M. Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque
Centrale de Tunisie, a présidé le lundi 26 juillet 2004, une réunion avec
les premiers responsables des banques. A l’ouverture de cette réunion, le
gouverneur a mis en exergue l’intérêt particulier que le Président de la
République accorde au secteur bancaire eu égard au rôle qu’il joue dans le
soutien aux efforts de développement du pays. Il faut dire que la santé du
système bancaire agit beaucoup sur la pondération du système de notation
souveraine dont dépend aussi l’issue de la sortie, de la Tunisie ou des
banques Tunisiennes, sur le marché international des
capitaux.
Situation économique des 6 mois
Le gouverneur a
ensuite passé en revue l’évolution des principaux indicateurs économiques
et financiers enregistrés au cours du premier semestre de cette année,
ainsi que les perspectives de l’année en cours, indiquant, à ce titre, que
le taux de croissance réel attendu serait de 5,6%. Pour les 6 mois 2004,
le gouverneur a estimé la récolte céréalière à 25.5 millions de quintaux
(contre 29 millions pour 2003), que l’indice de production industrielle
semble évoluer dans le bon sens et cela au vu de la croissance de 19% des
importations en matières premières et semi produits et à la hausse de 6%
de la consommation d’énergie.
Coté tourisme, les 6 premiers mois 2004 ont enregistré une hausse de
20% en terme de nuitées et une croissance de 19% des recettes en devises. Les
exportations ont évolué de 10,2%, les importations de 9,5% et les
réserves en devises sont estimés à 100 jours d’importations.
S’agissant des équilibres monétaires, le gouverneur de la BCT a signalé
que l’augmentation des concours du système financier à l’économie
atteindrait 7,1% au terme de l’année en cours.
Au regard des exigences de la croissance économique en
matière de développement de l’épargne et de soutien à l’investissement, il
a invité les banques à redoubler d’efforts dans le domaine de la
mobilisation de l’épargne longue, notamment celle se rapportant à la
bancassurance ainsi qu’en matière d’allocation optimale de ces ressources
au financement des agents économiques, tout en accordant un intérêt
particulier aux besoins des PME.
Les créances accrochées
!
Sans le dire, mais en filigrane, l’objet de cette
première réunion, qui devait aussi comprendre le ministre de la justice et
des droits de l’homme, était le problème des créances accrochées. Il y a
quelques années, elles représentaient un cumul de quelque 5 milliards de
dinars. Lors de l’apparution de la fameuse liste des 127 au mois d’avril
2003, les engagements financiers, de plus de 20 MDT, des plus importants
groupes tunisiens, totalisait déjà un montant total de plus de 6.9 milliards de
dinars. C’est dire que le problème était important et que la réflexion sur
les moyens de
sa résolution devenait urgente. Selon les chiffres données lors de cette
réunion, les impayés ont augmenté de 6,5% au cours des six premiers mois
de cette année par rapport à la même période 2003. Les créances accrochées
représentent, selon les mêmes sources 24% des encours, ce qui
accréditerait la thèse des 5 milliards de dinars de créances accrochées.
A aucun moment, dans ce communiqué de la BCT, le mot «créances accrochées» n’a été
prononcé. C’était pourtant selon des sources concordantes, l’objet
essentiel de la réunion qui a duré plus de 4 heures.
Selon ces sources, la BCT a fortement exhorté les
banques à doubler d’effort en matière de recouvrement, à aller pour cela
au devant des créanciers, de les contacter en porte-à-porte, de discuter
avec eux et de trouver les solutions les plus adéquates compte tenu des
situations de chacun.
Le cas des entreprises du secteur touristique, en
particulier, aurait été évoqué lors de cette réunion. L’éventualité de «passer au plan B» et d’entamer les poursuites judiciaires nécessaires,
mais en respectant les procédures requises aurait aussi été évoquée et le
message passé en filigrane était que «personne ne vous en voudra de
vouloir récupérer votre argent et que tous les moyens sont bons».
Certaines banques ont déjà «pris le taureau par les cornes» et intenté des
actions en justice contres certains hommes d’affaires «récalcitrants». Désormais donc, la bonne santé du
secteur bancaire semble prévaloir sur les personnes.
Il semblerait
même, selon nos sources, que l’idée de continuer dans cette voie aurait
été aussi évoquée et l’idée de faire des exemples pour décourager les
récalcitrants, semble faire du chemin chez les banquiers; une idée qui
aurait été exprimée en dehors de cette réunion.
Une interbancaire pour les
reprises
Les banquiers auraient aussi évoqué certaines
difficultés relatives à la liquidité des garanties données, en cas
d’aboutissement d’une procédure de justice pour non paiement ou
impossibilité de paiement. Le problème se pose essentiellement pour le
secteur touristique et l’impossibilité, parfois de trouver repreneur à ces
unités. Il semblerait, dans ce cadre, que l’idée de créer une société
interbancaire qui se chargerait de cette question de reprise aurait été décidée. Il serait cependant hors de question,
pour cette entreprise, où la STB serait chef de file vue la lourdeur de ses
engagements dans le secteur touristique (Dossiers hérités, en bonne
partie, de sa fusion avec la BNDT), qu’elle gère elle-même ces unités. La société
reprendrait ces unités et les revendrait aux particuliers intéressés ou les donnerait ces unités
en gestion pour compte. Cela permettrait aux banques de se
faire payer sans mettre en danger la garantie de l’emploi et la pérennité
de l’entreprise.
La question de réserves !
Abordant les
préoccupations du secteur, à la lumière des résultas de 2003, l’accent a
été mis sur le «renforcement des assises financières et l’amélioration de
la couverture des risques». Il est vrai qu’au moins 4 banques de la place
ont, officiellement ou d’une manière indirecte, déclaré des insuffisances
de provisions. L’UIB, l’Amen Bank, la STB et la BS en font partie. Il est vrai aussi, qu’il y a un «malentendu» entre banques et BCT,
concernant ce ratio de couverture des risques et l’appréciation, chez les banques de la place, des garanties données.