La technologie du
mobile est-elle la clé de l’accès aux TIC en Afrique ?
Le nombre d’abonnés mobiles en Afrique a augmenté de plus de 1 000% entre
1998 et 2003 pour atteindre les 51,8 millions et a depuis longtemps dépassé
celui des lignes fixes, qui était de 25,1 millions à la fin de 2003. Dans sa
récente publication “Indicateurs des Télécommunications Africaines 2004“,
publiée à l’occasion d’ITU AFRICA 2004 qui se tiendra au Caire, Egypte, du 4
au 8 mai, l’UIT examine les raisons qui expliquent l’expansion rapide du
mobile dans le continent et explore ses possibilités de croissance. “La
technologie mobile incarne la société de l’information en Afrique“, explique
Michael Minges, Chef de l’unité Marché, Economie et Finances du Secteur du
développement des Télécommunications de l’UIT et principal auteur de la
publication en question. “C’est une technologie qui s’est implantée plus
largement que n’importe quelle autre dans de nouveaux domaines, et nous
devons voir comment nous pouvons l’utiliser en allant de l’avant, pour aider
à réduire la fracture numérique“.
Croissance rapide
La téléphonie mobile a joué un rôle déterminant dans l’amélioration de
l’accès aux Télécommunications en Afrique et contribué notoirement à y
multiplier le nombre des utilisateurs des Télécommunications. La pénétration
du mobile était de 6,2% à la fin de 2003, contre 3% pour la téléphonie fixe.
L’augmentation de l’utilisation du mobile est due à la conjonction de
plusieurs facteurs, la demande, la réforme du secteur , l’avènement de
nouveaux concurrents et l’intervention de grands investisseurs stratégiques,
tels que Vodacom, MTN, Orascom et Celtel.
Aube d’un
Internet mobile ?
Alors que les réseaux fixes limités dans la pratique, à cause du
faible taux de pénétration de l’accès à la Toile, la technologie mobile a
aujourd’hui le pouvoir de favoriser l’essor de l’Internet. Les services dits
de la deuxième génération, tels que le WAP (Wireless Application Protocol,
(protocole d’application sans fil) ou le SMS (service de messages brefs)
gagnent du terrain, comme en témoigne l’Afrique du sud qui vient en tête des
pays en volume de SMS échangés par mois, chiffre qui situe le pays bien
au-delà de la moyenne mondiale. L’utilisation du WAP et du SMS a
été en particulier favorisée par des applications novatrices propres au
continent, telles que la banque mobile au Nigeria ou la diffusion des
résultats des élections au Kenya.
L’intérêt manifesté pour ces applications illustre la forte demande qui
existe pour les services de transmission de données. Des services généraux
de radiocommunication en mode paquet (GPRS) ont maintenant été lancés dans
trois des marchés du continent parallèlement à un certain nombre d’autres
réseaux; comme ils permettent d’accéder plus rapidement à l’Internet, ces
services pourraient constituer la solution et permettre de passer à la
vitesse supérieure.
Parallèlement, un certain nombre de pays implantent des réseaux sans fil
(hertziens) fixes pour fournir des services de la troisième génération (3G)
et un réseau mobile 3G est sur le point d’être inauguré en Angola. Quel
accueil l’Afrique va-t-elle réserver à ces types de services? Etant donné la
demande d’accès qui existe, ces technologies sans fil pourraient constituer
demain la solution pour l’Internet en Afrique; la plus connue est
certainement la WiFi, mais d’autres à plus longue portée, comme la WiMax qui
permet une connectivité à grande vitesse jusqu’à 50 km de distance,
pourraient aussi avoir un rôle important à jouer dans la mise sur pied d’un
Internet “portable” pour la région. Quelle que soit la technologie
particulière envisagée, il existe sur le marché une lacune évidente en ce
qui concerne la fourniture de technologies d’accès à l’Internet propres à
compenser l’insuffisance des lignes fixes dans la Région, même si les
titulaires de licence GSM feront vraisemblablement tout pour préserver leur
part des marchés potentiels des assauts des technologies nouvelles.
Favoriser la
croissance du marché
Pour que les marchés du mobile restent florissants et continuent de croître,
il conviendra de créer un climat propice à la concurrence et des conditions
d’exploitations qui soient transparentes. Alors qu’aujourd’hui la plupart des
marchés africains comptent plusieurs opérateurs, les questions de politique
mobile ne se limitent plus à la seule organisation de la concurrence, mais
doivent chercher pro activement à en garantir la réussite et à intervenir en
cas de différends. Les mesures qui sont prises doivent par ailleurs inciter
les opérateurs à investir de nouveaux marchés. Un examen des marchés du
mobile de la Région révèle les avantages qui découlent de la concurrence:
dans les pays où elle s’exerce, le mobile a un taux de pénétration nettement
plus élevé que dans les marchés où perdure un monopole, même pour des
revenus par habitant identiques. La question de l’interconnexion a été dans
presque chaque pays d’Afrique une pomme de discorde, les opérateurs
historiques répugnant souvent à signer des accords d’interconnexion, ce qui
a compliqué le lancement de services mobiles concurrentiels. Pour résoudre
ces différends, les régulateurs choisissent de plus en plus souvent
d’adopter des cadres plus analytiques, plus clairs pour calculer les taxes
correspondantes.
Il n’y a pas que les régions qui ont un rôle à jouer en contribuant à
soutenir la croissance du marché; en effet, tous ceux qui s’intéressent à
l’avenir du mobile en Afrique doivent apporter leur pierre à l’édifice:
d’abord les équipementiers qui doivent par exemple inventer des solutions
adaptées aux régions à faible revenu, ensuite les opérateurs qui doivent
s’efforcer de trouver des solutions novatrices pour juguler les coûts pour
les utilisateurs finals en tirant parti, par exemple, des communications
mobiles entrantes pour générer davantage de recettes et maintenir ainsi
aussi bas que possible le prix des communications nationales et enfin les
donateurs qui eux aussi ont un rôle essentiel à jouer, par exemple en
fournissant les ressources nécessaires au renforcement des capacités ou en
mettant en oeuvre des programmes favorisant par exemple le recyclage
d’appareils mobiles usagés et leur transfert des pays développés vers
l’Afrique.
Il est vital d’étendre la disponibilité des services téléphoniques en
Afrique. Bien que le mobile ait déjà passablement contribué à favoriser
l’accès aux télécommunications, les opérateurs de systèmes mobiles peuvent
faire plus et desservir davantage des marchés et y favoriser l’accès
universel, par exemple en installant des publiphones communautaires ou en
subventionnant des services pour les populations à faible revenu. Reste
qu’il faut concevoir des modalités d’accès encore plus novatrices pour faire
en sorte que les services mobiles continuent de gagner du terrain.
Qu’adviendra-t-il des lignes fixes ?
Que réserve cette croissance impressionnante des services mobiles pour les
lignes fixes? Ces dernières peuvent-elles continuer de croître et de
multiplier, ou bien leur devenir est-il irrémédiablement compromis par la
suprématie du mobile? Le succès du mobile s’explique, entre autres, par la
possibilité qui est offerte aux utilisateurs de prépayer leurs
communications, ce qui n’est pas sans importance dans un continent où
l’argent liquide reste souvent le mode de paiement préféré. La même méthode
pourrait elle être utilisée pour les lignes fixes?
Le taux de pénétration des lignes fixes étant peu élevé, il est peu
vraisemblable que la méthode du prépaiement puisse donner des résultats sur
une aussi grande échelle. D’une façon générale, les lignes fixes sont
limitées par leur infrastructure de fils en cuivre traditionnelle,
inconciliable avec l’immensité du continent africain. Préférer une
infrastructure sans fil (hertzienne) sauvera peut-être les lignes fixes; en
effet, les réseaux hertziens fixes présentent de nombreux avantages par
rapport à l’infrastructure traditionnelle, en termes de coût et de mobilité
et, autre attrait, ils autorisent un accès large bande à haut débit à
l’Internet, grande lacune en Afrique actuellement.
Le prix sera
déterminant
Dans une région où les revenus par habitant sont parfois les plus faibles au
monde, le coût des services est la clé de leur succès. Si les prix ne
baissent pas, les abonnés potentiels resteront dans l’incapacité de s’offrir
un mobile, mais les opérateurs restent dans l’obligation de tirer des
recettes suffisantes de leurs activités pour en assurer la rentabilité.
Le mobile, de son côté, se trouve confronté à l’obligation de poursuivre sa
croissance en dépit de son prix qui le rend souvent inabordable. Sa
croissance à court terme dépendra étroitement de la capacité des
utilisateurs potentiels à s’offrir les services que leur proposent les
opérateurs. Si de nouveaux abonnés peuvent rapidement être conquis, les
opérateurs percevront alors un retour sur investissement quasi immédiat.
Déjà, des équipementiers ont annoncé le lancement de plates-formes qui
peuvent être rentables à un PU (revenu moyen par utilisateur) de 5 dollars,
tandis que des opérateurs proposent des cartes prépayées d’une valeur
légèrement supérieure à 1 dollar. L’important c’est que la demande est là;
le problème c’est de réussir à la satisfaire. Selon différents scénarios de
croissance, le taux de pénétration du mobile en Afrique devrait être en 2010
entre 10 et peut-être 20%, contre 6% en 2003.
Que
pourrait-être la croissance du marché ?
Les indicateurs des télécommunications africaines 2004 constituent un
précieux outil d’information pour les opérateurs, les fabricants, les
régulateurs et autres observateurs du paysage des télécommunications en
Afrique. Le rapport propose en effet un examen approfondi des principales
lignes d’évolution du mobile ainsi que des tendances qui auront une
incidence sur la structure future du secteur.
Le rapport met en lumière par ailleurs les applications mobiles qui se sont
révélées être des réussites, analyse les plates-formes actuelles qui
proposent des services mobiles de transmission de données et examine les
technologies qui pourraient être utilisées pour offrir dans l’avenir un
accès amélioré, plus rapide, à l’Internet. Il met en outre en exergue les
principaux domaines auxquels doivent s’attacher les responsables politiques
pour garantir l’exercice de la concurrence. Il analyse différents scénarios
de croissance du marché du mobile en Afrique, en évaluant la future demande
potentielle pour les services mobiles et examine comment les opérateurs de
systèmes mobiles peuvent s’implanter dans des marchés et y favoriser l’accès
universel. Enfin, le rapport examine les facteurs qui auront une influence
sur la croissance des réseaux fixes dans l’avenir.
Le rapport contient en outre de précieux tableaux statistiques, en particulier des prévisions pour l’ensemble du
secteur et une liste de tous les opérateurs ayant des infrastructures en
Afrique.