Des
crédits à la clientèle qui augmentent, malgré la conjoncture. Mais peut-elle
ne pas financer l’économie ? 60% des engagements sur le secteur touristique,
qui représente lui-même 37,3% du total des engagements de la banque, sont
classés. L’Etat reste pourtant confiant et l’aide à provisionner
correctement. Le résultat net est certes en stagnation, mais c’est une
banque qui rechigne à la surenchère et joue la transparence, nous dit-on.
Normal, c’est la première banque du pays.
On a rarement eu l’occasion, sur
nos colonnes, d’évoquer, encore moins d’analyser, les bilans et les
résultats de cette banque. Elle est pourtant la première banque du point de
vue actif ! Il faut dire qu’elle aurait pu, facilement, postuler au prix de
l’entreprise non communicatrice (l’AIB l’y a-t-elle invité ?), qu’aurait pu
aussi organiser l’AIB. A ce titre, il n’y a encore que la Star et Tunisair,
pour faire mieux qu’elle en matière de retard de publication des résultats,
malgré les menaces du CMF. Elle, c’est la STB, l’une des rares banques
tunisiennes à réussir sa sortie sur le marché financier international.
Au 31 décembre 2003, la banque enregistrait un total actif, en légère
régression, revenant de 4228 MDT en 2002 à 4134 MDT pour l’exercice 2003, un
total produits d’exploitation accusant une petite baisse (247,6 MDT, contre
261,4 MDT une année auparavant) et un léger recul du BNB,
malgré la baisse des charges d’exploitation.
Le poids du secteur
touristique
Avec un résultat en stagnation (19,6 MDT contre 19,5 MDT en 2002), le
management de la banque estime que c’est là, « le bilan d’une activité
normale». Il explique la chute du PNB par l’effet du taux d’intérêt qui
a diminué d’un point au cours de l’année 2003 et le lourd portefeuille des
banques de développement que la banque continue à supporter, depuis la
fusion il y a trois années de la STB avec la BDET et la BNDT, des banques
d’investissements presque alors spécialisées dans le tourisme. Conséquence
directe, ce secteur représente actuellement 37% de l’encours global de la
banque. «C’est le poid des difficultés du secteur et il n’y a eu que
peu de recouvrement au niveau du secteur touristique», nous indique le
management de la banque. Ce dernier reste quand même optimiste et ajoute que «actuellement, il y a une reprise timide et l’on s’attend malgré tout à
ce que 2004 soit meilleure que 2002 et 2003». Il n’en demeure pas moins
vrai que 60% des créances de ce secteur sont classés.
A la banque, on met en avant la compression des charges, dont les charges
financières et les taux d’intérêts servis à la clientèle, sous l’effet de la
baisse des taux, ainsi que la maîtrise des dépenses d’exploitation. Mais Il y a
aussi, dans ce bilan 2003, l’augmentation, de 3,8% au niveau des ressources,
contre un peu plus de 8% pour le reste du secteur. Une petite évolution que
la STB explique par une «démarche volontariste», car elle a tout
d’abord mobilisé un crédit sur le marché financier international et qu’ensuite, comme certaines autres banques, elle n’a pas recouru à la surenchère
et préfère respecter le ratio minimum de liquidité nous dira-t-on à la
banque. Décryptage, la STB n’aurait pas voulu avoir recours aux opérations
de fin d’année ou «gros choux», comme on les appelle dans le métier.
Il y a aussi, en cette période caractérisée par de forts engagements des
grands groupes industriels et une incapacité, au moins temporaire d’une
partie des opérateurs de l’industrie touristique, à rembourser leurs dettes;
l’augmentation des crédits à la clientèle. Ceux-ci passent chez la STB de
2944 MDT à 3106 MDT (comparez avec le total actif de 4134 MDT). Ces crédits
ont ainsi augmenté de 5,3%, un taux légèrement au dessus de la moyenne du secteur. Et dans
cette augmentation, les crédits à court terme continuent à progresser plus
rapidement que les crédits à l’investissement.
«Il y a un accroissement de
l’activité économique et il y a le secteur bancaire qui doit jouer son rôle
d’accompagnement et de soutien. La banque continue donc, comme d’habitude, à
financer l’économie. Et si le court terme va plus vite, c’est du fait de la
petite évolution de 2,8% de l’investissement au cours de 2003» nous fait-on
remarquer chez la STB. On aura beau posé la question relative à la
classification des crédits à sa
clientèle, pour essayer de vous donner une image des
risques de la banque; pour toute réponse on nous fera seulement remarquer que l’étude
exhaustive de ce ratio demande du temps. On aura, quand même fini par
apprendre que le taux des actifs classés devrait être pour 2003 autour de
38% contre 35% pour l’exercice 2002. Un taux donc à la hausse.
Une question de provisions
En face, il y a des provisions pour passifs et charges, qui diminuent et
reviennent de 31,1 MDT à 28,9 MDT seulement. Le management de la banque
soutient pourtant qu’« il n’y aura pas de manque de provision dans le
bilan définitif. On constituera la provision nécessaires et les ratios seront
respectés, malgré la baisse constatée par le bilan provisoire», nous
assure-t-on chez la STB. Remarquez que l’utilisation du futur, au lieu du
présent, pour parler de cette question, n’est pas fortuite !
Des sources, en dehors de la banque et non confirmées par le management de
la STB, nous apprennent cependant que le manque de provision, pour 2003,
devrait atteindre 150 MDT et qu’il devrait être couvert par l’Etat, qui
aurait déjà donné son accord. Il est important ici, de rappeler l’avis de
l’agence internationale de rating Moody’s, à l’occasion de la notation de la Biat et qui indiquait qu’en scénario de crise,
“la BIAT est susceptible de
bénéficier auprès des autorités financières tunisiennes en cas de difficulté“.
Avant cela, Fitch et son agence tunisienne Maghreb Rating, rappelaient que
le capital de la STB est contrôlé directement et indirectement à hauteur de
52,47% par l’Etat Tunisien. Compte tenu de cette structure de
l’actionnariat, du rôle majeur joué par la STB dans le financement de
l’économie tunisienne et dans la collecte de l’épargne nationale, l’agence
considère comme hautement probable le soutien de l’Etat à cette banque, si
elle venait à connaître des difficultés. Cela se vérifie. Tout devrait donc,
d’ici la prochaine AG de la banque, rentrer dans l’ordre chez la STB.
Le provisoire
qui ne durera pas !
Pour les prévisions 2004, le management de la première banque du pays tient
encore à rester dans le «flou artistique», d’une «augmentation de
l’activité et au niveau des ressources, à un taux comparable à celui de la
croissance économique et une croissance comparable, au niveau du PNB et du
résultat». No comment !
Ce bilan est provisoire. La remarque est d’autant plus importante que, comme
le souligne le rapport, tout aussi provisoire, du commissaire aux comptes
qui indique «ne pas avoir contrôlé la classification des engagements et
ne pas avoir procédé à l’évaluation des risques et des provisions devant
être constituées, au titre des créances classées ou d’autres actifs de la
banque». Cette remarque est certes valable pour toutes les banques. Il
n’en demeure pas moins vrai que ce genre de bilan provisoire, dont les
informations n’engagent aussi que la responsabilité des dirigeants, reste
entaché des limites d’un examen non approfondi.
Un bilan aussi, comme celui
auquel sont obligées toutes les sociétés cotées à la bourse, qui pose donc
problème, dans la mesure où il peut être entaché d’inexactitudes et ne devrait
pas être livré au marché. Derrière cela, se pose du reste toute la
problématique des états intermédiaires auxquels sont obligées ces sociétés
et où les experts comptables tiennent à dégager leurs responsabilités et à se
couvrir, par les réserves d’usages ! Qui couvrira alors les risques de
l’épargnant et de l’investisseur, face à des informations provisoires et
incertaines ?