Compétitivité, Performance
et Entropie d’entreprise
L’entreprise
est un système complexe. Elle est “système” car les parties qui la
constituent sont interdépendantes, et elle est “complexe” car la valeur
produite n’est pas une fonction linéaire de ses intrants.
Pour se développer, l’entreprise importe de la valeur de son environnement,
la transforme à travers un ou plusieurs processus construits et la
réexporte. La différence de coût entre valeur entrante (les ressources de
différentes natures : capitaux, matières premières, énergie, informations,
principes d’actions,…) et valeur sortante (produits et services), autrement
dit la valeur ajoutée, sert à renouveler les ressources nécessaires pour
recommencer le cycle de vie.
D’une manière générale, la valeur ajoutée est utilisée de trois façons :
– rémunération du personnel, des fournisseurs, des actionnaires et de
l’état.
– investissement matériel et immatériel pour répondre à un besoin de
développement.
– dissipation en pure perte sans contre partie.
L’ensemble des surcoûts liés aux déperditions de ressources, de temps et
d’énergie, telle que l’immobilisation des capitaux, les ruptures
d’approvisionnement, la non Qualité, la non information, la redondance dans
les processus, le traitement des conflits, … ne sont pas visibles pour le
client final et donc il n’est pas prêt, en général, à en payer le prix.
Or la quantité de ressources, d’information et de temps inutilement dissipée
mesure « l’entropie » ou encore le niveau de désordre de l’entreprise.
Cette dissipation est observée à tous les niveaux de l’organisation et
affecte essentiellement le temps de réponse de l’entreprise. Toutefois,
certaines sources de gaspillage ne peuvent être quantifiées facilement,
telle que la non prise de décision, la perte d’un client,… et leurs impacts
sur le résultat financier en tant que manque à gagner ne peuvent être
mesurés facilement.
Si on considère que l’entreprise se développe tout en développant ses
processus métiers et ses processus de pilotage, alors le niveau de maîtrise
de ces processus reflète la capacité de celle-ci à déployer sa stratégie.
Ainsi, la maîtrise des processus dépend d’une part, de l’organisation des
activités au sein de l’entreprise, et d’autre part de son système de
management, autrement dit de son intelligence.
La question qui se pose alors est comment définir et mesurer la performance
d’une entreprise. Pour Michel Lebas, la performance est une question de
potentiel de réalisation. Autrement dit, la performance est un concept qui a
trait au futur et non au présent. Et encore moins au passé.
Se contenter d’une analyse économique à posteriori, s’appuyant uniquement
sur les ratios financiers d’un exercice écoulé occulterait la vraie capacité
de performance d’une entreprise.
C’est pour cette raison que nous proposons une approche différente et
complémentaire pour donner un éclairage plus objectif sur le potentiel de
réalisation, ou encore la compétitivité réelle d’une entreprise.
Le choix d’un indicateur de performance
Nous avons cherché un indicateur factuel, qui peut mesurer un résultat
tangible, et qui se soumet aisément au Benchmarking tout en permettant une
lecture du potentiel de développement d’un système.
Partant de la modélisation qui considère l’entreprise comme une chaîne de
valeur qui met en œuvre un ensemble de processus et flux interprocessus
(flux physiques et d’information), l’indicateur de performance qui nous a
paru le plus judicieux est en définitive celui qui mesure les coûts des
opérations sans valeur ajoutée. Ce qui permet de représenter aussi bien le
niveau de désordre que les dissipations de ressources liées au transfert ou
immobilisation de la valeur, hors transformation de celle-ci.
Dans la logique “chaîne de valeur”, cet indicateur représente en fait les
coûts logistiques. Ces coûts comportent à leur tour deux dimensions. Une
dimension “Temps” qui mesure les surcoûts dus à l’immobilisation des
capitaux, aux ruptures d’approvisionnement, les pénalités de retard, les
stocks morts,…etc., et une dimension “Transfert” qui mesure les coûts de
transport, de manipulation et entreposage, de traitement de l’information
…etc.
Les dérives de pilotage de la chaîne de valeur conduisent inévitablement à
augmenter les niveaux de stocks ou à allonger les délais de réponse. Le
niveau de maîtrise de la chaîne des transactions –dite aussi Supply Chain-
reflète la capacité d’une entreprise à déployer sa stratégie. Plus
l’entreprise maîtrise sa chaîne des transactions et plus elle sera
compétitive.
L’indicateur de performance par les coûts logistiques reflète les «
gisements de ressources » disponible dans l’entreprise, et dénote du niveau
de maîtrise des processus (au sens maîtrise de la chaîne des transactions).
Le fait de mesurer l’incidence des coûts logistiques sur le CA et sur la VA,
donne à cet un indicateur un double sens. Il permet d’un côté d’identifier
d’une manière incontestable les maillons faibles dans la chaîne des
transactions, et permet d’un autre côté d’avoir une idée sur le devenir de
l’entreprise.
Bon nombre d’entreprises ignorent ou sous-évaluent leurs coûts logistiques.
Souvent, elles ne considèrent que les coûts assortis de factures (transport,
manutention, entreposage,…). Ainsi, j’ai rencontré récemment un Chef
d’entreprise qui était convaincu que ses coûts logistiques n’excédaient pas
les 5% de son prix de vente. En réalité, après analyse de sa chaîne
logistique, ils se sont avérés supérieurs à 15%, mais avec des possibilités
de tendre vers 5%. Soit un gisement potentiel d’économie de l’ordre de 10%
sur son CA.
Cet indicateur des coûts logistiques s’avère être un outil très puissant
pour une meilleure organisation de la chaîne de valeur afin d’atteindre un
nouveau seuil de performance. Evaluer la performance logistique permettra
sûrement de préparer des plans de progrès ambitieux avec à la clé une
amélioration spectaculaire de la rentabilité économique.