Après
deux heures de retard, la déclaration de Marrakech a finalement été
publiée le mercredi 24 novembre, après trois jours de discussions sur
le thème «Le rôle et la place des médias dans la société de
l’information en Afrique et dans les pays Arabes». La déclaration répond aux attentes et c’est tant mieux.
Reste à espérer maintenant que les recommandations de cette déclaration
soient prises en compte à Tunis en novembre 2005 par l’ONU, organisateur du
Sommet.
La déclaration de Marrakech
Nous, les participants à la conférence de suivi du Sommet Mondial de la
Société de l’Information en Afrique et dans les pays Arabes, organisée à
Marrakech, Maroc, du 22 au 24 novembre 2004, par le Royaume du Maroc
(Ministère de la communication et le Ministère délégué auprès du Premier
Ministre chargé des affaires économiques et générales) et ORBICOM, le réseau
international des chaires UNESCO en communication.
Considérons que l’Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme est un fondement essentiel de la Société de l’Information. «Tout
individu a droit a la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le
droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de
recevoir et de répandre, sans considération des frontières, les informations
et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit».
Réaffirmons les principes contenus dans les déclarations de Windhoek (1991)
et de Sanaa (1996) sur la promotion de médias indépendants et pluralistes en
Afrique et dans les Etats arabes, ainsi que ceux relatifs aux médias
contenus dans la Déclaration de principes adoptée par le SMSI à Genève.
Déclarons que :
Le moment est venu d’aller au-delà de l’énoncé de l’article 19 et d’assurer
sa mise en œuvre effective universelle.
Chacun, où qu’il soit, doit pouvoir participer à la Société de l’Information
et en bénéficier. Les nouvelles technologies de l’information et de la
communication, ainsi que les médias, doivent constituer un levier important
pour permettre un accès équitable au développement durable.
La liberté d’expression et la liberté de la presse sont au cœur de la
construction de la société de l’information en Afrique, dans la région arabe
et partout dans le monde.
Internet et les autres formes de nouveaux médias doivent bénéficier de la
même protection, en matière de liberté d’expression, que les médias
traditionnels.
Le débat international sur «la gouvernance d’Internet» doit permettre une
meilleure concertation sur la gestion d’Internet et ne doit pas servir de
prétexte pour réglementer de manière abusive les contenus d’Internet. En
particulier les considérations de sécurité et les exigences de la lutte
contre la criminalité ne doivent pas mettre en péril la liberté d’expression
et la liberté de presse. Les fournisseurs de services Internet ne doivent
pas être tenus responsables pour le contenu des messages qu’ils véhiculent.
Des représentants des médias doivent être associés sur un plan d’égalité à
tout système de gouvernance d’Internet à venir.
Les législations nationales doivent garantir l’indépendance et la pluralité
des médias.
La fonction des médias dans la production, la récolte, le recoupement et la
distribution des informations et des contenus est vitale y compris au niveau
des communautés locales. Les cadres juridiques doivent favoriser le
développement des médias communautaires. A cette fin, ils doivent être non
discriminatoires et permettre une répartition équitable des fréquences à
travers des mécanismes transparents.
Les médias audiovisuels sous contrôle étatique doivent être transformés en
radios et télévisions de service public jouissant de l’indépendance
éditoriale et accordant aux journalistes un statut d’autonomie
professionnelle.
La société de l’Information doit faciliter la participation des femmes et
leur permettre l’utilisation pleine et égale des TICs.
La diversité culturelle doit non seulement être préservée, mais elle doit
être encouragée. Une attention particulière doit être accordée à la situation
des populations autochtones pour la sauvegarde de leur héritage linguistique
et culturel.
Les organismes publics et privés, tels que les agences d’aide bilatérale et
multilatérale, ainsi que les fondations, doivent mettre l’accent sur la
liberté d’expression et la liberté de presse lorsqu’elles financent des
programmes et projets visant à réduire la fracture numérique.
Tous les journalistes doivent bénéficier de leurs droits fondamentaux, dont
la liberté d’association, conformément aux conventions de l’Organisation
internationale du Travail.
Une approche professionnelle des pratiques journalistiques constitue le
moyen le plus efficace de promouvoir la liberté de la presse et l’éthique,
et de prévenir les restrictions gouvernementales et les pressions des
groupes d’Intérêt. L’établissement des normes éthiques et déontologiques
relève de la responsabilité des seuls professionnels des médias.
Les litiges concernant les médias et/ou les professionnels des médias dans
l’exercice de leurs fonctions doivent être résolus dans le cadre d’une
justice indépendante. Ces litiges, y compris ceux relatifs à la diffamation,
doivent être portés devant des juridictions civiles et non pénales ou
militaires.