Les tours-opérateurs –
mauvais payeurs : Comment limiter la casse ?
Nos confrères du magazine Profession
Tourisme ont publié dans leur numéro du mois de février 2004 le compte-rendu
d’une table ronde sur les
tours-opérateurs (TO) mauvais payeurs. De nombreuses questions ont été
soulevées durant ce débat où l’on s’interrogeait principalement sur les
recours qu’ont les professionnels Tunisiens face à leurs partenaires
étrangers mauvais payeurs.
Cette table ronde, conduite par
notre confrère Hédi Hamdi (que nous remercions d’avoir accepté que
Webmanagercenter fasse une synthèse de ce débat) et dont les péripéties ont
été rapportées par notre consoeur Abir Ben Béchir, a réuni le gratin des
professionnels Tunisiens du tourisme en Tunisie, à savoir : Afif Mehrezi,
DGA de l’Office national du Tourisme Tunisien, Zakaria Zgolli, S.G. de la
Fédération Tunisienne de l’Hôtellerie, Tahar Saïhi, S.G. de la Fédération
Tunisienne des agences de voyage, Mourad Mhenni, p-d-g de la chaîne Miramar
hôtels, Abdelaziz Ben Sghaïer, directeur des ventes et du marketing de
Tunisair, Karim Dahmani, directeur commercial de Nouvelair, Hefdhi Bouaziz
et Emna Bouaziz, courtiers chez l’assureur Upcar, Mohamed Jaâfour, directeur
commercial de Karthago Airlines, Mohamed Guizani, DG de l’agence UTS et
Mohamed Belajouza, p-d-g de Saebel hôtels.
Comme nous le disions plus haut, la table ronde était l’occasion de soulever
plusieurs questions sur un phénomène qui n’est pas nouveau. Seulement, il
faut tirer la leçon des expériences vécues par nos professionnels. La filière
Tunisienne est-elle suffisamment protégée contre ces mauvais payeurs ?
Quelles sont les possibilités de recours en cas de défection ? A-t-on les
moyens de se tenir informés de la situation financière des opérateurs
programmant la Tunisie, leur crédibilité ? Peut-on souscrire une assurance
internationale contre ces risques ? Qui paie les factures ? Et pourquoi pas
un fonds de garantie ? Autant de questions que les professionnels n’ont pas
manqué de soulever, chacun allant de ses propres expériences et de donner
toutes les informations nécessaires aux autres présents.
Prenant la parole, M. Mehrezi a relativisé de prime abord les choses en
invitant à ne pas diaboliser les TO., des partenaires incontournables de
notre tourisme avec qui l’expérience est édifiante. «Les faillites sont
peut-être spectaculaires, mais c’est un phénomène que je qualifierai de
presque normal dans le secteur» a-t-il dit. L’essentiel étant d’assurer
un certain nombre de garanties qui existent déjà sur le plan juridique. M.
Mehrezi rappelle que les contrats signés avec les TO stipulent qu’en cas de
faillite il y a possibilité de recours aux tribunaux lesquels essaient
d’indemniser les créanciers. Il rappel aussi que l’administration essaie
tant que possible de sauvegarder la relation TO-hôtelier en intervenant dans
le cadre de recherches des solutions amiables.
Il propose cependant de développer une veille stratégique sur l’ensemble des
marchés de façon à prévoir les faillites pour ne pas les subir
douloureusement. Il s’agit donc d’être prudent sans toutefois diaboliser. L’ONTT
étant déjà, et dans les mesures du possible, connectée sur l’ensemble des
sources d’informations comme la presse (notamment professionnelle) ou les
contacts entretenus avec les différents partenaires. «Nous avons des
contrats de publicité conjointe et nous connaissons un peu leur vie interne» a ainsi dit le représentant de l’ONTT.
Cela ne semble pas être de l’avis de M. Guizani, puisque son agence UTS n’a
pas été informée de la cessation d’activité du TO Avione (dont la faillite a
causé une perte pour la Tunisie de l’ordre de 280.000 dinars pour des
factures impayées entre septembre et octobre dernier). «Ce que nous
déplorons (…) est l’absence de toute information communiquée par nos
représentants à l’étranger (ONTT, FTH, ambassade) (…) nous nous sentons
vraiment délaissés.. » Ironie du sort, l’ambassade de Suisse à Tunis a
informé l’agence, a témoigné de son soutien et a fourni les informations
disponibles.
Comme le rappelle Hédi Hamdi, l’année 2003 a connu en plus d’Avione, la
faillite du Norvégien Bonus qui a été souvent considéré comme une bonne
affaire par les professionnels. Cette bonne affaire s’est transformée en
cauchemar pour la plupart des intervenants qui l’ont aidé a indiqué Mohamed
Jaâfour, car sa situation financière était bien cachée. Sans minimiser ni
dramatiser la situation, il précise que les faillites ont touché toutes les
catégories de TO et que celles-ci ont pour origine la conjoncture
économique ou des fraudes.
Le représentant du transporteur aérien préconise le renforcement de
l’arsenal juridique et d’accorder aux TO les avantages qui correspondent à
leurs ambitions puisque les risques sont supérieurs avec les petites
affaires. Il invite surtout à une politique commune entre tous les
partenaires et ce en transmettant les informations les uns aux autres sur
les brebis galeuses via une banque de données à la disposition de tous (rôle
qui pourrait être attribué à un journal professionnel à notre sens).
M. Zgolli s’est voulu rassurant en prenant la parole et en rappelant que
la FTH réfléchit à la question depuis longtemps vu que ces dernières années,
on constate une recrudescence des faillites.
Posant le problème à l’échelle nationale, il rappelle que les agences de
voyage ont une qualité d’exportateurs de services et que de ce fait la
Cotunace pourrait les assurer comme cela se fait dans d’autres pays. Une
proposition a été faite en ce sens.
Par ailleurs, et vu la taille que prennent actuellement les TO (M. Zgolli
parle carrément de gigantisme) il est nécessaire d’agir en front uni et
disposer d’un observatoire qui s’érige contre ces faillites et contre les
montages frauduleux. « il existe des méthodes auxquelles nous devons
adhérer, des organismes qui disposent d’une banque de données à laquelle on
peut avoir accès moyennant un abonnement. A part l’Etat, ce sont aussi les
fédérations qui ont le devoir de nous informer », a dit le représentant
de la FTH.
Prenant la parole, l’hôtelier Mourad Mhenni rappelle que la demi-pension en
Tunisie est vendue à Paris au prix d’un paquet de cigarettes ! Il déclare
par la suite avoir perdu confiance et qu’il ne se sent pas protégé ni par
ses capacités, ni par les lois, ni par le ministère, ni par la fédération
pour conclure son intervention par un écrasant «Je m’écrase».
La question de l’information et de la veille est revenue ensuite à travers
les interventions de MM. Belajouza, Dahamni, Bouaziz et Saïhi et Mme Bouaziz
de proposer le recours aux sociétés de renseignements pour
éviter les surprises des faillites.
Mais que faire pour le moment et en attendant ces infos que tout le monde
réclame ? Peut-on être protégé par une assurance ? M. hefdhi Bouaziz répond
par la négative puisqu’il n’existe pas pour le moment de contrat d’assurance
protégeant contre les risques d’insolvabilité des clients. Pourquoi cette
non disponibilité ? « Parce qu’il y a un problème de communication entre
les différents intervenants qui leur appartient d’expliquer aux assureurs
quels sont les risques encourus puisque lui ne maîtrise pas les rouages de
la profession touristique » répond l’assureur. Il loue, par ailleurs, le
recours à la Cotunace que la FTAV a contactée. Il y a cependant un problème
pour pouvoir réaliser ce type de contrat puisqu’on ignore quelle limite de
garantie proposer, quel délai de carence et le nombre de TO confrontés aux
problèmes de faillites répond Mme Bouaziz après avoir précisé que l’assurance
d’insolvabilité est un risque assurable et qu’il existe une société de
renseignements (méconnue) qui traite déjà avec les banques et les grandes
entreprises de la place.
L‘hôtellier Mourad Mhenni reste sceptique quant aux assurances et évoque les
cas des forces majeures générées par les événements du 11 septembre aux
Etats-Unis et du 11 avril à Djerba pour conforter ses précédentes
déclarations que seule la qualité du produit est une garantie pour les
hôteliers : «Ni assurance, ni administration, ni loi».
Tahar Saïhi préfère aborder la question d’une manière différente. «Pour
essayer d’éviter les effets négatifs de ces faillites, qu’elles soient
frauduleuses ou économiques, il faut tout d’abord sélectionner les
partenaires, assurer un meilleur suivi de la facturation et du recouvrement» a-t-il dit. Il conseille par ailleurs les hôteliers d’éviter les
bradages parce qu’ils ne conduisent à rien. Il va jusqu’à désavouer certains
de ses collègues voyagistes qui offrent carrément la gratuité du transport !
Comme solution, il conseille la communication d’informations entre les
différents prestataires, il insiste sur une nécessaire
solidarité.
Les recommandations de la
table ronde
Suite aux débats fort riches et constructifs (dont nous n’avons pris ici que
quelques extraits), les présents ont conclu par une liste de
recommandations.
Nous reproduisons ces recommandations telles qu’elles ont été publiée dans
le magazine “Profession Tourisme” :
• Mise en place d’un Observatoire ayant pour mission de se renseigner en
continu sur la situation financière des opérateurs étrangers programmant la
Tunisie. Les informations seraient collectées, soit auprès d’organismes
spécialisés moyennant finances, soit auprès de leurs partenaires tunisiens,
des représentations de l’ONTT à l’étranger et des ambassades tunisiennes
ainsi que dans les médias économiques et la presse spécialisée tunisienne et
étrangère et centralisée au sein d’une banque de données mise à la
disposition du secteur touristique dans son ensemble.
• Création d’un partenariat entre la Fédération Tunisienne de l’Hôtellerie
et la Fédération tunisienne des agences de voyage et de tourisme avec la
fédération nationale des société d’assurances afin d’instaurer un système
d’assurances (ou d’assurances-crédit) systématique au profit des hôteliers
et des agents de voyages tunisiens.
• Accentuer les contacts avec la Cotunace afin d’étudier les possibilités de
faire bénéficier le secteur touristique de la même couverture dont bénéficie
le secteur des exportations.
• Appeler les professionnels tunisiens à plus de vigilance vis-à-vis de
certains de leurs partenaires qu’ils jugent douteux ou dont la solvabilité
peut ne pas être garantie.