Suivi de la réunion du SMSI à Marrakech : la gouvernance encore et toujours !
Suivi de la réunion du SMSI à Marrakech : la gouvernance encore et toujours !
Par notre envoyé spécial à Marrakech
Les travaux de la conférence internationale de suivi du sommet mondial de la
société de l’information se poursuivent à Marrakech. Du 22 au 24 novembre
2004,
la ville Marocaine accueille plusieurs personnalités des médias et de
l’Internet, afin de débattre et de préparer des projets pour la seconde phase
de Tunis en novembre 2005.
Au cours de l’après-midi de la première journée et la matinée de la seconde,
le thème de la gouvernance de l’Internet a été au centre des interventions,
sous l’angle spécifique des médias, les intervenants ont débattu de la
question de savoir s’il faut que les
médias subissent ou non une régulation de l’Internet, et comment procéder si l’Internet
devrait être
régulé ?
Comme d’habitude dans ce genre de discussions, les débats vont dans tous les
sens et l’on oublie rapidement la ligne directrice. Entre ceux qui disent
que sans gouvernance, les intérêts de l’Internet sont sensiblement réduits
(comme le chercheur Américain Stefan Verhulst) et ceux qui pensent qu’il
faut obligatoirement libérer l’Internet de tout ce qui peut entraver la
liberté d’expression (à l’instar d’Eiden White, SG de la Fédération
internationale des journalistes); les participants ne savaient plus où ils en
sont. Cela nous rappelle, un petit peu, l’ambiance de Genève et celle de la PrepCom1 de Hammamet, où les ONG et les gouvernements
n’arrivaient plus à trouver un terrain d’entente sur la question.
Faut-il mettre de côté cette question afin de faire avancer les travaux ?
Des responsables onusiens le pensent fortement et il semble bien que les
orientations vont aller dans ce sens lors des prochains PrepCom et lors de
la seconde phase de Tunis. Autrement dit, il y a un grand risque qu’on va
maintenir le statut quo actuel ! Un statut quo qui n’arrange personne comme
l’a rappelé d’ailleurs l’Américain Verhulst, puisqu’il ne peut être considéré
comme une option.
Ce qui n’est pas une option sera-t-il l’option qu’on va préférer ? On le
craint fort et on en saura certainement plus dès que le contenu de la
Prepcom2 (février 2005 – Genève) soit rendu public. Faut-il remarquer, par
ailleurs, que les pays du Nord sont absents de Marrakech comme ils l’étaient
à Hammamet et comme ils l’étaient à Genève. La question ne les intéresse pas
! Le fossé numérique n’est pas leur problème et encore moins la question de
la gouvernance. «On part du principe de la liberté et donc on ne peut parler
de gouvernance. Vos pays sont libres de gouverner ou non l’Internet, chez
vous» nous déclare un participant.
Où est-ce qu’on va alors ? Au vu des interventions, la question
des financements a été abordée à plusieurs reprises et plusieurs
responsables Africains ont évoqué la question des moyens financiers fort
limités qui entravent l’expansion technologique dans leurs pays et ne fait
qu’aggraver encore plus le fossé numérique. En clair, on ne peut parler de gouvernance
si l’on n’a pas d’ordinateurs et si l’on ne dispose pas de connexions Internet. Ibrahim
Coulibaly a ainsi évoqué en plénière les problèmes financiers de l’Afrique
de l’Ouest. Président de l’Union des journalistes de l’Afrique de l’Ouest,
M. Coulibaly a rappelé que la région souffre de l’emprisonnement, du
harcèlement des journalistes, de différentes maladies, de pauvreté, etc… «Pour
nous Internet est un grand luxe. On en a besoin pour communiquer, mais nous
n’avons pas d’ordinateurs et nous avons besoin de manger» déclare-t-il.
Nous sommes donc bien loin du sujet central !
M. Saïd Essoulami, directeur exécutif du centre Marocain pour la liberté de
la presse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, note que la situation des médias est catastrophique et le taux
de pénétration d’Internet y est des plus bas, par rapport au reste du monde. Premier problème,
les difficultés à souscrire un
abonnement Internet standard ou en haut débit, librement. Deuxième problème, vous
êtes en ligne mais vous devez souffrir des problèmes de contenu et de
liberté d’expression.
Ensuite, vous devez faire face aux différents problèmes liés à
l’enregistrement des noms de domaines, de l’hébergement, de la mise à jour,
etc… «Certains ont dû amèrement s’orienter vers les noms de domaines
internationaux, car on leur refusait les noms de domaines nationaux sous prétexte qu’ils
ne sont pas reconnus !» dit-il.
M.
Mohamed Diop, représentant le secteur privé Sénégalais, fait remarquer pour
sa part qu’on a laissé longtemps l’Internet grandir tout seul pour venir
maintenant le légiférer. Pour lui, la question est simple : l’Internet
n’étant pas un phénomène technologique, mais social, il faut donc le
légiférer comme tel. C’est à dire comme on gère nos villes et nos vies.
L’après-midi de la deuxième journée a été consacrée à des ateliers de travail
où l’on va encore débattre du sujet. En parallèle, on prépare dans les
coulisses le document final qui sera lu en plénière mercredi à l’occasion de
la séance de clôture.
Ceci pour le contenu, pour l’ambiance, force est de remarquer la présence
presque permanente du ministre Marocain de la communication, M. Nabil Benabdallah et de M. Salah Bakkari, Ambassadeur de Tunisie à Rabat. M.
Bakkari est intervenu, lors d’une table ronde, pour expliquer aux
participants la position de la Tunisie en
tant que pays hôte de la deuxième phase du Sommet. Une intervention fort appréciée car elle a
permis de remettre plusieurs points à leurs justes places.