Nous avions, en exclusivité, annoncé que la Chambre syndicale des stations
services avait intenté une action «en justice» pour concurrence déloyale,
auprès du conseil de la concurrence, contre les banques de la place. Les
professionnels de la distribution de l’essence et des produits pétroliers,
mettaient en cause la commission de compensation imposée par les banques sur
tous les chèques.
Les pompistes avaient, dans un premier temps, essayé la parade consistant à
faire payer au client automobiliste, les frais de traitement de son propre
chèque, ou le refusait, lorsque le client refuse d’ajouter ce montant sur le
chèque. En infraction à la loi, car comme nous le faisait remarquer, dans un
email, un pompiste de nos lecteurs, le chèque est un moyen officiel de
paiement au même titre que les effets ou la monnaie fiduciaire. En
infraction à la loi aussi, car on ne peut demander au client de payer
au-delà de la valeur marchande servie.
La commission de télé compensation, nulle et non avenue
Après avoir essayé, certainement en rangs dispersés, de trouver des
solutions avec leurs propres banques, les stations services viennent de
décider de passer à l’attaque. La chambre syndicale des stations ervices,
dépendant de l’UTICA, vient en effet d’intenter un «procès» contre les
banques tunisiennes et la société de télé compensation. L’action mettait en
cause l’APTBEF (Association professionnelle des banques), la société de télé
compensation et les 19 banques de la place, commerciales et de
développement. L’action en justice a été portée devant le conseil de la
concurrence, juridiction indépendante créée depuis 1991.
Le 25 juin 2004 le conseil de la concurrence décide officiellement,
d’inculper les banques tunisiennes d’entrave à la concurrence. L’entrave
a consisté en la signature, sous l’égide de l’APTBEF, d’un accord instituant
une commission de télé compensation payable par les récipiendaires de tout
chèque transitant par la société de télé compensation. La signature de
l’accord sur le principe de cette commission a ainsi été considérée comme
une entente illicite et contraire donc aux règles de la concurrence. Le
conseil considère que l’entente a fermé la porte de toute concurrence loyale
entre les banques et leurs clients et entre les banques elles-mêmes.
Le conseil a aussi considéré qu’il n’a pu être prouvé que l’accord
concernant la commission de télé compensation a été nécessaire pour la
réalisation d’un progrès technologique ou économique ou qu’il comporte un
quelconque intérêt direct pour le client.
Les banques de la place ont été aussi condamnées à des amendes, variant
de 5 000 DT à 261 000 DT, une amende qui doit dans tous les cas être égale à
0.1% du chiffre d’affaires du dernier bilan de la banque «incriminée».
Le Conseil de la Concurrence s’est ainsi prononcé pour une annulation de
l’accord sur la commission de télé compensation, dont le montant peut
atteindre 590 millimes par chèque ou par effet traité. Il a même ordonné à
l’APTBEF de publier le texte de sa décision, sur les colonnes d’au moins
deux quotidiens de la place. L’annulation de la commission de télé
compensation, sous quelque forme qu’elle soit et sous quelque dénomination
que lui donnent les banques est aussi valable, non seulement pour les
pompistes, mais pour tous les clients quels qu’ils soient.
Notons par ailleurs que la BCT s’était prononcée, depuis 2002, contre cette
commission et l’avait signifié par écrit aux banques. Dans une circulaire en
date du 13 juin 2002, la BCT avait considéré que «les frais de télé
compensation n’entrent pas dans le cadre des charges que les banques peuvent
récupérer, car elles entrent dans le cadre de l’organisation interne de leur
travail (…)» jusqu’à là, elles avaient annulé l’accord, mais pas la
commission elle-même. Elles ont simplement modifié le nom de cette
commission et continué à l’appliquer et à l’imposer à leurs clients.
Où est
l’Organisation de Défense du Consommateur ?
Précisons par ailleurs que la décision du conseil de la concurrence n’est
pas encore définitive, dans la mesure où elle peut encore faire l’objet
d’appel auprès du tribunal administratif. Les banques feront peut-être
appel, pas pour le principe, mais certainement pour les montants des
amendes. Cette action des pompistes nous amène aussi à poser la question du
rôle de l’Organisation de Défense du Consommateur (ODC).
Depuis sa création, le Conseil de la Concurrence a traité pas moins de 120
affaires, entre consultatif et juridictionnel. Preuve qu’il y a en Tunisie
une juridiction, même si elle n’a pas encore la prérogative d’auto saisine
(une aberration dans le contexte d’économie de marché) qui veille au grain,
d’une manière indépendante et impartiale, encore faut-il qu’on y fasse appel
!
Le hic, c’est que, au moins pour les 3 dernières années, sur les 23
affaires dont 11 en contentieux ou juridictionnel, aucune n’a été déposée
par l’ODC qui a pourtant vocation et obligation par la loi, de défendre les
intérêts du consommateur. Tous les dossiers, ou presque, saisis par le
Conseil, ont été présentés par les opérateurs économiques et le ministère du
commerce ! Peut-être que ce ministère devrait changer de nom et s’appeler
désormais «ministère du commerce et de la défense du consommateur» !
Rien n’est en tout cas perdu pour l’ODC la décision du Conseil de la
Concurrence concernant la commission de télé compensation, pose en effet
d’autres interrogations sur d’autres commissions, vraisemblablement dans une
situation de non droit (L’exception se fait en effet par la loi ou par
délégation législative au pouvoir réglementaire et tout texte en dessous de
cela reste irrecevable). Il en serait ainsi des commissions sur les cartes
bancaires et même (en théorie !) du TMM !