Sale temps pour les économistes

Par : Autres

   

Sale temps pour les économistes
 


economiste.jpgC’est parfois
dur d’être un économiste. Quand tout va bien, on se demande à quoi vous
servez l’industrie, les services, ça marche tout seul, non ? et quand tout
va mal, on vous accuse d’avoir été responsable de la catastrophe. Dans les
années 1980, le patron de la FED, Paul Volker, avait effectivement précipité
les Etats Unis (et le reste du monde) dans la récession en faisant grimper
les taux d’intérêt à des hauteurs vertigineuses, mais il ne faisait ainsi
que remplir son contrat : le contrôle de l’inflation était sa priorité, la
croissance passait après. Tout cela n’empêcha pas la parution d’articles
incendiaires dans la presse. On eut même droit à un « J’accuse Paul
Volker !
», en français dans le texte, dans le New York Times. C’est
tout juste si la mafia ne lança pas un contrat sur la tête de l’impudent
fonctionnaire qui gâchait la vie au « business ».

 

Et c’est reparti ! Depuis
quelques semaines, j’annonce à tous mes collègues que je me suis converti à
l’étude de la poésie anté islamique et que je n’ai plus rien à voir avec le
PNB et les taux de croissance. J’en ai assez des regards assassins et des
silences ronchons des géographes et autres mathématiciens croisés dans les
couloirs, et qui m’en veulent parce que leurs salaires stagnent ou que leur
conjoint risque de perdre son travail. Il est vrai que je venais de donner
une conférence sur le taux « naturel » de chômage… J’ai beau leur
expliquer, à la cantine, qu’ils sont aussi responsables de la morosité
ambiante que n’importe qui (si tout le monde s’attend à une récession, elle
aura lieu, c’est inévitable), rien n’y fait : tout cela, c’est de la faute
des économistes, avec leurs prévisions farfelues et leurs prescriptions
totalement contradictoires. Pourtant, personne ne reproche aux vulcanologues
l’éruption du Vésuve, ni aux zoologues l’extinction prochaine du tigre du
Bengale, ni à Monsieur Météo l’été pourri. Mais c’est ainsi, les économistes
n’ont pas d’amis. Dieu merci, il y a les avocats, qui en ont encore moins ;
nous ne sommes pas les plus mal lotis dans ce domaine.

 

 

Heureusement qu’il nous reste
l’humour.

 

 

Dans la préface de son livre «
Peddling Prosperity », Paul Krugman raconte l’histoire suivante : un
économiste hindou explique ainsi la réincarnation à ses élèves. « Si vous
êtes un bon économiste, un économiste vertueux, vous serez réincarné en
physicien. Mais si vous êtes un mauvais économiste, vous renaîtrez en
sociologue.
» Ce qui me rappelle la réponse que fit George Stigler, prix
Nobel et gloire de l’Ecole de Chicago, quand on lui demanda pourquoi il n’y
avait pas de prix Nobel pour d’autres disciplines telles que la sociologie,
la psychologie, l’histoire, etc.

 

Parce qu’ils ont déjà le Nobel
de… littérature, répondit il.

 

Ce qui prouve que, non seulement
les économistes ont le sens de l’humour, mais qu’en plus, ils savent se
défendre. Avis au prochain zigoto qui s’aviserait de me reprocher la chute
du Nasdaq ou la déflation japonaise !

 

 

 


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Par FOUAD
LAROUI

ECONOMIA n°32 – Juin 2003


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