Pour remplacer
la cassette audio, qui date de 1963, vous aurez bientôt le choix entre la
DCC de Philips, le Mini Disc de Sony, ou la DAT si vous restez un puriste.
Dur, dur de s’y retrouver sur le
marché du son. Si le compact-disque (CD) a détrôné le bon vieux disque noir
en vinyle, la situation est passablement confuse au rayon cassettes. Pas
moins de trois types de supports ont vocation à enregistrer le nouveau son
digital. Après l’échec relatif du DAT (Digital Audio Tape), qui n’a réussi –
quatre ans après son lancement – à occuper qu’une petite niche du
marché de la hi-fi, deux autres formats sont attendus pour l’an prochain. Il
s’agit de la cassette numérique DCC (Digital Compact Cassette) proposée par
le néerlandais Philips et du Mini Disc (MD) imaginé par le japonais Sony. Si
les deux géants de l’industrie musicale allaient jusqu’au bout de leur
démarche respective, une bonne guerre des standards en résulterait…
Lorsque la cassette DAT a été
mise sur le marché en 1987, les principaux groupes d’électronique grand
public voyaient en elle le format qui prendrait la relève de la très
populaire cassette. Las, la DAT n’a pas connu l’énorme succès qu’on lui
prédisait. En France aujourd’hui, il ne se vend guère que 4 000 à 5 000
appareils DAT par an, ce qui représente moins de 1 % du marché total de la
haute-fidélité.
Quant aux musicassettes DAT,
elles sont tellement peu nombreuses qu’elles en deviennent quasi
introuvables. Les éditeurs de musique ont trouvé qu’il n’y avait vraiment
pas assez de consoles DAT sur le marché pour se mettre à produire des
supports spécialement conçus pour elles.
On retombe sur la vieille
histoire de la poule et l’oeuf. Est-ce le hard (les magnétophones ou les
lecteurs) ou le soft (les cassettes vierges ou pré-enregistrées) qui font le
marché ? La plupart du temps, il faut que l’une et l’autre des conditions
soient réunies simultanément. Sinon, on va droit à l’échec. L’histoire du
DAT l’atteste.
DAT, la qualité
« Quand on a travaillé sur la
cassette DAT, on a buté sur deux problèmes, le prix du magnétophone DAT et
son incompatibilité avec la cassette actuelle », raconte Jean-François
Martin, responsable au département audio de Philips. Le coût de revient du
DAT demeure élevé, car ses contraintes technologiques (enregistrement
hélicoïdal) sont celles d’une mécanique de haute précision. L’évolution du
prix de cet appareil suit celui des caméscopes. Proposé à 10 000 francs au
départ, le DAT se situe aujourd’hui dans la tranche des 6 000 à 7 000
francs. « Quand bien même il serait produit en très grande série, il
resterait toujours un écart de 1 à 3 avec la technologie du CD »,
soutient Alain Elhaik, directeur marketing chez Sony France. Quant à la
duplication de la cassette DAT, faute d’un enregistrement s’effectuant dans
le sens de la bande, elle ne peut pas « se faire à des vitesses rentables
industriellement (60 fois la vitesse normale) », complète Jean-François
Martin.
La grosse crainte des maisons de
disques fut de voir la DAT donner lieu à un phénomène de piratage à aussi
grande échelle qu’avec les cassettes. Ces compagnies forcèrent donc les
fabricants de DAT à instituer un système de protection drastique. Chaque
possesseur de DAT ne peut pas procéder à plus d’une copie privée par
enregistrement. Mais en pratique, cette cassette n’est pas devenue un
produit grand public parce que « pirater le CD n’était pas une nécessité », souligne Victor Jachimowicz, à la direction des produits techniques
de la FNAC. Le magnétophone DAT ne se porte pas plus aisément que le Discman,
par exemple. Son unique avantage, mais il est considérable pour les
passionnés et les professionnels, c’est qu’il permet une prise de son de
haute qualité, grâce à une numérisation parfaite
DCC, la compatibilité
Faut-il craindre de voir mourir
le DAT ? Comme équipement de salon pour amateurs fortunés, il a sa place
dans la gamme de produits hi- fi. Reste à savoir pour combien de temps. Car
doivent sortir au cours de l’année 1992 deux innovations technologiques,
dotées de mécaniques beaucoup plus simples (et donc moins onéreuses) : la
Digital Compact Cassette et le Mini Disc.
Le système DCC vient d’avoir les
honneurs du Salon de Berlin, début septembre. Selon Jean-François Martin, ce
procédé digital pourrait être le « vrai successeur de la cassette »
analogique. En effet, le lecteur DCC, qui devrait être commercialisé en
avril prochain entre 4 000 et 4 500 francs, est compatible avec les
cassettes existantes. Ce n’est pas un mince avantage, lorsqu’on sait qu’il
se vend un milliard de musicassettes dans le monde chaque année. En outre,
Polygram (compagnie de disques détenue par Philips) a prévu de
commercialiser 500 cassettes DCC pré-enregistrées dès le lancement du
support. Et deux autres industriels du soft (EMI et BMG) ont d’ores et déjà
décidé de jouer la carte du DCC.
En développement depuis deux
ans, le lecteur DCC est parvenu à rallier les faveurs de la plupart des
groupes d’électronique grand public, dont le japonais Matsushita (marque
Panasonic) et Thomson. Le fabricant français compte commercialiser son DCC
fin 92 ou début 93. Grâce aux brevets qu’il détient sur la “compression
numérique”, Thomson escompte d’ailleurs toucher 10 % de l’ensemble des
royalties qui seront perçues sur tous les DCC produits. Même Sony a
entrepris de négocier une licence de production du système. « Philips
propose le DCC, on est en train de l’étudier », confirme Alain Elhaik.
D’après lui, « on peut réellement créer un standard DCC ». Mais d’un
autre côté, Sony à l’instar d’autres groupes nippons, ne recherche pas la
compatibilité à tout prix. Elle n’offrirait qu’une « pseudo-sécurité
» au consommateur, à en croire Alain Elhaik. Après tout, les consommateurs
ont bien fait le saut du disque noir au compact- disque !
MD, la rapidité
Fidèle à ses convictions, Sony a
donc voulu mettre sur le marché un produit « portable, compact, digital,
enregistrable, à accès rapide. » Il a créé la surprise en annonçant, le
15 mai dernier, le développement du Mini Disc (MD), qui devrait être lancé à
la fin de 1992. Sur 6,4 cm de diamètre, il offrira 74 minutes
d’enregistrement et s’insérera dans une cartouche de protection ressemblant
à une disquette d’ordinateur. Sony, qui revendique le titre de n°1 mondial
du marché du son (17%) devant Matsushita (13%) et Philips (10%), sait qu’il
pourra s’appuyer sur sa propre maison de disques, Sony Music (ex-CBS
Records) pour fournir le marché en artistes. Le hic, c’est que son lecteur
miniaturisé n’acceptera de lire que des Mini Discs..
Ces deux nouveaux produits sont
« intéressants », pour Victor Jachimowicz, qui trouve que l’approche
de Sony est « plus technologique » et celle de Philips « plus
logique ». Techniquement, ils se « rejoignent sur l’effet de signal
utile », poursuit-il. Voulant gagner de la place sur les quantités
d’information, ils privilégient les données qui « servent à faire de la
musique » et délaissent l’enregistrement de sons trop faibles. « On
n’a donc pas l’intégralité, relève ce spécialiste. Mais les tests effectués
montrent que même des mélomanes avertis n’entendent pas la différence.»
« A l’heure actuelle, je suis
incapable de dire lequel est le meilleur, ajoute Victor Jachimowicz. Ce
serait bien que le marché puisse trancher, laissant au consommateur le choix
final.»
F. V.
SCIENCE & VIE ECONOMIE N°76 –
Octobre 1991
(c)
Webmanagercenter – Management & Nouvelles Technologies -16/04/2004 à
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