LORS D’UN RÉCENT FORUM DU PNUD Á NEW YORK SUR L’ÉMERGENCE DES MARCHÉS DE
CAPITAUX EN AFRIQUE, les participants ont pu faire une étonnante
découverte : la zone subsaharienne n’est pas si pauvre que cela. Des
centaines de milliards de FCFA s’accumulent dans les bas de laine, dans les
banques, dans les coffres. Cet argent ne sert presque à rien. Ces milliards
ne circulent pas, ne participent pas à la vie économique et n’entrent pas
dans le circuit des entreprises. Faute de projets viables, les institutions
bancaires préfèrent les placements sûrs et peu productifs, comme les bons du
Trésor. Faute de confiance et d’esprit d’entreprise, les particuliers
fortunés (ils sont nombreux) préfèrent thésauriser, investir dans
l’immobilier ou le commerce. Le cercle vertueux de la croissance ne
s’enclenche pas. Peu de création d’entreprises, donc pas d’emplois, pas de
distribution de richesse, pas de consommation ni de revenus fiscaux.
Conclusion unanime des experts présents à New York : il faut pomper dans ces
réserves, organiser un marché des capitaux, multiplier les Bourses, les «
Stock Exchanges ». Un programme enthousiasmant, porté par une foi
inébranlable dans le « Tout privé ».
Sa mise en place se heurte à de sérieux « obstacles structurels ».
Problème numéro un : la Bourse implique, de la part des entreprises, la
vérité sur les comptes. Beaucoup de grands groupes familiaux privés sont
loin d’être prêts à dévoiler l’étendue de leurs affaires (ou de leurs
dettes).
Deux, la Bourse elle même doit fonctionner au delà de tout soupçon, ce qui
n’est guère évident dans des petits marchés, soumis à la loi de quelques
traders et de deux ou trois valeurs phares. Trois, créer une Bourse, mettre
en place les instruments informatiques et le cadre juridique suppose un
investissement lourd de la part d’État financièrement à sec. Quatre, la
Bourse ne peut fonctionner en dehors d’un environnement macro économique
sain. Il faut des lois pour encadrer l’activité, des tribunaux pour les
faire respecter. Il faut une puissance publique raisonnable pour rassurer
les investisseurs.
Enfin, le marché des capitaux privés ne peut assurer le financement des
petites et moyennes entreprises, des commerces, de l’artisanat, de
l’agriculture.
En bref, de tout ce qui fait la réalité quotidienne des économies pauvres…
Ni le secteur privé, ni le capital privé, ne peuvent résoudre à eux seuls
tous les défis du développement. L’État doit créer le cadre économique. Il
doit être le garant du droit, de la transparence. Et continuer à mobiliser
les fonds amortissables à très long terme, qui servent à financer le
développement des infrastructures, du domaine social, de l’éducation.
Si elle veut entrer dans la croissance, l’Afrique doit compter sur
l’émancipation et le dynamisme du secteur privé. Mais pour cela, il faut
pouvoir s’appuyer sur des États forts, respectables, et sur des partenaires
extérieurs au long cours.
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