Croissance
économique volatile, rigidités structurelles freinant leur développement,
difficultés dues à la mauvaise performance du secteur touristique et à la
frilosité des investissements directs étrangers, l’avenir du secteur semble
aléatoire.
Dans son rapport intitulé «North
African Banks Lack Momentum Amid Turbulent Regional » publié en septembre
dernier, l’agence internationale de notations Standard & Poor’s a établi un
des lieux des banques nord africaines. En se focalisant sur le côté
solvabilité, ses experts ont passé au crible les activités de ces banques,
montrant aussi bien les handicaps que les atouts. S’ils ont diagnostiqué les
fragilités du secteur, ils ont enregistré de bonnes perspectives sur le long
terme. Ces dernières ne peuvent, cependant, se concrétiser, tant que la
libéralisation du système reste inachevée, en l’absence, également, des
opérations de restructuration et de rationalisation. Ce qui pourrait
entraver l’adaptation efficace des moyens aux objectifs fixés.
Ce constat définissant les
ratings (notations), correspondant à des banques du Maroc, de Tunisie et
d’Égypte a, en revanche, écarté les secteurs algérien et libyen. Interrogé
par Arabies, le Credit Analyst auprès de Standard & Poor’s à Paris, Anouar
Hassoun, a indiqué que les autorités monétaires à Alger « n’ont pas exprimé
leur intérêt à l’égard de ce genre de bilan » ; et de poursuivre : « Il
semble que le système bancaire n’est pas en mesure de demander des
notations. » Pour la Libye, il a précisé que « Car l’agence, en tant que
société tunisienne, n’a pas le droit d’exercer dans ce pays, avant la levée
totale des sanctions. D’autant que le système est toujours nationalisé.
Donc, il n’y a pas une « incitation forte pour demander un rating » ,
conclut Hassoun.
Par ailleurs, si la croissance
du secteur bancaire arabe (maghrébin compris) a atteint 3,1% en 2002
déclaration faite lors du Congrès annuel de l’Union des banques ambres (UBA),
tenu à Beyrouth le 10 octobre dernier , cela ne reflète, en aucun cas, une
bonne performance. Et moins encore, un taux de rentabilité suffisant.
Surtout que celui ci est toujours en-dessous des normes adoptées par les
pays émergents. Ensuite, il ne faut pas sous estimer les répercussions du
climat de risque économique dans lequel opèrent les banques maghrébines, ni
la rude concurrence et la lente amélioration des pratiques financières.
Notamment, pour la plupart des banques publiques, créant de sérieux
obstacles à tout élan du secteur. Ainsi, la majorité des rapports établis
par les experts du FMI, de la Banque mondiale ou des agences, comme Moody’s,
Fisher ou Standard & Poor’s, saluent la bonne santé des banques commerciales
privées, tout en épinglant l’« État banquier ». Les exemples ne manquent
pas.
Maroc
Le mieux placé
Les
banques privées dominent l’industrie bancaire marocaine. Dix des seize
banques qui composent le système sont de véritables institutions financières
commerciales. Les opérations des établissements du secteur sont concentrées
sur l’économie domestique, ceux ci ayant une présence certes limitée. Et ce,
hormis une part du marché significatif des dépôts des Marocains résidant à
l’étranger (MRE), basés principalement en Europe. De ce fait, ces banques
sont en permanence à la merci des chocs aussi bien internes qu’externes.
Contrairement aux banques publiques, devant faire face aux problèmes de la
qualité de leurs avoirs et de leur mauvaise gestion [la Banque nationale
pour le développement économique BNDE qui a perdu, à titre d’exemple,
840 millions de dirhams (1 DH = 0,092 €) en 2002 ; somme venue s’ajouter à 4
milliards de dirhams, encore dans la nature], les banques privées arrivent à
tirer leur épingle du jeu. Et ce, malgré la volatilité du PIB marocain et la
lenteur de la croissance économique.
À cet égard, le gouverneur de Banque al-Maghrib (banque
centrale), Abdellatif Jouahri, affirme que les « banques commerciales
sont relativement saines et rentables alors que leurs emplois sont assez
diversifiés ». (interview
à la page suivante) Ce qui explique la forte présence notamment française
et espagnole dans le capital de ces banques. Ainsi, les banques françaises
telles que la BNP Parisbas, le Crédit Lyonnais, la Société générale
et le Crédit agricole Indosuez détiennent presque quatre des six
joyaux des établissements privées de la place : la Banque marocaine du
commerce et de l’industrie (BMCI) la Société générale marocaine de banques
(SGMB), le Crédit du Maroc et la Wafabank. Cette dernière, d’après son
P DG, Abdelhak Bennani, devait en principe ficeler son projet de
fusion avec le Crédit du Maroc au début de 2004. En dépit de ce schéma,
les banquiers marocains se plaignent du refus des autorités monétaires
françaises de donner le statut d’agence aux établissements marocains opérant
sur son territoire, depuis plus de trente ans. « La tutelle continue
ainsi à leur imposer de s’adosser à une banque française, ce qui est inexplicable
», rétorque un DG d’une banque marocaine à Paris.
Sur le plan des pratiques professionnelles, les
analystes des banques étrangères partenaires estiment que les établissements
marocains manquent encore, même partiellement, de modèles intégrés
d’affaires. La bancarisation limitée, évaluée à 22 %, et le taux faible de
pénétration du crédit (le total des prêts représentant 60 % du PIB en 2002)
ont rendu les transactions bancaires modérées. Quant à l’offre produit, elle
reste peu sophistiquée et légèrement diversifiée. Parallèlement, la
performance mitigée n’a pas excédé 1,8 % du rendement des actifs (ROA), au
moment où le niveau du rendement des fonds propres (ROE) est d’environ 12,5
%, à la fin de septembre 2003. En revanche, une étude commandée par une
banque privée de la place relève que ces établissements ont une activité de
placement assez significative. Ils ont une facilité d’accès due à une masse
importante et à la solidité du marché de dépôts clientèle, dont plus de 25%
proviennent des transferts des MRE.
Dans l’ensemble, les agences de notation aussi bien que
les institutions financières internationales confirment que les banques
marocaines représentent un modèle d’affaires assez cohérent. Les opérateurs
offrent à leur clientèle des services bancaires du genre « Plan Vanilla
Banking ». De plus, la banque de détail (crédit à la consommation,
bancassurance, cartes de retrait et de paiement) se développe rapidement,
pendant que les activités de marché sont délibérément finalisées. Les
experts du FMI interrogés par Arabies affirment que « jusqu’ici, tout va
bien ». Leurs rapports d’évaluation précisent que le système bancaire
marocain est, à court terme, à l’abri des crises majeures, en dépit des
incertitudes qui planent sur la région. Et que ce secteur représente « le
prototype le plus développé de toute l’Afrique du Nord ». Mais, malgré ce
satisfecit, il continue de jouer un rôle limité.
Si les banques privées marocaines consolident le
processus de libéralisation du secteur, la présence de l’État dans le
capital des institutions financières reste, néanmoins, importante. Autre
inconvénient : la concurrence limitée en dehors du système, due à la
position dominante des trois holdings financiers. Ce qui rend indispensable
le parachèvement du programme de réformes mis en place par Banque al Maghrib.
La nomination d’Abdellatif Jouahri à la tête de cette institution en mai
dernier est un indice tangible à cet égard. Les prochaines semaines seront
décisives, rapportent les milieux proches du Groupement professionnel des
banques marocaines (GPBM). Notamment, concernant la Banque marocaine pour le
commerce extérieur (BMCE) et l’avenir de son P DG, Othmane Benjelloune.
Concernant les autres holdings importants, leurs
résultats sont variables. Alors que Wafabank a réalisé des résultats
semestriels satisfaisants avec un PNB en hausse de 10 % et un taux de
couverture des créances douteuses de 72,6% chiffres confortant sa position
dans le tour de table en cours avec le Crédit du Maroc , le PNB de la
Banque Commerciale du Maroc (BCM) ne progresse que de 0,82 %. Son P DG,
Khalid Oudghiri, récemment arrivé à la tête de l’établissement, à demandé
qu’on lui accorde le temps nécessaire pour redresser la barre. En rappelant
que l’activité de la BCM s’est caractérisée par une augmentation des
ressources-clientèle qui a atteint 42,6 milliards de dirhams. Quant au
Crédit populaire du Maroc (CPM), il occupe la tête du peleton, contrôlant
31% des activités des collectivités avec 79,6 milliards de dirhams et 22% de
celles du crédit. Il vient de publier ses chiffres du premier semestre 2003,
qui montrent une consolidation de ses positions. De plus, déjà candidate à
la privatisation au cours de 2004, elle cédera 21% de ses actions au privé
pour le montant de 300 millions de dollars.
Dans les mois à venir, le paysage du secteur bancaire
marocain va connaître des changements importants qui le rendront encore
mieux placé dans son environnement régional.
Le
gouverneur de la Banque al Maghrib s’exprime sur les principaux obstacles
entravant le développement des banques marocaines.
□ Vous avez occupé la présidence du Groupement professionnel des banques
marocaines et celle de la Banque marocaine pour le commerce extérieur,
comment évaluez vous la situation globale du secteur ?
• Á l’exception des banques publiques spécialisées, les établissements de la
place procèdent à la gestion de leurs risques, selon des normes établies par
Banque al Maghrib, très proches des standards internationaux. Les banques
commerciales sont relativement saines, rentables, et leurs emplois assez
diversifiés. Le principal risque auquel elles sont exposées, risque de
crédit, est couvert de manière satisfaisante. Elles affichent une
rentabilité plutôt bonne, confortée par la disponibilité d’un volume
important et stable de dépôts à vue.
□ Les analystes financiers internationaux évoquent des contraintes
structurelles entravant le développement des banques marocaines. Quelles
sont elles ?
• Les principaux obstacles au développement des banques sont liés
essentiellement à leur environnement, caractérisé par la faiblesse de
l’épargne stable, l’étroitesse du marché, un tissu productif en cours de
mise à niveau et la volatilité de l’activité économique, en liaison avec les
aléas climatiques. Á l’exception des groupes organisés, la clientèle
bancaire est constituée de PME/PMI, insuffisamment capitalisées et dont les
documents financiers n’ont pas la transparence requise pour une analyse du
risque. Les banques détiennent des portefeuilles de créances en souffrance
importants dont le recouvrement s’avère difficile, eu égard à la lenteur des
procédures judiciaires. On reproche au système bancaire marocain d’avoir
trop d’opérateurs pour des débouchés limités, d’autant qu’il connaît une
concurrence exacerbée qui tire à la baisse les marges d’intérêts et les
résultats…
Le contexte de concurrence est le résultat de la politique des autorités
monétaires, au cours des dernières années. Celle ci a consisté, notamment,
en la levée de l’encadrement du crédit et à la déréglementation des taux
d’intérêt et des emplois des banques. Elle s’est accompagnée d’un
renforcement de la concentration du secteur qui a vu la disparition de
quatre banques, ces dernières années, et d’autres devaient suivre.
L’intensification de la compétition interbancaire s’est traduite par une
baisse des marges, qui risquait de fragiliser les banques. J’ai réagi à
cette situation, en juillet dernier, pour rappeler aux banques la nécessité
de taux d’intérêts débiteurs, permettant de couvrir le coût des ressources
et les frais d’exploitation, ainsi qu’une rémunération du risque encouru et
des fonds propres.
□ Les agences de notations internationale estiment la rentabilité des
banques marocaines assez faible par rapport aux marchés émergents. Y a t il
des mesures â prendre pour l’améliorer ?
• La rentabilité des banques commerciales a certes connu une baisse au cours
de ces dernières années, en raison du retournement de la conjoncture et de
l’incidence de la réglementation relative à la classification et au
provisionnement des créances en souffrance, ainsi que de la baisse de la
marge d’intermédiation, à la suite de la libéralisation de l’activité
bancaire. Les banques sont appelées aujourd’hui à maîtriser leurs frais
généraux, à se doter de systèmes de gestion des risques plus performants, et
à diversifier les sources de profit en développement, notamment la part des
commissions et rémunérations des services.
□ Les opérateurs affirment que des mesures ont déjà été prises pour
assainir le secteur. Une date butoir aurait été fixée pour cette opération.
Pouvez. vous nous parler de ces mesures ?
• Il s’agit des banques spécialisées remontant au lendemain de
l’indépendance, dont l’objectif consistait à contribuer au financement des
secteurs jugés prioritaires, comme l’agriculture, l’hôtellerie et l’habitat.
Ces établissements n’arrivent plus à s’adapter au contexte concurrentiel ;
d’autant qu’elles ont accumulé un volume important de créances en
souffrance. Ce qui s’est traduit par une détérioration de la qualité de
leurs actifs à un moment où leurs marges ont fortement baissé. Face à cette
situation, des plans de redressement ont été mis en place dans le cas du
Crédit immobilier et hôtelier (CIH) et de la Caisse nationale de crédit
agricole (CNCA). La Banque nationale pour le développement économique (BNDE)
a vu son activité bancaire reprise par la CNCA, alors que celle de la banque
d’affaires a été cédée à la Caisse de dépôt et de gestion (CDG).
□ Les banques maghrébines ont elles atteint un certain niveau de
complémentarité entre elles ou en sont elles loin ? Comment voyez vous
l’avenir ?
• L’intérêt des investisseurs d’un pays pour le secteur bancaire d’un autre
est étroitement lié au degré de développe ment des flux commerciaux et
financiers entre les pays en question. Or, il se trouve que les échanges
entre pays arabes sont très limités. Cela ne signifie pas, toutefois que les
capitaux arabes sont totalement absents du secteur bancaire marocain,
puisque ce dernier compte une succursale de banque arabe. Les perspectives
de développement des échanges avec les pays arabes dans le cadre des accords
de libre échange offrent des opportunités d’investissements arabes dans le
secteur des banques marocaines et vice versa.
Le
secteur bancaire tunisien est composé de 14 banques commerciales, 6 banques
de développement, 2 banques d’affaires, 8 banques offshore, 3 sociétés de
factoring et 17 bureaux de représentations étrangères. Cela dit, le
processus d’ouverture du marché bancaire et financier, qui se fait, certes,
à doses contrôlées, est aujourd’hui sur la bonne voie. C’est l’avis
d’Augustin Carstens, directeur adjoint du FMI, qui, par ailleurs, a plaidé
pour la convertibilité totale du dinar. Un élément indispensable, selon lui,
à la réussite de la libéralisation du système. Parallèlement, Standard &
Poor’s considère que le secteur bancaire tunisien a des contraintes dues à
son excessive fragmentation, répartissant ses efforts entre, d’une part, la
performance mitigée des établissements publiques (représentant presque la
moitié du système) et, d’autre part, la difficulté émanant des risques
domestiques, résultant d’une pénurie généralisée au niveau des informations
et des révélations.
Néanmoins, l’environnement macro
économique stable caractérisé par un taux d’intérêt réduit de 0,5%, décidé à
la fin de juin dernier, soutenant la reprise de l’activité économique,
relançant l’investissement et allégeant le coût de financement des
entreprises a donné un coup de pouce considérable au secteur. À cela s’est
ajouté un taux d’inflation relativement bas et maîtrisé, ainsi qu’une
croissance régulière de 5% en moyenne. De plus, les banques sont davantage
aidées par un coût local du travail facile à manier, pour répondre aux
besoins d’une économie fondée sur un réseau étendu de sociétés de taille
moyenne et sur une classe moyenne importante, la plus forte du monde arabe
(environ 68%). Cet environnement encourageant a permis à la plupart des
banques de gagner la confiance des actionnaires. Cela est dû également au
soutien de l’État aux banques publiques, dans lesquelles il possède des
parts. Si un tel accompagnement a souvent compensé les erreurs de gestion
commises, se traduisant parfois par des trous financiers, il a, par
ailleurs, participé au ralentissement sur le plan de la rationalisation du
secteur.
Ainsi,
aucune des 27 banques de la place n’a pu dominer le système, comme c’est
le cas avec les trois grands holdings du Maroc. Les deux plus grandes
banques, contrôlées par l’État, ont des problèmes au niveau de la qualité
de leurs biens et services, datant de quelques années. Autre handicap,
d’après les analystes financiers européens : la présence étrangère limitée.
Sur ce point, Faouzi bel Kahia, P-DG de la Banque de Tunisie et président
de l’Association professionnelle des banques de Tunisie, note : « Le secteur
bancaire n’est pas un secteur banal. Avoir un système financier dont le
centre de décision échappe, même partiellement, à la souveraineté nationale
n’est pas sans danger. » Et d’ajouter : « Ce n’est pas de la frilosité.
Rappelez vous que chaque fois qu’il a été question de privatiser des banques,
tous les pays du monde ont privilégié la solution nationale. » (interview
à la page suivante).
Autres inconvénients enregistrés
par certaines agences de notation, la moyenne du rendement des actifs (ROA)
et du rendement des fonds propres (ROE) qui a respectivement chuté de 0,8% à
8% en 2002 en comparaison avec 2001, où celle ci est passée de 1,5% à 13%.
Ces institutions remarquent, par ailleurs, que le seuil de rentabilité des
banques tunisiennes demeure plus bas que celui des pays émergents. Surtout
lorsqu’il s’agit de prendre en compte le moyen élevé des prêts accordés
localement (environ 77% du total des avoirs dans certains cas). Néanmoins,
le secteur bancaire tunisien a réalisé une avancée considérable. En effet, à
la lecture des états financiers relatifs aux trois derniers exercices, on
constate que toutes les banques présentent une situation équilibrée,
répondant aux ratios habituellement recherchés par les institutions
spécialisées et les agences de rating (notation).
Mais les experts s’accordent à
dire que la libéralisation en cours du marché financier impose de nouveaux
défis aux banques tunisiennes. Elle les place progressivement face à la
concurrence étrangère avec la levée des barrières douanières avec les pays
de l’Union européenne. Ce qui implique l’ajustement de leurs politiques de
gestion, de leurs instruments, ainsi que de leurs produits, à celles
appliquées à l’international. Les analystes estiment qu’il y a des efforts à
déployer, notamment dans les domaines de l’octroi du crédit, de la collecte
de l’épargne, et de l’orientation de l’investissement. L’engouement pour
l’investissement dans l’immobilier a participé à fausser le jeu au niveau du
secteur. La ruée vers ce produit n’a pas seulement constitué une plus value
artificielle de ce marché, mais a également privé les autres opérateurs d’un
accès aux offres bancaires. Autre problème : l’attirance des banques vers
les grands groupes. Les sociétés d’investissement à capital risque, censées
constituer un tremplin pour les PME/PMI, peinent à imposer l’approche
spécifique qui doit être, en principe, la leur. Les demandes de garantie,
parfois exagérées, entravent le développement du marché bancaire et
financier.
Quoi qu’il en soit, la santé du
secteur bancaire tunisien est, de l’avis des analystes des institutions
financières internationales, saine. L’ouverture par doses, adoptée depuis
plus de six ans, a porté ses fruits, d’autant qu’elle a prouvé sa parfaite
adaptation au contexte et aux besoins. Et ce, en dépit de quelques dérapages
rapidement endigués par les autorités monétaires. L’état de veille
permanente de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a remédié aux effets de la
conjoncture économique difficile. Les résultats donnés par Mohamed Ali
Daouas, gouverneur de la BCT, le montrent. En effet, les avoirs nets en
devises ont atteint 3,130 milliards de dinars (1 DTU = 0,68 €) au 17 juin
2003, soit l’équivalent de 84 jours d’importations.
Assainir le
secteur bancaire, améliorer le système d’information constituent les
priorités, selon le P-DG de la Banque de Tunisie.
□ Vous êtes P-DG de la banque
de Tunisie et président de l’Association professionnelle des banques. Quel
regard portez vous sur lie secteur bancaire tunisien ?
• Malgré une conjoncture
internationale morose, qui perdure depuis le 11 septembre 2001, le secteur
bancaire tunisien se porte généralement bien. Á la lecture des bilans, des
résultats, vous constatez que toutes les banques de la place présentent une
situation équilibrée. Ce qui confirme qu’il est le reflet de la solidité de
l’économie nationale. C’est cette forte corrélation qu’il faut prendre en
compte. Cependant, il reste beaucoup â faire pour s’aligner sur les secteurs
bancaires des pays émergents.
□ Cela a t il un rapport avec
l’assainissement aujourd’hui à la mode dans certains pays de la région ?
• L’assainissement financier des
banques est nécessaire, mais il ne peut être suffisant. Le saut qualitatif
attendu du secteur pour qu’il puisse continuer à assurer les besoins de
financement traditionnels de l’économie, mais aussi jouer un rôle moteur
pour les autres secteurs, ne pourra être réalisé que grâce à une
modernisation en profondeur et à une restructuration.
□ Que voulez vous dire par
modernisation et restructuration ?
• Il s’agit de deux projets
phares communs : la télécompensation et la monétique. Le premier est déjà
opérationnel, pour les virements ou pour les chèques. Il constitue une
avancée majeure pour la régularité, la rapidité et la transparence de la
compensation. Quant au second, il doit permettre une diffusion très large de
la carte de paiement, la multiplication des distributeurs automatiques de
billet ainsi que les terminaux de paiement électroniques chez les
commerçants.
□ Le secteur bancaire
tunisien est il capable dé s’internationaliser ?
• L’essentiel est de soutenir et
de conforter le commerce extérieur de la Tunisie, Á cet égard, nos
partenariats actuels avec les banques étrangères répondent largement au
besoin. Pour l’accompagnement de nos hommes d’affaires, exportateurs nous le
faisons sang difficulté. De ce fait, je pense que nous n’avons pas besoin
d’ouvrir le capital de nos banques à ces partenaires pour bénéficier de ce
service. Ce qui ne signifie nullement que je sois opposé à l’implantation de
banques étrangères en Tunisie. Je suis même convaincu que dans un certain
nombre de domaines elle pourraient créer une dynamique intéressante pour
l’amélioration de qualité de service du secteur bancaire.
□ Peut on ainsi déduire que
le système bancaire tunisien est apte à servir de locomotive à cette
perspective d’internationalisation ?
• Notre secteur est sous
l’influence l’environnement économique national et il est indissociable.
Qualitativement, il est au même niveau que les autres secteurs de
l’économie. Un secteur peut il être en avance et jouer un rôle
d’entraînement pour le reste des secteurs ? C’est très difficile. Mais je
considère que la structure actuelle à majorité publique du secteur bancaire
constitue pour lui un handicap.
L’organisation
bancaire et financière de l’Algérie est en mutation », répètent tous les
responsables concernés. Mais ils reconnaissent que les réformes entamées
avec la promulgation de la loi relative à la monnaie et au crédit au début
des années 90 ne sont toujours pas achevées. Pourtant, cette loi, mise en
place par le gouvernement des réformateurs de Mouloud Hamrouche, a permis
l’ouverture du secteur bancaire aux capitaux privés nationaux et étrangers.
En 2003, l’Algérie compte 22 banques. Outre 7 banques publiques, il y a 7
banques privées algériennes et 10 banques privées étrangères (dont 3
françaises : BNP Paribas, Société générale et Natexis Banque populaire), Par
ailleurs, certains organismes ont opté pour des bureaux de liaison, par
exemple Citibank, Crédit Lyonnais et Fortis. Dans ce contexte, l’État a
assaini la dette des banques publiques en les recapitalisant. L’objectif
étant de moderniser leur fonctionnement et de les hisser aux normes
internationales, afin de faciliter les opérations de privatisation ou
d’ouverture du capital. Néanmoins, rien de tout cela ou presque n’a été
réalisé. D’autant que cet effort, qui s’est soldé par une hémorragie
financière, s’est opéré au détriment des établissements privés. Pis, aucune
banque n’a été privatisée jusqu’ici. En tête des privatisables : le Crédit
populaire d’Algérie (CPA), malgré ses créances irrécouvrables de plus de 500
millions d’euros.
Le secteur bancaire est devenu le talon d’Achille de l’économie algérienne,
au lieu d’être sa locomotive. Au point que le ministre des Finances,
Abdellatif ben Achehnou, ce proche conseiller du président Bouteflika, a osé
dire tout haut ce que certains pensent tout bas : « Les banques algériennes
constituent un grave danger pour la sécurité de l’État ! ». Des événements
confirment la faiblesse du secteur : la faillite de Khalifa Bank (dont le
préjudice au Trésor public est évalué à près de 1,8 milliard d’euros) ; de
la Banque commerciale et industrielle d’Algérie (BCIA) ; et les difficultés
auxquelles d’autres banques sont confrontrées, comme l’Algerian
international Bank (AIB) qui est en à son vingtième mois de placement sous
le régime de l’administration provisoire. Et ce, sans ajouter les malheurs
de l’Union Bank (UB), banque privée, et l’une des premières victimes des
conséquences de la disparition mouvementée de Khalifa Bank. Le P DG de l’UB
résume la situation ainsi : « Il y a une crise de confiance dans le système
financier algérien. Aucune banque ne peut faire face à une demande massive
de l’ensemble de ses déposants. »
En dépit de ce constat alarmant, point de plan de sauvetage en vue du
secteur bancaire. Plus particulièrement des banques privées, que la Banque
centrale d’Algérie refuse toujours d’aider comme c’est le cas des banques
publiques dont les ardoises sont faramineuses. C’est peut être l’une des
raisons pour lesquelles les autorités monétaires algériennes ne montrent
aucun intérêt dans l’établissement d’un rating de son secteur bancaire. Un
fait confirmé par les agences internationales de notation, comme Moody’s ou
Standard & Poor’s. Aussi, Ben Achenhou ne manque t il aucune occasion de
critiquer la Banque centrale d’Algérie. Tout en indiquant qu’il n’a pas
l’intention de réduire l’autonomie de cette institution, il révèle qu’il «
n’y a pas concertation entre celle ci et le gouvernement ». Et d’ajouter,
évoquant « le séisme financier », sans citer l’affaire Khalifa : « Il faut
tout faire pour arriver à cette sécurité. L’Algérie a des engagements
qu’elle doit tenir. »
La majorité des rapports établis aussi bien par les experts des institutions
financières internationales que par les analystes des banques d’affaires
européens intéressés par le marché algérien notent que la crise du secteur
bancaire de ce pays risque de durer. « Une solution sur le court terme est
quasi exclue », affirme à Arabies un responsable d’une banque française
opérant sur place, et préférant garder l’anonymat. « On ne verra
malheureusement pas le bout du tunnel avant quelques années ; d’autant que
les tiraillements au sommet, à la veille de l’élection présidentielle ne
font qu’accentuer la cris confiance à l’égard du marché financier et du
secteur bancaire. »
Les observateurs estiment que dans un contexte où règne en maître le volet
social, pour des considérations politiques internes, il est facile d’ignorer
les normes économiques. Ce qui rend la situation de plu plus opaque aux yeux
des investisseurs étrangers. Le résultat se fait donc sentir au niveau de
l’accumulation des dettes, dont le remboursement devient de plus en
improbable, voire impossible. Le Trésor public intervient alors pour jouer
le rôle de pompier, en recourant à la compensation de celles ci. Il faut
ajouter à l’opacité les différentes opérations qui suivent un chemin
détourné, difficilement détectable où s’entremêlent le secteur informel et
le marché noir (32 % du PIB global algérien).
Ainsi, la faiblesse du secteur bancaire et son opacité entravent le
développement de la place financière d’Alger. Et ce, malgré les efforts de
l’État visant à encourager l’épargne, et à inciter les sociétés à se coter
en Bourse. Efforts vains, puisque le nombre de sociétés cotées se compte sur
les doigts d’une main.