Sans
l’annoncer au préalable, les députés l’ont déjà noté, le ministère du
transport et des technologies de la communication a présenté et fait adopter
le jeudi 1er avril, le projet de loi transformant l’office national des
télécommunications (ONT) en société anonyme (SA).
Présenté il y a plus d’une année, à grand renfort d’informations de presse et de déclarations officielles, comme le premier pas vers l’ouverture du capital de l’opérateur
national en téléphonie et peut-être sa privatisation, la transformation
semble pour l’instant dévier de cet objectif. A aucun moment, ni le projet
de loi, ni les explications de motif, ni le ministre répondant aux
interrogations des députés, n’ont évoqué l’introduction de Tunisie Télécom
en bourse.
Concernant les objectifs du projet de loi, les rapports des différentes
commissions de la chambre des députés énumèrent les différentes
améliorations législatives, introduites depuis la création en 1995 de l’ONTT,
pour conclure que « les différentes évolutions du secteur, ont mis en
évidence la nécessité de continuer la restructuration du secteur, pour
introduire la flexibilité nécessaire à la gestion et améliorer
l’exploitation et l’utilisation des ressources des entreprises (du secteur)
et renforcer sa capacité concurrentielle». Le ministre Sadok Rabah
ajoutera, en séance plénière que l’objectif de la transformation est de «libérer Tunisie Télécom des liens des mesures administratives qui retardent
la mise en application de ses programmes, pour augmenter ses parts de
marché».
Introduira, introduira pas ?
La question de l’introduction en bourse a été clairement posée par l’une des
commissions. La réponse n’a jamais été donnée, ni en commissions, ni en
plénière. Le seul terme approchant qui a été utilisé dans les différentes
déclarations, a été l’ouverture du capital. A ce titre, le
ministère en est encore, semble-t-il, au niveau des intentions et des
orientations. « L’intention s’oriente vers l’ouverture, à hauteur de 10%
uniquement, du capital», précise le rapport des commissions de la chambre
des députés. Et même si ce dernier précise que «les études sont en cours
pour le choix du meilleur moyen de le faire », le pourcentage de 10%
d’ouverture restera, lui aussi entre les mains du secteur public. Dans sa
réponse aux député, le ministre a donné les détails qui confirment la
non entrée de Tunisie Télécom à la bourse.
Ces 10% seront en effet partagés entre les deux offices publics que sont
l’office national de transmission radio télévisée et l’office de la poste,
ainsi que les trois banques publiques que sont la BNA, la STB et la BH.
L’annonce, dés à présent, des prochains actionnaires de l’entreprise,
enlèverait déjà l’option d’une introduction sur la cote par le biais d’une
OPV comme pour Tunisair ou la Stip par exemple.
L’admission au premier marché implique en effet, selon l’article 40 du
règlement général de la bourse, un nombre de titres représentant 20% au
moins du capital. Tunisie Télécom ne se trouvera, probablement pas, dans ce cas
de figure. Avec l’annonce, désormais officielle, des 10% répartis entre 6
actionnaires (les 3 banques + les 2 offices + l’action du PDG), cela ne
devrait pas non plus la placer dans la catégorie des candidates au second
marché. L’article 43 du règlement général de la bourse, exige la diffusion
de 10% au moins dans le public. L’article 44 précise que « les titres
détenus par le public (…) doivent être répartis entre 300 actionnaires au
moins (…) détenant individuellement au plus 0,1% du capital».
Un patrimoine
de 1400 MDT
L’introduction d’au moins 3 banques dans le capital de Tunisie Télécom, en
ferait-elle au moins automatiquement une entreprise faisant appel public à
l’épargne ? A moins d’une dérogation spéciale, l’article premier de la loi
94-117 portant réorganisation du marché financier, l’exclut. Dans sa
définition de la notion de l’appel public à l’épargne, ledit article
mentionne les sociétés qui sont déclarées comme telles, les sociétés dont
les titres sont admis à la cote de la bourse et les sociétés dont le nombre
d’actionnaires est égal ou supérieur à 100 ! Avec 7 actionnaires, Tunisie
Télécom ne peut donc pas être considérée comme entreprise faisant
appel public à l’épargne.
On sait par contre, de façon presque certaine, que la valeur du patrimoine
de Tunisie Télécom a été évaluée à 1400 MDT. Cela représentera en même temps
la participation de l’état dans le capital de l’entreprise. L’Etat étant,
jusqu’ici, l’unique actionnaire, les 1400 MDT représenteraient l’actuel
capital de Tunisie Télécom.
Par extrapolation, on pourrait conclure que le définitif devrait être, après
ajout des 10% (140 MDT) des entreprises et banques publiques, de 1540 MDT.
Dans toute cette configuration donc, cela ne s’appellera pas non plus une
opération de privatisation. C’est une transformation du statut juridique de
Tunisie Télécom (d’Office à société anonyme) et l’ouverture de son capital
à d’autres
entreprises publiques, dont les employés resteront soumis au statut des EPIC.
Certains, nous ont fait remarquer que l’entrée des 3 banques et des deux
offices, pourrait n’être que l’acte de naissance de la société anonyme et
que l’entrée en bourse pourrait intervenir dans une seconde étape. Nous
remarquons de notre côté que le ministre ne l’aurait pas présenté ainsi.
Nous espérons tout de même qu’il en sera ainsi !