Richard Branson : De la magie d’entreprendre

Par : Autres

Richard 
Branson


Président
fondateur du groupe Virgin

De la magie
d’entreprendre

 

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Sa stratégie : faire parler de lui en multipliant les facéties et les
provocations. De quoi créer de toutes pièces un empire international, quitte
à faire grincer quelques dents.

 

Il a longtemps eu une réputation de hippy, peu goûtée de la City. Pourtant,
malgré sa mise décontractée optant volontiers pour le jean et le pull,
Richard Branson a été adoubé chevalier parla reine Élisabeth II, en 1999.
Elle voulait le remercier d’avoir porté haut les couleurs de l’Union Jack
aux quatre coins de la planète. De fait, tout le monde connaît ses cheveux
en bataille, sa barbe en pointe et son sempiternel sourire. À 54 ans, il
pèse 2 milliards d’euros et figure au 9e rang des fortunes de Grande
Bretagne. En une génération, il a créé Virgin, un groupe riche de 100
filiales réparties dans 23 pays et dont les activités disparates n’ont qu’un
point commun, être à la mode et génératrices de plaisir. C’est lui,
l’heureux grand prêtre des temples du CD et de la vidéo que sont les Virgin
Megastores, l’entreprenant manager de la société de téléphonie Virgin
Mobile, créée en novembre 1999 avec Deutsche Telekom, l’inattendu sommelier
en chef de la maison de vente par correspondance Virgin Wines, le patron de
la compagnie aérienne Virgin Atlantic. Sa société Virgin Drinks est aussi à
l’origine de Virgin Cola, un soda dont les bouteilles rappellent une boisson
venue d’Atlanta. Richard Branson s’est même offert un beau circuit
électrique quand Virgin Trains a participé au partage du gâteau ferroviaire
britannique, lors des privatisations. De l’agence de voyage à la compagnie
d’assurance en passant par la banque en ligne, la liste est longue…

 

La plus grande partie de sa fortune provient de ses compagnies aériennes.
Dans le Pacifique et en Australie, ses avions portent les couleurs de Virgin
Blue et de Pacifie Blue. Basée à Bruxelles et en partenariat avec l’ex
Sabena, SN Brussels Airlines, Virgin Express dessert à bas coût l’Europe
depuis 1996. Une idée de génie : vendre l’avion au prix du charter! Mais le
fleuron revient à Virgin Atlantic. Ce transporteur a réalisé son premier vol
le 22 juin 1984, entre Londre et New York. Allié, depuis, à Singapore
Airlines, il possède 27 Airbus et Boeing. Ils desservent aussi le Nigeria et
l’Afrique du Sud. En 2002, sur un total de 34 mil lions de passagers, plus
de 10 % ont volé sur les lignes africaines. Virgin envisage à présent de
créer une compagnie « low cost » aux États Unis.

 

A l’école, il accumule les
frasques et déserte les cours
de la très huppée Stowe School, dans la
campagne britannique, à l’ouest de Londres. Le jeune Richard ne semble guère
profiter de la bonne éducation, sans télévision, que lui prodiguent ses
riches parents. À 12 ans, achète et plante un millier de sapins dans
l’espoir de les revendre pour Noël. Les lapins en mangent les pousses.
L’année suivante, il se lance dans le commerce des perruches. À 16 ans, il
crée le magazine Student of the Age of Sixteen… et abandonne ses études.
Il a 20 ans quand il baptise Virgin Records sa petite société de vente
disques par correspondance. Il entreprend d’aménager un studio
d’enregistrement à Oxford, où il vit aujourd’hui avec sa femme Joan et leurs
deux enfants. La chance lui sourit. En 1971, il rencontre Mike Oldfield, qui
cherche éditeur pour « Tubular Bells ». Sorti en 1973, l’album se vend à
plus de 5 millions d’exemplaires.

 

Outre la chance, le secret de
Richard Branson est d’être, sous des allures de dilettante, un bourreau de
travail. Pour surveiller son empire, il passe une partie de sa vie dans ses
avions. Des heures de vol occupées à griffonner un carnet rouge. Il recourt
aussi à des stickers qu’il colle sur son veston, ou écrit dans la paume de
ses mains. Tout est important. L’hôtesse qui se plaint de la hauteur de ses
talons, les pleurs d’un enfant qui lui suggèrent d’offrir à ses jeunes
passagers une casquette de base-ball. De fait, les avions de Virgin Pacific
font partie des mieux équipés. Les voyageurs peuvent regarder 25 chaînes de
télévision, choisir entre 25 jeux vidéo. Une esthéticienne est à la
disposition de ceux qui veulent se refaire une beauté. Avant de partir, ils
peuvent même choisir leur menu à la carte, via l’internet.

 

« Virgin n’est pas une marque
comme les autres, explique Richard Branson, c’est plus un mode de vie. » Sa
stratégie favorite est de faire parler de lui. En 1986, il bat le record de
vitesse de l’Atlantique à bord du Virgin Atlantic Challenger II. Entre 1995
et 1998, avec Per Lindstrand et Steve Fossett, il tente à plusieurs reprises
de faire le tour du monde en ballon. En 1998, l’équipage bat tous les
records de vitesse entre le Maroc et Hawaii, mais le mauvais temps fait
échouer cette dernière tentative. Le 1er juillet 2003, à l’aéroport de
Bruxelles National, les journalistes voient le PDG descendre en rappel
l’affiche grande comme un immeuble destinée à promouvoir Virgin Express. En
mai 2003, à peine les canons se sont ils tus, le voici qui arrive à Bassorah,
dans le sud de l’Irak, pour apporter des médicaments aux hôpitaux.

 

En fait il trop ? En juin
2001, pour faire parler de Virgin Mobile aux États Unis, il n’hésite pas à
s’afficher nu dans les rues de New York. Un téléphone masque son intimité.
L’enjeu est d’importance: Virgin Mobile vient de verser 1 milliard de
dollars au groupe de télécommunications Sprint pour pénétrer le marché de
l’Amérique du Nord. Au printemps 2003, il décide de s’en prendre à son
concurrent, British Airways, en jouant sur le sentiment patriotique. Il
claironne qu’il veut acheter et remettre en service les Concorde promis au
musée. Entreprise, bien sûr, irréalisable. Mais il a dû en rabattre quant à
sa volonté de concurrencer Coca Cola, par crainte de tracas judiciaires pour
plagiat. Non seulement Virgin Drinks ne possède que 2 % du marché du cola,
mais, dans de nombreux pays, la marque Virgin Cola est devenue Virgin
Colours. Jaunes, vertes, mauves, les bouteilles de soda n’évoquent plus la
boisson américaine que par leur forme.
 

En 1995, deux universitaires,
Robert Dick et Manfred Kets de Vries, analysaient l’aventure.
Le titre
du livre est éloquent: Branson’s Virgin, the Coming of Age of a Counter
Cultural Entreprise (« Branson et Virgin, l’âge de raison d’une entreprise
contre culturelle»). Les auteurs montrent comment Richard Branson a cultivé
le style contestataire des années 1960. Son premier bureau était installé
sur une péniche. Souvent, ce sont des entrepôts délabrés de la banlieue
londonienne qui abritent ses sociétés… Des cadres fort décontractés
travaillent sous la houlette du clan Branson. Ses cousins, tantes, amis
d’enfance, voire ses ex petites amies. Chez Virgin, on prône volontiers
l’égalité des salaires. « Je préfère faire de mes bons salariés des
millionnaires plutôt que de les voir partir chez la concurrence», explique
le patron. Revers de la médaille, une telle contre culture, des myriades de
petites entreprises s’imbriquant dans un réseau de collaborations, se marie
mal avec la constitution d’un grand groupe reconnu, et Virgin ne tarde pas à
être soupçonné de multiplier les comptes dans les paradis fiscaux.

 

De fait, la City a longtemps
rejeté le groupe. Il a disparu des indices de la Bourse en 1992 quand, faute
d’avoir assez d’argent pour investir et dépasser les 5% de parts de marché,
son patron a dû vendre Virgin Music, son premier bébé, à Thorn Emi. Mais, en
novembre 2002, Richard Branson a lancé le site de téléchargement musical
payant
www.virginmega.com
. Avec l’appui de V2, sa deuxième société d’édition de
musique, née en 1997, il s’est doté d’un nouvel outil pour, c’est certain,
rejouer une partie contre les ténors de la production de disques.

 

ecofinance20804.gifJEAN
CLAUDE GRENIER

ECONFINANCE AVRIL 2004

 

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