Depuis
quelques années, un tout nouveau secteur a vu le jour en Tunisie et a
permis de générer au pays d’importantes ressources en devises et, surtout,
de recruter un bon nombre de chômeurs et étudiants à la recherche d’un
emploi à temps partiel. Le télémarketing a le vent en poupe et très rares
sont les étudiants de Tunis qui n’ont pas, au moins, passé un test
d’embauche dans ces centres d’appels, notamment français. Le principe est
connu : il s’agit de répondre aux réclamations des clients d’entreprises
françaises depuis la Tunisie, de vendre des produits par téléphone en
contactant des citoyens résidant en France, ou ailleurs, etc. A la fin du
mois le jeune téléacteur reçoit un salaire de 300-350 dinars en moyenne;
avec en prime, selon les cas, une commission sur les ventes ou des bons
d’achats etc….
L’un des critères les plus importants pour être recruté dans l’un de ces
centres est la locution : il s’agit de prononcer un français parfait,
parisien de préférence. Peu importe la qualification académique si le
candidat a de bonnes compétences commerciales et de communication.
Le secteur est en forte expansion pour les entreprises françaises qui
gagnent largement en délocalisant en Tunisie (mais aussi au Maroc et dans
quelques pays africains francophones), pour le pays d’accueil qui gagne
des ressources en devises et pour les téléacteurs qui trouvent là une
solution provisoire (bien que ce soit un provisoire qui dure pour quelques
uns) à leur chômage ou encore les étudiants qui arrivent à gagner leur
argent de poche et permet de les préparer à la vie professionnel.
C’est là la partie visible de l’iceberg. Reste la partie cachée que la
plupart des téléacteurs découvrent à leurs prises de fonction. En effet,
dès l’entrée, et dans plusieurs de ces centres, le téléacteur se voit
attribué un prénom français : Mohamed devient Jacques et Myriam devient
Marie ou Madeleine.
A l’intérieur des bureaux, interdiction absolue d’utiliser l’arabe, de
recevoir ou de composer des appels personnels, d’avoir quelques minutes de
relâche entre deux appels professionnels (il y a, cependant, des pause
café après un certain nombre d’heures de travail), ….
Côté ambiance, on ne peut certainement pas dire qu’elle est agréable vu
qu’il y a une véritable course aux chiffres. Ceux qui réussissent les
ventes se voient rapidement promus à des postes supérieurs et de
responsabilité. Il n’est pas rare de voir quelqu’un à la tête de ses
propres collègues quelques mois seulement après son recrutement alors
qu’ils étaient embauchés avant lui. Ceux dont le chiffre ne satisfait pas
le superviseur se trouvent pour leur part renvoyés (Les centres d’appels
recourent le plus souvent à des agences d’intérim, qui ont foisonné elles
aussi depuis l’arrivée des centres d’appel, ou à des contrats à durée
limitée).
Autre partie cachée de l’iceberg : la climatisation. Entrer dans l’un de
ces centres d’appels ressemble à entrer dans un grand réfrigérateur. La
climatisation tourne généralement autour de 12-15 degrés Celsius nous
a-t-on dit poussant les agents à avoir toujours de la laine sur soi en
pleine canicule estivale ! On n’ose pas imaginer les conséquences sur les
santés d’entrer dans un bâtiment où il fait 12 degrés alors qu’il fait 45
degrés dehors.
Certains téléacteurs sont amenés à apprendre des recettes de cuisine
provinciales afin de pouvoir engager des discussions avec leurs
interlocuteurs dans le but, bien sûr, de les convaincre d’acheter un
produit.
Il est, également, recommandé de regarder les infos de la télévision
française, sa météo (très important) et plus généralement les différentes
émissions de TF1, M6, etc.
Si les avantages de la délocalisation des centres d’appels français sont
indéniablement importants pour l’économie tunisienne (ce qui fait râler
plusieurs politiques français) ; il est, également, important de se poser
des questions sur les effets possibles, à long terme, sur la personnalité
et la psychologie de ces téléacteurs.