Elle est ce que
l’on pourrait aisément appeler le Comptoir de commerce tunisien en Afrique
subsaharienne. Car, jusqu’à présent, c’est uniquement par elle que les
marchandises tunisiennes parviennent au continent où la Tunisie réalise
désormais un chiffre d’affaires de 120 MDT.
Son PDG est un « normalien », maîtrisard en « sciences éco » de Paris qui a
gravi les échelons de la responsabilité de la SCIT pour arriver, en 1992, à
la plus élevée. Il est aussi de tous les conseils d’affaires et de toutes
les sociétés d’amitié tuniso-africaines et préside la Chambre syndicale
patronale des sociétés de commerce international. Lui, c’et Taoufik Mlayeh
avec son expérience, ses convictions et ses espoirs pour l’exportation des
produits tunisiens vers l’Afrique Subsaharienne. Interview.
Comment
a commencé cette expérience du commerce avec l’Afrique Subsaharienne?
Avec la création, en 1984, de la SCIT (Société de commerce international de
Tunisie), nous considérions que le produit tunisien n’était pas connu en
Afrique et qu’il fallait y remédier. Entre ministère du Commerce et Cepex,
nous avons pris l’initiative d’organiser 14 journées commerciales qui ont
concerné 10 capitales africaines. Cela a porté ses fruits, puisque nous
avons pu toucher directement le consommateur africain et, depuis, le chiffre
d’affaire national africain des exportations tunisiennes ne cesse
d’augmenter. En 1992, il représentait quelque 26 MDT, il était en 2003 de
120 MDT. L’Afrique n’est certes pas le marché le plus stratégique de la
Tunisie, c’est un marché potentiel et porteur pour notre pays, mais cela ne
tardera pas à changer et l’Afrique deviendra un débouché majeur pour les
exportations tunisiennes.
Pour la SCIT, l’Afrique est pourtant le premier marché et vous devenez même
le spécialiste africain en exportation. Combien représente le commerce avec
l’Afrique Subsaharienne dans votre chiffre d’affaires ?
En 2003, elle représentait 87% du chiffre d’affaires de notre entreprise,
contre 60% avant la guerre en Irak.
Vous êtes donc
le principal opérateur tunisien en Afrique Subsaharienne et vous êtes même
implantés physiquement dans un certain nombre de capitales du continent !
Nous sommes, en effet, de par le chiffre d’affaires et l’ancienneté, la
première entreprise de commerce international qui travaille sur l’Afrique
Subsaharienne. Nous avons ouvert des bureaux de représentation de la SCIT au
Burkina Faso qui couvre aussi le Niger et le Mali, un autre bureau à Dakar,
second marché de la société, un troisième bureau à Banjul et nous comptons
cette année étendre la couverture de notre société et des produits tunisiens
au Bénin.
Vous semblez donc déjà avoir dépassé les premières difficultés de transport
qui étaient considérées comme le principal frein à l’exportation tunisienne
vers les pays de l’Afrique Subsaharienne ?
Jusqu’à 1995, en effet, le transport représentait un sérieux handicap et
rendait nos produits non concurrentiels sur ces marchés. Le fret était trop
cher et la CTN avait, depuis 1989, fermé sa ligne avec l’Afrique pour cause
d’absence de trafic susceptible de rentabiliser la ligne.
Avec l’évolution de la demande africaine en produits tunisiens et
l’évolution de notre trafic sur le continent, nous avons pu amener les
compagnies internationales de transport maritime à revoir leur prix. Un
container de 20 pieds Tunis-Abidjan, qui était en 1898 à 14 000 FF, est
actuellement à 2000 DT et on arrive même à 1200 et 1100 DT. Pour 2004, on a
connu une augmentation des coûts du transport des compagnies maritimes.
A cela s’ajoute, en Tunisie,
l’arrêt de l’aide au transport de la part du Foprodex pour les exportateurs.
Nous profitons d’ailleurs de l’occasion pour remercier le ministre du
Commerce qui a été sensible aux doléances des exportateurs et a maintenu
cette aide au-delà de 2004 ; ce qui va nous permettre de faire face aux
dernières augmentations des compagnies maritimes et de continuer à être
concurrentiel et à exporter vers l’Afrique.
En général,
vous travaillez pour votre propre compte, vous achetez et vous revendez, ou
bien vous faites le «lien» entre les entreprises tunisiennes et le marché
africain ?
Nous ne sommes pas des représentants. Nous achetons auprès de l’industriel
tunisien et nous revendons. Avec nous, l’industriel tunisien n’a donc pas
affaire au consommateur puisqu’il est directement contacté par notre
société. Mieux, nous agissons aussi, avec les industriels tunisiens, dans le
cadre de contrats programmes de production pour exportation. En 2004, nous
avons réalisé un nombre assez important de contrats programmes qui
permettront à un certain nombre de nos clients de prévoir leur production et
à nous de bien gérer notre programme d’exportation en fonction des demandes
du marché africain. J’ajoute aussi que nous sommes l’unique entreprise
tunisienne qui ne travaille qu’avec le «made in Tunisia». Les produits
étrangers ne représentent que 1% de notre chiffre d’affaires.
Quel genre d’industrie ciblez-vous ? En quelque sorte, quels sont les
produits tunisiens qui se vendent le mieux sur les marchés africains ?
Notre réussite doit beaucoup au
choix des produits que nous sélectionnons. Après notre cumul d’expérience
sur ce marché, nous pensons que l’Afrique a besoin de se nourrir, se loger
et se soigner. Nous ciblons donc tous les produits agro-alimentaires, les
matériaux de construction (notre cheval de bataille) et les médicaments. Il
faut cependant préciser que nos tentatives de pénétration des marchés
africains n’ont pas toujours abouti, et cela, à cause des grosses
multinationales qui laissent peu d’espace à tout autre opérateur que les
leurs. Je reste tout de même optimiste, car nous avons en Tunisie une
industrie pharmaceutique performante et concurrentielle et, avec le temps,
nous arriverons, nous en sommes convaincus, à ce que les produits
pharmaceutiques tunisiens soient présents sur le continent.
La SCIT a cependant réussi à faire une percée avec les pièces détachées
automobiles qui se vendent maintenant très bien dans les différents marchés
subsahariens, soutenus en cela, il faut dire, par la très performante
industrie tunisienne dans ce secteur. Nous sommes actuellement le plus gros
exportateur de pièces de rechange tunisiennes sur l’Afrique subsaharienne et
nous avons, pour cela, un dépôt dans le port de Radès pour le groupement des
différentes commandes.
Etant également président de la Chambre syndicale des sociétés de commerce
international, que manque-t-il alors pour que ce marché devienne un débouché
principal pour la production industrielle tunisienne et l’exportation de ses
produits?
Il manque surtout l’entente entre industriels et sociétés de commerce
international ; une entente morale pour faire confiance à ces professionnels
de l’exportation et pour que chacun fasse son métier. L’entente aussi entre
sociétés de commerce international elles-mêmes pour ne pas faire tous la
même chose sur les mêmes marchés et pour innover, explorer et introduire
d’autres marchés et élargir la gamme de produits à y écouler, pour ne pas
nuire les uns aux autres et au made in Tunisia.
On a vu, il y
a quelques années, une floraison de missions itinérantes sur beaucoup de
régions, de pays et de nouveaux marchés. Où en sont maintenant les choses ?
La production tunisienne y est-elle arrivée à s’implanter ?
En Afrique, il y a eu deux missions. Elles ont, en effet, porté leurs
fruits, mais seulement dans les pays francophones, pas dans les pays
anglophones tels que le Kenya, l’Ouganda, le Bénin ou l’Afrique du Sud. Les
pays où nous sommes arrivés, comme le Nigéria qui est le premier marché
africain de la Tunisie avec un chiffre d’affaires de 800 mille DT, nous n‘y
sommes pas entrés directement, mais par le biais des pays voisins
francophones. Derrière cela, il y a surtout la question de la langue, mais
aussi une question de non adaptation de certains de nos produits aux
habitudes et traditions des pays anglophones. L’exemple des produits
sanitaires est, à ce titre, très édifiant !
Dans les pays francophones, les missions itinérantes ont été une totale
réussite et certains pays où le chiffre d’affaires tunisien à l’export était
nul, représentent maintenant des marchés qui consomment tunisien et ont un
fort potentiel de croissance.
Si vous aviez
un appel à adresser aux autorités commerciales du pays pour que l’Afrique
Subsaharienne devienne un marché de la Tunisie, quel serait ce message et
que demanderiez-vous ?
Le gouvernement, le Chef de l’Etat et ministère du Commerce ont, à notre
avis, tout fait et tout mis au point pour que tout cela soit possible. Les
aides et les encouragements sont là. A nous maintenant d’œuvrer pour
profiter de toutes ces mesures et mettre à profit les différentes mesures
prises à cet effet. Aux industriels, je dirais : « Faites votre métier et
donnez nous un bon produit, nous vous le vendrons, car c’est notre métier. »