peut prendre possession des immeubles expropriés que
moyennant paiement ou consignation d’une juste et préalable indemnité.


Tous droits existants sur tout ou partie de l’immeuble exproprié, y compris
les rentes d’enzel, toutes actions en résolution ou en revendication et
toutes autres actions réelles sont transférés sur l’indemnité
d’expropriation.
 

Article 3. (alinéa premier nouveau) – Les bâtiments dont une partie a
été expropriée pour cause d’utilité publique seront achetés en entier si les
propriétaires le requièrent par une déclaration formelle adressée par lettre
recommandée avec accusé
de réception à l’expropriant dans un délai de trente jours à compter de la
réception des documents prévus à l’article 13 (nouveau) de la présente loi.

Article 4. (alinéa premier nouveau) – L’indemnité d’expropriation est
fixée d’après la valeur de l’immeuble appréciée selon sa consistance et
l’usage effectif auquel il était affecté à la date de publication du décret
d’expropriation et par comparaison avec les prix pratiqués à cette date pour
des immeubles comparables situés dans la même zone.

Article 5. (nouveau ) – Les estimations de référence ne sont retenues
que si elles correspondent aux déclaration faites par les contribuables au
cours des trois années précédant l’opération d’expropriation ou à des
évaluations rendues définitives en vertu des lois fiscales.

Les administrations financières sont tenues de fournir à l’expropriant ainsi
qu’aux juridictions compétentes et aux experts désignés par elles tous
renseignements utiles sur les déclarations ou évaluations fiscales
afférentes aux transactions prises en considération, sans préjudice des
dispositions de l’article 15 du code des droits et procédures fiscaux.

Article 6. – (alinéa premier nouveau) Le montant de l’indemnité
d’expropriation ne doit jamais être inférieur à la valeur fixée conformément
à l’article 11 (nouveau) de la présente loi.

Article 8. – (nouveau) Quand la valeur de l’immeuble, ayant été fixée
à l’amiable, n’a pas été
acquittée ou consignée dans les six mois de sa fixation, les intérêts légaux
civils courent de plein droit à l’expiration de ce délai.

En cas de fixation judiciaire de l’indemnité d’expropriation, ces intérêts
courent à l’expiration des six mois suivant la notification du jugement
ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Article 10. – (nouveau) Il est crée une commission permanente dans
chaque gouvernorat dénommée «
commission de reconnaissance et de conciliation
», chargée de
procéder à la reconnaissance de la situation légale et matérielle des
immeubles à exproprier au vu d’un dossier élaboré par la partie concernée
par l’expropriation comportant les documents et les études concernant le
projet à réaliser, ainsi que toutes les enquêtes effectuées concernant
l’immeuble à exproprier, les ayant droits et autres titulaires de droits
existants sur l’immeuble, et d’oeuvrer pour la conclusion d’un accord entre
les parties concernées par l’expropriation sur la valeur des immeubles à
exproprier, et ce, dans un délai de deux mois de la date de sa saisine
renouvelable une seule fois pour une période d’un mois. A cette fin, elle
dispose de toutes les prérogatives nécessaires en vue de reconnaître les
ayant droits à la date de sa saisine.

La présidence de la commission est octroyée à un magistrat. Sa composition,
ses attributions et ses règles de fonctionnement sont fixées par décret.

Article 11. (nouveau) – La commission prévue à l’article 10 (nouveau)
de la présente loi ordonne à la partie administrative concernée de procéder
à la publicité de l’intention d’exproprier après avoir rassemblé les données
réelles et techniques y afférentes. La publicité se fait par affichage et
par dépôt d’une liste descriptive comportant les noms des propriétaires ou
présumés tels et le plan parcellaire concernant l’immeuble à exproprier
établi par l’office de la topographie et de la cartographie, par un géomètre
ou tout autre organisme dûment habilité à cet effet, et ce, aux sièges du
gouvernorat, de la délégation, de la commune et de la direction régionale
des domaines de l’Etat et des affaires foncières du lieu de situation de
l’immeuble précité pour une période d’un mois. Sont également utilisés pour
la publicité, les moyens de communication auditifs et écrits.

La commission convoque à son siège les propriétaires ou présumés tels en vue
d’arriver à un accord sur le montant de la valeur de l’immeuble à
exproprier. Cette valeur est évaluée au vu de deux rapports l’un établi par
l’expert de l’Etat, l’autre par un expert inscrit sur la liste des experts
judiciaires que les ayant-droits ou certains d’entre eux peuvent choisir. La
partie administrative concernée sera tenue par la valeur fixée par la
commission au vu d’un rapport motivé qu’elle établit. Les ayant-droits
doivent informer la commission de leur acceptation ou refus de ladite
valeur.

Toute personne prétendant avoir un droit sur les immeubles à exproprier est
admise à faire opposition motivée entre les mains de la commission
concernant soit l’existence de l’utilité publique, soit l’aspect pétitoire.
En cas d’opposition, la commission procède aux enquêtes nécessaires à cet
effet. Les opposants sont convoqués à cette enquête par la voie
administrative au moins huit jours à l’avance. Ils sont, ainsi que les
autres intéressés, entendus et leurs observations sont consignées dans un
procès-verbal établi par la commission. Celle-ci examine les oppositions
après avis de la partie administrative concernée puis ordonne à cette
dernière de réaliser le plan de morcellement définitif de l’immeuble à
exproprier partiellement et le plan définitif concernant l’immeuble non
immatriculé, et ce, par le biais de l’office de la topographie et de la
cartographie, du géomètre ou tout autre organisme dûment habilité à cet
effet. A cette fin, la partie administrative précitée peut requérir les
ordonnances judiciaires nécessaires en vue de l’accès à toute les parties de
l’immeuble à exproprier.

Le décret d’expropriation, accompagné d’un plan de morcellement définitif ou
d’un plan définitif selon le cas, est publié au Journal Officiel de la
République Tunisienne et fait mention de l’accomplissement de ces
formalités.

Ces dispositions ne sont pas applicables en cas d’expropriation pour cause
de plus-value.

Article 13. (nouveau) – L’expropriant adresse une copie du décret
d’expropriation avec une copie du plan de morcellement définitif ou une
copie du plan définitif, selon le cas, au gouverneur territorialement
compétent aux fins d’affichage du texte du décret au siège du gouvernorat,
de la délégation, de la commune et de la direction régionale des domaines de
l’Etat et des affaires foncières, ainsi que pour permettre aux intéressés de
prendre connaissance du plan précité et du montant de l’indemnité fixée
conformément à l’article 11 (nouveau) de la présente loi.

L’expropriant adresse aussi les mêmes documents à l’exproprié et à tout
autre ayant-droit lié à l’immeuble dont les droits sont inscrits, par lettre
recommandée avec accusé de réception.

Article 28. (nouveau) – Si le propriétaire justifie d’un titre de
propriété, le paiement de l’indemnité est subordonné pour le cas des
immeubles non immatriculés à l’inscription préalable de la mutation de
propriété soit sur ce titre soit sur le nouveau titre extrait du titre
originaire selon que
l’expropriation est totale ou partielle. Pour les immeubles immatriculés, le
paiement de l’indemnité est effectué après inscription du décret
d’expropriation.

Article 29. (nouveau) – L’indemnité est fixée par voie judiciaire si
la commission de reconnaissance et de conciliation n’arrive pas à un accord
à cet effet entre l’expropriant et les expropriés ou s’il y a litige sur le
fond du droit ou la qualité des requérants.

L’indemnité ainsi fixée est opposable à tous ayant-droits éventuels à
quelque époque qu’ils se manifestent.

Le tribunal saisi de l’action tendant à l’obtention de l’indemnité
d’expropriation ordonne l’assignation en intervention forcée de tout
créancier ayant des sûretés réelles liées à l’immeuble exproprié dûment
inscrites.

Article 30. (nouveau) – Les actions liées à l’expropriation pour
cause d’utilité publique, à l’exception du recours pour excès de pouvoir,
sont de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire avec ses
différents degrés prévus au code de procédure civile et commerciale.

Les actions précitées relèvent en premier ressort de la compétence du
tribunal de première instance du lieu de situation des immeubles expropriés.

Dans un délai de trois mois à
compter de la première audience à laquelle a été désignée l’affaire, le
tribunal prononce un jugement fixant l’indemnité d’expropriation, autorisant
l’expropriant à prendre possession de l’immeuble exproprié après
consignation de l’indemnité d’expropriation à la trésorerie générale de
Tunisie et ordonnant le retrait de ladite indemnité dans les limites de la
valeur fixée conformément à l’article 11 (nouveau) de la présente loi
et compte tenu de la priorité des créanciers par rapport aux
propriétaires.

Article 36. (nouveau) – Nonobstant la non conformité des noms entre
le décret d’expropriation et le ou les titres fonciers concernés, le décret
d’expropriation est inscrit sur le registre foncier à la demande de
l’expropriant et au vu des pièces suivantes :

1- copie du décret d’expropriation,

2- le plan de morcellement définitif, en cas d’expropriation partielle,
délivré par l’office de la topographie et de la cartographie, un géomètre ou
tout autre organisme dûment habilité à cet effet.

Toutefois, le tableau rectificatif prévu à l’article 35 sera publié
ultérieurement, le cas échéant.

Article 38. (nouveau) – Le règlement des indemnités d’expropriation
relatives à un immeuble en cours d’immatriculation peut intervenir même s’il
n’est pas statué définitivement sur la réquisition d’immatriculation. Dans
ce cas, il est procéder à la consignation de l’indemnité au profit des
ayant-droits et ne peut être retirée que par celui en faveur duquel a été
prononcé le jugement d’immatriculation.

Si
l
’immatriculation
est prononcée, le décret d’expropriation est inscrit sur le registre foncier
conformément aux dispositions de l’article 36 (nouveau) de la présente loi.

Si la réquisition d’immatriculation est rejetée,
l’indemnité est fixée conformément aux dispositions applicables aux
immeubles non immatriculés.

Article 39. (nouveau) – sont purgés, tous les droits réels existant
sur l’immeuble exproprié ou sur la partie expropriée de l’immeuble et leur
effet est reporté sur les sommes consignées au titre d’indemnité
d’expropriation par le seul fait de la parution du décret d’expropriation
pour les immeubles non immatriculés et par l’inscription du décret
d’expropriation pour les immeubles immatriculés, et ce, sans préjudice des
dispositions de l’article 305 du code des droits réels.

Art.2. – Il est ajouté à la loi n°76-85 du 11 août 1976 précitée un
alinéa premier à l’article premier, un alinéa 3 à l’article 9, les articles
2 (bis), 30 (bis) et 33 (bis) libellés comme suit :

Article premier (alinéa premier
nouveau)
– Le recours à l’expropriation des immeubles pour cause
d’utilité publique ne se fait que d’une façon exceptionnelle et après avoir
accompli toutes les mesures de conciliation prévues à l’article 11 (nouveau)
de la présente loi.

Article 2 (bis)
Aucune indemnité ne sera octroyée à titre d’indemnisation des droits
découlant d’actes illégaux accomplis dans le but d’obtenir ladite indemnité.

Article 30 (bis) – Le
recours à l’encontre du jugement prévu à l’article 30 (nouveau) de la
présente loi n’entrave pas l’exécution des éléments du jugements relatifs à
la prise de possession et au retrait de l’indemnité dans les limites de la
valeur fixée conformément à l’article 11 (nouveau) de la présente loi.

La cour d’appel statue sur le
recours intenté dans un délai de trois mois à compter de la date de sa
première audience.

La cour de cassation statue sur
le recours intenté dans les trois mois qui suivent la date de sa saisine.

Article 33 (bis)
L’action en revendication de l’indemnité d’expropriation se prescrit par
l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la date du décret
d’expropriation.

Art.3. – L’intitulé du chapitre II du titre II est remplacé comme
suit : « Publicité du décret
d’expropriation
» et comporte les articles 13 (nouveau), 14 et 15
de la présente loi.

L’intitulé du chapitre premier du titre III est remplacé comme suit : «
co
nsignation
et formalités préalables au paiement de l’indemnité d’expropriation

» et comporte les articles 24 et 25 de la présente loi.

Le mot « indemnité »
prévu aux articles 24 et 25 est remplacé par l’expression «
valeur de l’immeuble
».

Est ajouté le mot « nouveau » aux articles 13, 28 et 29 prévu successivement
aux articles 15,33 et 43 de la présente loi.

Art.4. – Sont abrogées, les dispositions des articles 12, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 32, 37, 40, 49 et 53 de la loi n°76-85 du 11
août 1976 précitée.

Art.5. – Toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi
sont abrogées.

Les expropriations objet de
décrets pris avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi restent
régies par les dispositions de la loi n°76-85 du 11 août 1976 précitée avant
d’être modifiée et complétée.

La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne
et exécutée comme loi de l’Etat.
 

 

Tunis, le 14 avril 2003.

Zine El Abidine Ben Ali