Croissance
économique volatile, rigidités structurelles freinant leur développement,
difficultés dues à la mauvaise performance du secteur touristique et à la
frilosité des investissements directs étrangers, l’avenir du secteur semble
aléatoire.
Dans son rapport intitulé «North
African Banks Lack Momentum Amid Turbulent Regional » publié en septembre
dernier, l’agence internationale de notations Standard & Poor’s a établi un
des lieux des banques nord africaines. En se focalisant sur le côté
solvabilité, ses experts ont passé au crible les activités de ces banques,
montrant aussi bien les handicaps que les atouts. S’ils ont diagnostiqué les
fragilités du secteur, ils ont enregistré de bonnes perspectives sur le long
terme. Ces dernières ne peuvent, cependant, se concrétiser, tant que la
libéralisation du système reste inachevée, en l’absence, également, des
opérations de restructuration et de rationalisation. Ce qui pourrait
entraver l’adaptation efficace des moyens aux objectifs fixés.
Ce constat définissant les
ratings (notations), correspondant à des banques du Maroc, de Tunisie et
d’Égypte a, en revanche, écarté les secteurs algérien et libyen. Interrogé
par Arabies, le Credit Analyst auprès de Standard & Poor’s à Paris, Anouar
Hassoun, a indiqué que les autorités monétaires à Alger « n’ont pas exprimé
leur intérêt à l’égard de ce genre de bilan » ; et de poursuivre : « Il
semble que le système bancaire n’est pas en mesure de demander des
notations. » Pour la Libye, il a précisé que « Car l’agence, en tant que
société tunisienne, n’a pas le droit d’exercer dans ce pays, avant la levée
totale des sanctions. D’autant que le système est toujours nationalisé.
Donc, il n’y a pas une « incitation forte pour demander un rating » ,
conclut Hassoun.
Par ailleurs, si la croissance
du secteur bancaire arabe (maghrébin compris) a atteint 3,1% en 2002
déclaration faite lors du Congrès annuel de l’Union des banques ambres (UBA),
tenu à Beyrouth le 10 octobre dernier , cela ne reflète, en aucun cas, une
bonne performance. Et moins encore, un taux de rentabilité suffisant.
Surtout que celui ci est toujours en-dessous des normes adoptées par les
pays émergents. Ensuite, il ne faut pas sous estimer les répercussions du
climat de risque économique dans lequel opèrent les banques maghrébines, ni
la rude concurrence et la lente amélioration des pratiques financières.
Notamment, pour la plupart des banques publiques, créant de sérieux
obstacles à tout élan du secteur. Ainsi, la majorité des rapports établis
par les experts du FMI, de la Banque mondiale ou des agences, comme Moody’s,
Fisher ou Standard & Poor’s, saluent la bonne santé des banques commerciales
privées, tout en épinglant l’« État banquier ». Les exemples ne manquent
pas.
Maroc
Le mieux placé
Les
banques privées dominent l’industrie bancaire marocaine. Dix des seize
banques qui composent le système sont de véritables institutions financières
commerciales. Les opérations des établissements du secteur sont concentrées
sur l’économie domestique, ceux ci ayant une présence certes limitée. Et ce,
hormis une part du marché significatif des dépôts des Marocains résidant à
l’étranger (MRE), basés principalement en Europe. De ce fait, ces banques
sont en permanence à la merci des chocs aussi bien internes qu’externes.
Contrairement aux banques publiques, devant faire face aux problèmes de la
qualité de leurs avoirs et de leur mauvaise gestion [la Banque nationale
pour le développement économique BNDE qui a perdu, à titre d’exemple,
840 millions de dirhams (1 DH = 0,092 €) en 2002 ; somme venue s’ajouter à 4
milliards de dirhams, encore dans la nature], les banques privées arrivent à
tirer leur épingle du jeu. Et ce, malgré la volatilité du PIB marocain et la
lenteur de la croissance économique.
À cet égard, le gouverneur de Banque al-Maghrib (banque
centrale), Abdellatif Jouahri, affirme que les « banques commerciales
sont relativement saines et rentables alors que leurs emplois sont assez
diversifiés ». (interview
à la page suivante) Ce qui explique la forte présence notamment française
et espagnole dans le capital de ces banques. Ainsi, les banques françaises
telles que la BNP Parisbas, le Crédit Lyonnais, la Société générale
et le Crédit agricole Indosuez détiennent presque quatre des six
joyaux des établissements privées de la place : la Banque marocaine du
commerce et de l’industrie (BMCI) la Société générale marocaine de banques
(SGMB), le Crédit du Maroc et la Wafabank. Cette dernière, d’après son
P DG, Abdelhak Bennani, devait en principe ficeler son projet de
fusion avec le Crédit du Maroc au début de 2004. En dépit de ce schéma,
les banquiers marocains se plaignent du refus des autorités monétaires
françaises de donner le statut d’agence aux établissements marocains opérant
sur son territoire, depuis plus de trente ans. « La tutelle continue
ainsi à leur imposer de s’adosser à une banque française, ce qui est inexplicable
», rétorque un DG d’une banque marocaine à Paris.
Sur le plan des pratiques professionnelles, les
analystes des banques étrangères partenaires estiment que les établissements
marocains manquent encore, même partiellement, de modèles intégrés
d’affaires. La bancarisation limitée, évaluée à 22 %, et le taux faible de
pénétration du crédit (le total des prêts représentant 60 % du PIB en 2002)
ont rendu les transactions bancaires modérées. Quant à l’offre produit, elle
reste peu sophistiquée et légèrement diversifiée. Parallèlement, la
performance mitigée n’a pas excédé 1,8 % du rendement des actifs (ROA), au
moment où le niveau du rendement des fonds propres (ROE) est d’environ 12,5
%, à la fin de septembre 2003. En revanche, une étude commandée par une
banque privée de la place relève que ces établissements ont une activité de
placement assez significative. Ils ont une facilité d’accès due à une masse
importante et à la solidité du marché de dépôts clientèle, dont plus de 25%
proviennent des transferts des MRE.
Dans l’ensemble, les agences de notation aussi bien que
les institutions financières internationales confirment que les banques
marocaines représentent un modèle d’affaires assez cohérent. Les opérateurs
offrent à leur clientèle des services bancaires du genre « Plan Vanilla
Banking ». De plus, la banque de détail (crédit à la consommation,
bancassurance, cartes de retrait et de paiement) se développe rapidement,
pendant que les activités de marché sont délibérément finalisées. Les
experts du FMI interrogés par Arabies affirment que « jusqu’ici, tout va
bien ». Leurs rapports d’évaluation précisent que le système bancaire
marocain est, à court terme, à l’abri des crises majeures, en dépit des
incertitudes qui planent sur la région. Et que ce secteur représente « le
prototype le plus développé de toute l’Afrique du Nord ». Mais, malgré ce
satisfecit, il continue de jouer un rôle limité.
Si les banques privées marocaines consolident le
processus de libéralisation du secteur, la présence de l’État dans le
capital des institutions financières reste, néanmoins, importante. Autre
inconvénient : la concurrence limitée en dehors du système, due à la
position dominante des trois holdings financiers. Ce qui rend indispensable
le parachèvement du programme de réformes mis en place par Banque al Maghrib.
La nomination d’Abdellatif Jouahri à la tête de cette institution en mai
dernier est un indice tangible à cet égard. Les prochaines semaines seront
décisives, rapportent les milieux proches du Groupement professionnel des
banques marocaines (GPBM). Notamment, concernant la Banque marocaine pour le
commerce extérieur (BMCE) et l’avenir de son P DG, Othmane Benjelloune.
Concernant les autres holdings importants, leurs
résultats sont variables. Alors que Wafabank a réalisé des résultats
semestriels satisfaisants avec un PNB en hausse de 10 % et un taux de
couverture des créances douteuses de 72,6% chiffres confortant sa position
dans le tour de table en cours avec le Crédit du Maroc , le PNB de la
Banque Commerciale du Maroc (BCM) ne progresse que de 0,82 %. Son P DG,
Khalid Oudghiri, récemment arrivé à la tête de l’établissement, à demandé
qu’on lui accorde le temps nécessaire pour redresser la barre. En rappelant
que l’activité de la BCM s’est caractérisée par une augmentation des
ressources-clientèle qui a atteint 42,6 milliards de dirhams. Quant au
Crédit populaire du Maroc (CPM), il occupe la tête du peleton, contrôlant
31% des activités des collectivités avec 79,6 milliards de dirhams et 22% de
celles du crédit. Il vient de publier ses chiffres du premier semestre 2003,
qui montrent une consolidation de ses positions. De plus, déjà candidate à
la privatisation au cours de 2004, elle cédera 21% de ses actions au privé
pour le montant de 300 millions de dollars.
Dans les mois à venir, le paysage du secteur bancaire
marocain va connaître des changements importants qui le rendront encore
mieux placé dans son environnement régional.
Par Samir SOBH
ARABIES n°201 – Décembre 2003
Site web:
http://www.arabies.com
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