Le 28 février de cette année
2003, M. Mohamed Daouas, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT),
recevait les PDG et les directeur généraux des compagnies de leasing. Au
menu, l’examen de la situation du secteur et ses préoccupations.
Le secteur du leasing a connu son démarrage en 1984 et compte aujourd’hui
une dizaine de sociétés spécialisées, auxquelles s’ajoutent les départements
leasing créés par le secteur bancaire. Spécialisé dans le financement du
secteur privé, le leasing y a un taux de pénétration de 12 %. Un secteur
désormais sur la défensive (Revue de “Tunisie Valeur” du mois de novembre
2002).
Le gouverneur de la BCT avait alors évoqué le développement de ce secteur et
le taux de croissance qu’il a réalisé ainsi que le rôle qui lui est
désormais dévolu dans le financement du tissu économique en général et les
petites et moyennes entreprises.
Il se déclarait en même temps “satisfait des efforts déployés par ce
secteur en matière de mobilisation de ressources obligataires pour financer
ses activités, exhortant les compagnies à intensifier leurs efforts pour
renforcer leur intervention dans le financement de l’économie, dans
l’assistance des jeunes entreprises et dans la préservation des acquis du
secteur dans le marché obligataire et dans le renforcement des assises
financières“.
Presque un mois, jour pour jour, après cette réunion, c’est-à-dire le 27
mars 2003, Maghreb Rating (MR), mettait sous surveillance avec implication
négative, les notes court terme et long terme attribuées aux sociétés de
leasing. Toutes ou presque y sont passées. De Tunisie Leasing (TL) à l’Arab
Tunisian Lease (ATL), en passant par la Compagnie Internationale de Leasing
(CIL), Amen Lease (AL) ou la Général Leasing (GL).
L’agence de notation explique ce rating négatif par “l’érosion des marges
d’intérêt et la montée du coût du risque dans un contexte de net
ralentissement de la croissance du secteur“. Explication…
L’année 2002 a été marquée par une conjoncture économique générale
difficile. Maghreb Rating estime que “le secteur financier tunisien dans
son ensemble et le secteur du leasing en particulier, ont subi en 2002
l’impact de cette conjoncture défavorable et devraient continuer d’en être
affectés en 2003“.
La production du secteur du leasing a ainsi, toujours selon l’agence,
enregistré pour la première fois dans son histoire, un recul de 7% en 2002;
en rupture par rapport aux croissances à deux chiffres réalisées au cours
des années passées (+35% en 1999, +12% en 2000 et +13% en 2001).
Les marges d’intérêt des sociétés de leasing accusent aussi une baisse
régulière depuis plusieurs années sous l’effet de la concurrence ainsi que
vraisemblablement, d’une part croissante de financements de montants
unitaires élevés (et donc à marge réduite). Maghreb Rating estime que cette
tendance devrait se prolonger, voire s’accentuer, avec le ralentissement de
la croissance.
Maghreb Rating considère que “dans la mesure où cette érosion des marges
s’est accompagnée en 2002 d’une montée significative du coût du risque, le
secteur est confronté à un « effet de ciseau » qui, s’il se prolongeait,
affecterait sa capacité future à générer les cash flows suffisants pour
couvrir adéquatement les risques auxquels il est exposé et consolider ses
fonds propres“. Maghreb Rating estime aussi que les sociétés de leasing
privilégient la recherche de la rentabilité, ce qui les amène à réduire la
portion d’actifs qui devrait normalement leur servir de réserves de
liquidité et ce faisant et s’exposent ainsi à des risques croissants de
liquidité.
En complément et en confirmation de cette estimation Maghreb Rating, on lit
dans le Revue “Recherche” de “Tunisie Valeur”, que le secteur a enregistré
sur les 6 premiers mois de l’année 2002, une progression de 17 % des comptes
cumulés (72,8 MDT), ce qui correspond en pourcentage de l’encours, à une
aggravation de 1 point. Les créances classées représentaient au 31 décembre
2001, près de 16 % de l’encours du secteur.
La raison de ces deux causes par lesquels l’agence de notation explique son
rating négatif que sont “l’érosion des marges d’intérêt et la montée du
coût du risque” se trouve peut-être dans le resserrement du marché par
le recours désormais automatique des banques à l’intermédiation.
En trois émissions, les banques
commerciales ont levé autant que tout le secteur du leasing en 12 émissions.
“Le risque bancaire reste traditionnellement prisé par les épargnants et
par les institutionnels et l’importance des montants levés par les banques
risque d’assécher cette source de financement indispensable. C’est ainsi que
le marché obligataire, censé proposer un outil de financement alternatif au
financement bancaire, deviendrait une manne contrôlée par les banques“.
Et avant de conseiller aux sociétés de leasing de “faire le dos rond”,
Tunisie Valeur s’était pourtant écrié où est la désintermédiation ? La
question s’adresserait-elle à la BCT ?
22-06-2003
Khaled
BOUMIZA
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