Que faire contre le bradage des prix des
sites web ?
Il
fut un temps où on comptait par dizaines les agences de création de sites web
en Tunisie. Aujourd’hui, et après la disparition d’un bon nombre on n’en
dénombre que 45*. Les agences vraiment performantes qui respectent les
règles et normes Internationales de la création et du commerce, ne dépassent
pas les doigts d’une main**.
D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les sites nouvellement
crées ou encore sur nos critiques sur ces sites pour s’en rendre compte
(voir notre rubrique Netinfos). Seulement et pour des différentes raisons,
cette donnée (pour ne pas dire évidence) est ignorée ou sciemment oubliée
par les entreprises commanditaires de sites. Quand il s’agit d’entreprises
privées, on ne peut critiquer le choix, chacun étant libre de faire ce qu’il
veut avec son argent, mais quand il s’agit d’entreprises étatiques, il est
de notre devoir de signaler les méthodes utilisées par les webagencies pour
gagner des marchés publics en mettant à profit les lois en matière d’appel
d’offres en usage.
Pour illustrer nos propos, nous prendrons en exemple le cas de deux appels
d’offres perdus par deux de nos agences de développement. Elles
ont toutes les deux participé à un appel d’offres lancé par une
administration, bien qu’elles aient juré leurs grands dieux de ne plus
chercher à gagner des marchés publics. Elles ont toutes les deux atteint le
stade de l’ouverture des plis financiers et ce grâce aux bonnes notes
gagnées dans l’offre technique. Dans les plis financiers, nos deux agences
ont proposé un montant qu’elles ont jugé correct pour le travail demandé
consistant à développer un site Internet en trois langues . le montant en
question était proche pour les deux agences (moins de 0,5% de différence !).
C’est dire qu’ils ont proposé le meilleur prix à cette
administration en tenant compte de leurs frais. Et puis vint une troisième
agence qui, dans les offres techniques, était la moins bien notée, mais qui
dans l’offre financière proposait un prix 3,5 fois moins cher que les deux
agences. Des trois finalistes, l’administration a vite fait son choix en
optant pour le moins disant conformément à la réglementation en vigueur. On
ne peut donc critiquer l’administration qui a appliqué la loi et protégé les
deniers publics, mais on ne peut pas ne pas réagir par rapport à la
proposition de la troisième agence qui a battu tous les records en matière
de bradage de prix pour gagner ce marché. «Je suis prêt à travailler
tout seul chez moi et éliminer tous les frais de mon agence entre salaires,
loyer et multiples autres charges, je ne pourrai jamais arriver à proposer
ce prix face au volume de travail qu’il y a à effectuer» s’insurge le
directeur de l’agence « malchanceuse ».
Un simple calcul montre en effet que le développement de ce site trilingue
en particulier nécessite un volume horaire de travail. Comparé au montant
proposé dans l’appel d’offres, l’heure de travail du développeur du site
avoisine ainsi les deux dinars ! Cela en supposant que le développeur en
question est parfaitement trilingue et maîtrise à merveille toutes les
techniques qu’un site exige : infographie, saisie, html, flash, asp, etc…
En clair, l’agence (qui n’a pourtant pas une mauvaise réputation) a agi en
défi de toute logique commerciale. De là à dire qu’on a enfreint le code du
commerce (qui interdit les ventes à perte) et l’éthique commerciale, il n’y
a qu’un pas que nous n’hésitons pas à franchir pour dénoncer cette nouvelle
tendance qui a fait dégoûter de leur travail plusieurs grandes agences
Tunisiennes qui ne veulent plus participer aux appels d’offres à cause
de la concurrence déloyale (le moins que l’on puisse dire) de leurs
confrères.
Mais là où le bat blesse, c’est que ces agences refusent de
porter plainte pour deux raisons essentiellement : la première est qu’on
refuse de les taxer de mauvais perdants, la seconde est l’image qu’ils vont
donner d’eux quand on va dire qu’ils ont dénoncé des confrères en justice.
En d’autres termes, en respectant l’éthique, ces agences se laissent faire
par des confrères qui ne respectent pas cette même éthique.
Le pire est qu’on connaît beaucoup d’exemples d’agences Tunisiennes qui ont
fait faillite (ou sont en nette difficulté) suite à ce type de bradages.
Pourquoi ne prend-on pas exemple sur celles qui ont échoué en adoptant une
telle politique ? Une politique qui ne profite même pas à l’administration
ou aux clients puisque avec de bas prix, la qualité est nettement ressentie
au final ! Il en va pourtant de l’image de marque des sites web Tunisiens,
de l’administration Tunisienne et de la survie d’un secteur employant des
centaines d’ingénieurs. Des ingénieurs, faut-il le rappeler, que les
Européens et Américains recrutent à prix d’or et qui risquent de fuir la
Tunisie si leurs employeurs ne les paient pas suffisamment ! A bon
entendeurs…
R.B.H.
* Source : annuaire Planet
www.planet.tn
** Source : recherche effectuée par un journaliste Tunisien à paraître
prochainement dans un Guide des webagencies Tunisiennes.
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