Attirer les entrepreneurs en
Tunisie ? C’est un art qu’on peut apprendre
Le
31 mars, le Programme d’Appui à la Promotion des Investissements Extérieurs
en Tunisie, financé par l’Union européenne dans le cadre du programme MEDA,
s’est achevé. La quasi-totalité des fonds du programme (4 millions d’euros
soit 6 millions de dinars) ont été engagés à la satisfaction de l’Agence de
Promotion de l’Investissement Extérieur – FIPA – qui était le bénéficiaire
du programme. Mais qu’est ce que sont les IDE ? Pourquoi sont-ils tellement
importants pour la Tunisie ? Quels sont les secteurs les plus attrayants
pour les étrangers ? Et pourquoi ce programme européen a été une véritable
réussite ? Nous en avons parlé avec Abdessalem Mansour, Directeur Général de
la FIPA.
IDE, c’est-à-dire ‘investissements directs étrangers’ : de quoi s’agit-il ?
On parle d’IDE
dans le cas d’argent effectivement transféré de l’étranger en Tunisie pour
investir, c’est-à-dire pour acheter de l’équipement, pour construire des
immeubles, pour transférer de la technologie etc.
Quelle est la proportion de l’investissement extérieur par rapport au total
de l’effort tunisien ?
Selon les
années, il constitue entre 15 et 20 % de l’investissement total, c’est-à-dire
un montant très important pour nous.
Pourquoi ?
L’investissement
étranger amène la croissance substantielle des exportations, et nous, en
tant que pays émergent, nous avons besoin de devises pour développer
l’économie. Et encore, l’année dernière l’investissement étranger a
contribué à la création de 12.800 emplois sur un total de 65.000,
c’est-à-dire 19% des emplois créés. Un sur cinq nouveaux emplois est créé
par les IDE : attention, nous ne parlons pas seulement de main d’oeuvre
ordinaire, mais aussi de techniciens, d’ingénieurs…
Et encore, avec
les IDE il y a le transfert de`know how’, de connaissance, des nouvelles
technologies. En d’autres termes : nous sommes très intéressés à soutenir
l’effort des investisseurs étrangers, parce que les IDE nous permettent
d’atteindre nos objectifs de politique économique.
Venons en au programme d’appui européen : on en parle comme d’une réussite,
quelle est votre opinion ?
Ce programme a
effectivement été un succès. Evidemment, c’est comme quelqu’un qui réussit
un examen : il n’a pas forcément 20 partout, il peut avoir 18 ici et 14 par
là.
Commençons par le point le plus `faible’ du projet.
Selon moi, au
départ il y a eu quelques difficultés par rapport à l’expertise sectorielle
: des experts retenus n’ont pas saisi l’esprit de la collaboration, donc
nous avons perdu du temps. Mais en 2002, l’équipe a été partiellement
changée, et à partir de ce moment, on a trouvé le bon équilibre et les
résultats n’ont pas tardé.
Parlons donc de ces résultats.
D’abord je
voudrais mentionner la formation du personnel : nos experts ont été initiés
au démarchage auprès des entreprises étrangères, ils ont appris à prendre
des contacts, à utiliser un certain langage pour attirer les entrepreneurs
en Tunisie, pour présenter le pays comme il le faut. Sur les 300 entreprises
démarchées, 30 ont effectué une visite en Tunisie et 7 ont déjà pris la
décision d’investir effectivement dans le pays.
D’autres vont peut être suivre ?
Evidement, il
faut laisser aux entrepreneurs le temps de réfléchir, l’action de démarchage
peut donner ses fruits après quelque temps. Il y a des entreprises qui ont
été contactées il y a trois ans, et qui ne se manifestent seulement
qu’aujourd’hui… Ce qui se passe, c’est que les entrepreneurs vont faire
des comparaisons avec d’autres pays, et le jour où ils sont convaincus que
la Tunisie est l’emplacement approprié pour leur argent, ils reviennent.
Maintenant il faut donc suivre les contacts. Le projet en tant que tel ne se
termine pas avec l’échéance du contrat : notre rôle est de continuer avec
notre propre budget et de rentabiliser ce qui a été investi avec le soutien
de l’Union européenne.
Il s’agit donc de convaincre les investisseurs de s’installer en Tunisie :
quels sont les outils les plus performants?
Notre effort de
promotion s’appuie beaucoup sur les études de benchmarking, c’est à dire les
études de positionnement Tunisie par rapport à un certain nombre de secteurs
et de produits pour lesquels notre pays présente des avantages comparatifs
intéressants.
Donnez nous un exemple concret…
Voilà, juste
comme exemple, je prends ce verre de la table… Je sais que la Tunisie a
certains avantages pour le produire. D’abord, je considère les pre-réquisits
: la stabilité politique et sociale, une économie performante, des
ressources humaines très qualifiées, la proximité à l’Europe. Il s’agit donc
d’un environnement favorable.
Après, si on
prend en considération la matière première, le coût de la main d’oeuvre
etc., on peut calculer que la production de ce verre coûtera 100 en France,
60 au Maroc, et 40 en Tunisie. Evidement, cela doit être prouvé, parce que
l’investisseur ne va pas croire ce qu’on lui dit…
Voilà donc
l’importance des études, qui sont élaborées par des bureaux européens, et
qui certifient les coûts de production de certains produits. Les études
comparatives que le projet européen, et qui certifient les coûts de
production de certains produits. Les études comparatives que le projet
européen
nous a permis
d’élaborer sont vraiment déterminantes dans le processus d’attraction des
investisseurs.
Quels sont les secteurs identifiés comme les plus attrayants pour les
étrangers?
Les composants
mécaniques, électriques et électroniques, le créneau haut de gamme du
textile, l’agroalimentaire, le secteur de l’emballage, le cuir et
chaussures, les produits de la santé, y compris les produits
pharmaceutiques, le tourisme et les nouvelles technologies. Et encore, il y
a le domaine des services : quand il sera ouvert à l’Europe, nous pourrons
en tirer pas mal d’opportunités d’investissement pour les étrangers. Il
s’agit d’une dure bataille : pour attirer les investissements étrangers il y
a une grande concurrence entre pays, y compris les pays développés.
En effet les
plus grands pourvoyeurs d’IDEs sont aussi les plus grands récipiendaires,
c’est à dire, les Etats Unis et l’Europe. On ne peut pas rentrer en
concurrence avec ces pays… En plus, il ne faut pas non plus penser que
tout est parfait en Tunisie.
Quelles sont à votre avis les difficultés qui peuvent décourager les
investisseurs ?
Les
entrepreneurs se plaignent des procédures bureaucratiques : mais il est vrai
que 60% de la paperasse aujourd’hui se traite par l’e-gouvernement, c’est à
dire de façon informatique.
Evidement, il y
a encore des choses à faire, les chambres mixtes de commerce et d’industrie
ont leurs propres ‘cahiers de doléances’, il y a l’entrepreneur qui a un
petit problème avec la douane, l’autre avec la sécurité sociale ou le fisc.
Mais les
autorités sont à l’écoute des investisseurs, et d’ailleurs beaucoup de
choses ont été solutionnées.
Par exemple ?
La carte de
séjour : auparavant cela prenait du temps, on trimballait d’une
administration à une autre, maintenant, un seul Ministère est chargé de ça,
et le guichet unique de l’API peut tout résoudre en sept jours.
Encore un
exemple : selon la loi de 1993, les sociétés exportatrices pouvaient
bénéficier de 10 années d’exonération d’impôts sur les bénéfices.
Suite aux
doléances des investisseurs, le gouvernement a décidé de prolonger
l’exonération jusqu’en 2007.
(Source :
Europa “News Magazine” 2ème Trimestre 2004)