Electrostar : Les tourments de
l’assainissement ! Par Khaled BOUMIZA
Après le retrait de
Batam, il ne reste plus sur la cote qu’Electrostar pour représenter le
secteur de l’électroménager. Un secteur fortement endetté comme on l’a déjà
écrit, mais à fort potentiel, avec un marché estimé entre 300 et 500 MDT. Le
lien n’existe peut-être pas, mais après Batam, Electrostar connaîtrait
quelques déboires et Batam ne serait pas étrangère, au moins en partie, à
ces déboires. D’aucuns diraient qu’Electrostar « traverse sa crise de
croissance».
Pour la seconde année consécutive, les résultats d’Electrostar sont à la
baisse et pas des moindres. Déjà en 2002, ces résultats étaient en baisse de
53% par rapport à 2001 et chutaient de quelque 1,5 MDT. En 2003 encore, les
résultats s’inscrivent en baisse de 67% par rapport à 2002 et ne sont plus
que de quelque 441 mille DT seulement. Certains ratios se sont même
dégradés. Après une hausse de 22,5% en 2002, le total des actifs a baissé de
6%. Après une première baisse de 3%, le résultat d’exploitation chute à
nouveau de 45%. Après avoir baissé de 27%, la rubrique emprunts fait un saut
vertigineux de 1004%, parallèlement, certes, à une baisse de 8 MDT du court
terme. Tout cela, dénote selon le management de la société, d’un effort
intense d’assainissement. Un traitement en profondeur et qui promet,
croisons les doigts.
Ainsi selon le management de l’entreprise, la diminution du chiffre
d’affaires est voulue. «Il a y eu cette décision générale d’assainir les
finances, à la fois des banques, des groupes et des entreprises. Nous en
avons tenu compte au niveau d’Electrostar», une autre manière de dire que
les banques ont limité, comme elles l’ont fait pour d’autres, les crédits et
les facilités qu’elles donnaient à la société. Assainissement des finances
donc, mais aussi de nouveaux objectifs pour l’entreprise. «Avant, notre but était la recherche de la croissance et le gain de nouvelles parts
de marché. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus continuer à financer, comme
auparavant, nos revendeurs qui bénéficiaient de crédits allant jusqu’à 360
jours», nous explique la même source. Et d’ajouter que «L’incidence sur
le chiffre d’affaires n’a pas tardé et n’ayant plus accès aux crédits, nos
distributeurs se sont aussi trouvés en difficultés».
Le chiffre d’affaires passe ainsi de 42,2 millions DT à 31,8 MDT l’année
dernière. La rubrique «clients et comptes rattachés» a certes diminué (de
22 à 18,3 MDT). A l’intérieur, il y a cependant 4,8 MDT en impayés, mais
aussi 0,4 MDT en créances douteuses sur les clients et plus de 10 MDT en
effets à recevoir ! Les banques ont ainsi, un peu serré les boulons pour
Electrostar. Celle-ci a donc serré la vis à ses clients, son chiffre
d’affaires et son résultat s’en ressentent.
«Actuellement et suite à l’affaire Batam, le plafond d’escompte est passé à
2 mois du chiffre d’affaires, alors qu’avant il pouvait même arriver à 3 mois
et 6 mois de chiffre d’affaires». Les banques ont ainsi escompté Electrostar,
qui l’a fait pour ses clients pour ne pas les asphyxier. Et notre source de
préciser par la suite que « tout le monde, à part Batam, est entrain de
nous payer».
Liquidité et endettement
L’entreprise ne semble pour autant pas être lâchée par ses banquiers. Elle a
en effet négocié avec les banques, un crédit de 9,5 MDT qui a été consolidé
sur 9 ans, «à des conditions beaucoup plus avantageuses que le crédit par
caisse ou le court terme» précise encore notre source. Cela lui permet de
respirer et d’amortir dans le temps les retards de paiement de ses clients
et éviter aussi les goulots d’étranglement de la trésorerie. Ce nouveau crédit
a en fait servit à améliorer le bilan, en transformant des crédits court terme en
long terme. En face de la rubrique emprunts qui a en effet augmenté de
1004%, il y a la rubrique «concours bancaires et autres passifs financiers» qui diminue de 38%. Le total de la dette de l’entreprise est ainsi passé
de 47 MDT en 2002, à 35 MDT en 2003. Dans cette lecture des chiffres de
l’endettement, il faut cependant, selon le management de la société, tenir
compte de l’escompte commercial. Elément important, il ne figure en effet
pas dans le bilan, mais en hors bilan. Le poste de l’escompte est en effet
passé de 18,7 MDT en 2002 à 5,5 MDT en 2003. Décryptage : le total du court
terme passe de 42,2 MDT à 20 MDT seulement en 2003. Et c’est en tenant
compte de l’escompte qu’on réalise cette baisse de 12 MDT de l’endettement
total. Cela est corroboré par la baisse de 25% de la rubrique «charges
financières nettes» qui avait enregistré en 2002 une hausse de 32%.
Et notre source d’insister sur le fait que l’entreprise n’a pas de problème de
trésorerie et que celle-ci est même positive. Et pourtant, selon les propres
documents de l’entreprise, la trésorerie à la clôture de l’exercice, était
négative (-10,8 MDT) et elle l’était aussi en début d’exercice (-20,8 MDT) !
Le management insiste pourtant et signe que «notre liquidité n’est pas
tendue et nous disposons actuellement des moyens nécessaires à notre
développement». L’explication on la trouve, encore une fois, en tenant
compte, toujours selon le management de l’entreprise, du poste de
l’escompte. La liquidité serait en effet positive, grâce aux 10,8 MDT de
facilités accordées par les banques à Electrostar.
Et maintenant, que vais-je faire !?
Pour l’instant, le management reste serein, presque optimiste, en indiquant
que le marché, celui des climatiseurs essentiellement, reste très prometteur
pour les 10 prochaines années. L’optimisme se base sur une analyse de la
capacité de crédit de la famille tunisienne. Celle-ci n’excède pas le 1500
DT par famille et cela laisserait de l’espace à plus, selon le management de
l’entreprise qui demande donc aux autorités compétentes de «trouver les
moyens qui structurent cette demande et nous permette de travailler». Selon Electrostar, la demande continue à être forte et il appartient au système
financier à ne pas ignorer cette demande qu’elle situe entre 300 et 500 MD,
pour lui apporter les solutions appropriées notamment à travers le crédit à
la consommation. «Les différentes études montrent que l’endettement des
ménages demeure dans des proportions raisonnables et que le Tunisien est
soucieux d’améliorer son confort ménager et en a encore les moyens. Le
marché est donc là et n’attend que des systèmes de crédit à la consommation»
estime le management de la société.
La société revoit cependant ses objectifs et n’en laisse qu’un seul, celui
des ventes sûres et au comptant. «Aujourd’hui, le marché change et nous
devons changer de logique pour nous y adapter» ajoute notre source. Son
objectif est désormais de vendre sans crédit, avec un maximum de 60 à 90
jours. «La stratégie consiste à vendre de façon saine et rentable ce qui
nous conduit à redimensionner Electrostar, à œuvrer à remonter en chiffre
d’affaires» précise encore notre source.
L’autre axe de cette nouvelle stratégie, selon les indications du
management, consiste à nettoyer et à redimensionner la société en augmentant la rentabilité par les prix. Il prévoit donc, pour 2004,
d’augmenter le chiffre d’affaires et estime que la demande est là pour le
permettre. «On ne sera pas déficitaire en 2004, le RN ne descendra en tout
cas pas au dessous du niveau de 2003. On fera même une progression en
terme de chiffre d’affaires et en résultat net», soutient le management d’Electrostar.
Et certifie même qu’il arrivera aussi à «baisser les délais de paiement des
clients, à récupérer et à recouvrir les dettes et à diminuer les engagements
bancaires et il y aura même une baisse relative des frais de gestion et des
frais du personnel».
Batam, Electrokallel et les autres…
Comme la majorité des entreprises industrielles de son secteur, Electrostar
fait partie des victimes du dossier Batam. Il semble cependant qu’il (Batam)
soit le seul à s’en tirer, lentement certes, mais grâce surtout à son réseau
structuré. Il devrait même sortir dans les prochains jours de l’administration judiciaire et négocierait avec les banques pour mettre au
point une ligne de crédit de 24 MDT pour la vente à crédit, mais aussi un
crédit de gestion, un crédit par caisse et un financement de stock. Le tout
pour un total 30 MDT. A côté des 3,2 MDT mis dans le capital de Batam, dans
le cadre du plan de règlement de M. Ali Dbaya, Electrostar a récupéré 2,4 MDT et
n’en a finalement abandonné que 0,5 MDT. Pour le reste, la société ne s’estime pas
plus touchée que d’autres et affirme qu’elle n’est pas impliquée et ne le
sera pas, dans le développement de cette entreprise.
Le nom d’Electrostar a aussi été dernièrement lié à celui d’Electrokallel.
On a beaucoup parlé d’une prise de participation de cette dernière dans le
capital de la première dont la situation financière prêterait à équivoque. «On n’a mis aucun millime, ni au nom d’Electrostar, ni au nom d’aucune
société du groupe» précise à ce propos le management d’Electrostar dont les
dettes chez l’entreprise de Khaireddine Kallel s’élèvent à 1 MDT. «Nous
avons été approché par Electrokallel pour entrer dans le capital et on a
signé une convention début septembre 2003 pour le faire, si certaines
conditions et certains éléments financiers le permettent. On devait en effet
capitaliser notre dette, mais la convention devait aussi prendre fin le 30
du même mois. Avec l’aide des banques on a trouvé, que la situation
nécessitait d’abord l’intervention des créanciers et des fournisseurs pour
assainir. On est encore intéressé et on travaille toujours sur le sujet.
Rien n’est décidé et rien n’est encore tombé à l’eau». C’est en ces
termes que le management d’Electrostar a commenté les informations relatives
à ses relations avec Electrokallel.
«Lorsqu’on s’intéresse à Batam ou à Electrokallel, souligne notre source,
nous estimons qu’il est utile de voir ses circuits de distribution
s’assainir et se redresser pour pouvoir structurer la distribution et
satisfaire la demande. Nous continuons donc à suivre la situation de près et
à travailler dessus, mais nous n’interviendrons qu’après l’assainissement,
lorsque toutes les conditions seront réunies». Et pour mieux suivre le
secteur et nombre de ses revendeurs, Electrostar a créé une cellule de
veille et d’assistance «pour essayer d’apporter son aide à la relance»
précise le management d’Electrostar. Notons aussi que la société compte
publier un bilan consolidé de tout le groupe au titre de l’exercice 2003. On y verra alors
certainement plus clair.