Le
passage de Tunisie Télécom d’une entreprise publique à une
société anonyme s’est déroulé en catimini. Aussi curieux que
cela paraisse car d’habitude (en Europe notamment) cet
événement se fête en grandes pompes : cérémonies, réceptions,
insertions et spots publicitaires, etc. Chez Tunisie Télécom,
on a préféré la discrétion absolue pour se limiter à un simple
communiqué aussi sec que brut annonçant l’assemblée générale
constitutive de la Société nationale des télécommunications (S.N.T.)
en concrétisation des dispositions de la loi n°30 relative à
la révision du statut juridique de Tunisie Télécom (qui
gardera son nom commercial) et sa transformation en société
anonyme.
En dehors de cette question de forme, ce changement de statut
va influer énormément sur Tunisie Télécom, ses activités, sa
marche, son personnel (qui n’a pas été unanime à accepter ce
changement de statut), ses prestations et plus généralement
tous ses rapports avec son environnement direct composé de
citoyens d’abord, mais aussi d’administrations, d’entreprises,
de clients, de partenaires étrangers, de fournisseurs, et
d’actionnaires.
Déjà, un très grand pas en avant a été réalisé en 1995,
lorsque Tunisie Télécom est passée au statut d’entreprise
publique à caractère industriel et commercial, bénéficiant de
l’autonomie financière.
Désormais, en théorie et à partir du 9 juillet 2004 (une date
à marquer), la direction de Tunisie Télécom va devoir rendre
des comptes à ses actionnaires. Elle n’a plus droit de perdre
des clients, elle ne peut se permettre de choisir un
équipementier aux dépends d’un autre sous prétexte qu’il est
moins disant et n’a plus le droit de laisser du personnel
compétent démissionner et partir exercer ailleurs. Auparavant,
l’argument était : nous sommes enchaînés. Aujourd’hui, Tunisie
Télécom est tout simplement déchaînée et peut, avec de bons
choix, garder sa pole position, fidéliser ses partenaires
(qu’ils soient fournisseurs ou clients) et, pourquoi pas,
regagner la confiance de ceux qui sont partis jurant leurs
grands dieux de ne plus travailler avec l’opérateur historique
tunisien.
Le fait d’être une société anonyme permettra, en effet, de ne
plus devoir passer systématiquement par des appels d’offres ou
la commission supérieure des marchés pour sélectionner ses
fournisseurs et choisir ses partenaires. Des procédures qui
demandaient des mois d’attente que Tunisie Télécom ne pouvait
se permettre, en raison de l’évolution technologique qui exige
des réactions rapides, mais n’avait d’autre choix que de se
soumettre à la loi.
Idem concernant sa politique de communication. Hormis ces
derniers mois, Tunisie Télécom ne s’est jamais distinguée
particulièrement par la qualité de sa communication. On ne
voyait même pas l’intérêt puisque la demande était nettement
supérieure à l’offre. Depuis la nouvelle loi, on a changé et
on voit de plus en plus à la télévision et dans les quotidiens
des insertions publicitaires de l’opérateur historique ou
encore du sponsoring de grands événements comme le Festival de
Tabarka. Une politique de communication qui n’a pas encore
atteint tous les médias (les magazines, la radio ou le net
restent encore ignorés par exemple), mais on sent une nette
maturité et on s’attend à ce que Tunisie Télécom agisse dans
les prochains mois comme tous les opérateurs téléphoniques du
monde : matraquage et communication agressive.
Côté impact sur le personnel de la société, la direction et le
ministère de tutelle ont promis de lui garder tous ses
avantages acquis et garantis par la loi. Les promesses seront
tenues pour les anciens, c’est indéniable, mais les nouveaux
auront obligatoirement et inévitablement un statut différent
de leurs aînés. Un statut exigé par le nature même de la
nouvelle entreprise qui doit, désormais, rendre des comptes à
ses actionnaires. Plus question donc de bureaucratie et place
désormais au professionnalisme. L’abonné n’est pas un usager,
mais un client !
Si tout cela est très important, il n’en demeure pas moins que
la grande carte que va jouer la direction de Tunisie Télécom
est dans le choix d’un partenaire stratégique pour accompagner
l’opérateur dans son développement.
L’objectif principal n’est plus de connecter les citoyens et
couvrir l’ensemble du pays, mais de gagner des parts de
marchés. Aujourd’hui, avec 3,5 millions d’abonnés et une
couverture de 100% (entre fixe, GSM, Mobirif et bientôt VSAT
et ADSL), l’objectif en tant qu’entreprise publique est
largement atteint. Demain avec la concurrence qui gagne du
terrain (entre Tunisiana et Divona) Tunisie Télécom SA se doit
de gagner le maximum de parts de marché.
Réussira-t-elle ? A notre avis, beaucoup de choses ont été
réalisées; le nouveau statut lui permettra, probablement,
d’aller plus loin et plus rapidement . A suivre …