À lire les travaux sur la vie des milieux intellectuels, tout se passe
comme si, depuis l’invention de l’imprimerie, l’oralité avait perdu de sa
valeur. Alors que le savoir a été placé progressivement sous le signe
majeur, voire exclusif, de l’écrit, les actes de parole ont été occultés.
Cours, conférences, séminaires, congrès, discussions dans les laboratoires,
soit un pan considérable de l’activité intellectuelle, n’ont point été
saisis dans leur dimension orale.
En décrivant les pratiques et les formes de la communication savante entre
les XVIe et XXe siècles, Françoise Waquet restitue un
univers de langage dense et varié et nous livre une histoire culturelle de
l’oralité dans la civilisation de l’imprimé. Révisant des opinions communes,
elle montre le statut élevé qui fut reconnu à une parole aussi réglée que
l’écrit et fondée sur le modèle du dialogue des philosophes antiques. Elle
rappelle, enfin, la confiance indéfectible mise dans la parole, la haute
valeur cognitive dont elle a été investie, hier et aujourd’hui, à la mesure
du rêve d’une grande conversation face à face qui réunirait l’humanité
lettrée.