Le temps de chargement des pages Web : Les perceptions et la réalité

Par
Mohamed Louadi, PhD –
Institut Supérieur de Gestion de Tunis


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L’une des plus
grandes causes d’insatisfaction des Internautes navigant sur le Web est le
temps d’attente de chargement des pages qu’ils visitent. Cela est d’autant
plus vrai dans un pays où l’Internet est en train d’être généralisé, où le
seul mode de connexion à partir du domicile est le modem et la ligne de
téléphone et où les tarifs téléphoniques ne sont pas négligeables malgré les
baisses successives et les efforts de l’opérateur historique conjugués avec
ceux des fournisseurs de services Internet (FSI) locaux d’alléger la
facture.

 

Le temps de réponse, de
nouveau à l’ordre du jour

A juger par le nombre d’écrits sur la question, l’étude des temps de réponse
des systèmes a toujours suscité un grand intérêt parmi les chercheurs et ce
depuis les années 1960. Un regain d’intérêt a été constaté à partir des
années 1990, années durant lesquelles l’Internet, grâce au World Wide Web,
était devenu d’intérêt public et grâce auquel le commerce électronique
devenait une réalité.

Dans le cas du commerce électronique, l’attente est à ce point importante
qu’une étude conduite en 1999 par Zona Research avait estimé que les ventes
perdues en raison de problèmes d’affichage s’élevaient à 58 millions de
dollars par mois.

Ce manque à gagner s’élevait à 2,8 millions de dollars par mois dans le
secteur du tourisme (1).

 

louadi_201204.jpg L’intérêt
de l’étude des temps de réponse des systèmes informatique a rebondi au
début des années 1990 et continue à faire l’objet d’études de plus en
plus pointues grâce à la démocratisation mondiale du World Wide Web.
(Source:


http://www.timedsn.net/cwick.pl?SystemResponseTime/References

, consulté le 4 novembre 2004).

La question des temps d’affichage et de téléchargement des pages Web devint
si centrale au cours des années 1990, qu’un Index des performances des sites
les plus fréquentés (Yahoo!, Lycos, Wal-Mart, etc.) fut publié chaque
semaine aux États-Unis.

Une limite d’attente généralement acceptée dans les cercles concernés est
que l’attente ne devrait pas excéder 8 secondes. Dépassée cette limite,
l’Internaute va ailleurs et abandonne la page probablement pour toujours.
Les études de Zona Research (2) sont même allées plus loin: si l’on réduit
le temps de téléchargement ne serait-ce que d’une seconde, le taux d’abandon
serait réduit de 30% à 6%. C’est dire que chaque seconde compte. Certaines
autres études avancent le seuil de la tolérance à 45 secondes (3), 15
secondes (4), 12 secondes (5), 10 secondes (6) et même 2 secondes(7).

Si la question est d’importance dans des pays où les factures de téléphone
n’existent pas pour les appels locaux et où les modes de connexion sont
multiples (RNIS, LS, ADSL, etc.), le problème devient d’autant plus
important dans un pays où les Internautes sont limités aux modems de 56K et
aux lignes de téléphone facturés à 20 millimes la minute.

Heureusement que des études avaient montré que ce n’était pas tant le temps
de téléchargement objectif qui affectait la satisfaction des Internautes.
Une étude célèbre avait montré que les utilisateurs avaient jugé une page
téléchargée en 36 secondes comme étant «rapide» et une page téléchargée en 8
seconde comme étant lente (8).

L’étude de l’ISG-Tunis

Ayant utilisé quatre sites Web tunisiens, dont deux ont été jugés lents et
deux rapides, une étude récente conduite à l’Institut Supérieur de Gestion
de Tunis a révélé que le temps d’attente de l’affichage d’une page Web était
important et qu’il affectait la satisfaction de l’Internaute (9). Les
résultats ont montré que la présence d’une animation flash ou d’un compte à
rebours rend la perception du temps plus proche du temps réel de
téléchargement, particulièrement pour les pages réellement lentes. Un autre
résultat est qu’effectivement, plus le temps d’affichage est lent et moins
l’Internaute est satisfait de son expérience avec le site au risque de ne
plus y retourner.

L’étude a en outre révélé que le temps perçu par l’Internaute lors de son
attente n’était pas nécessairement lié au temps réel mesuré en secondes. La
satisfaction de l’Internaute est par ailleurs plus directement affectée par
le temps que l’Internaute perçoit qu’elle ne l’est par le temps réel
d’affichage. Or il existe des moyens de manipuler cette perception.

Cela implique que les concepteurs de sites Web confrontés à la difficulté de
réduire le temps d’affichage réel de leur page ont à leur disposition des
moyens d’affecter la perception du temps des Internautes. La mauvaise
nouvelle est que le temps perçu dépend aussi de certaines caractéristiques
de l’Internaute, hors du contrôle du concepteur Web. Mais si ce dernier
connaissait mieux sa «clientèle», cela devrait permettre de mieux contrôler
le temps d’affichage perçu par cette dernière. Ces caractéristiques incluent
l’âge et le sexe. Plus particulièrement, l’utilisation de mécanismes tels
que les comptes à rebours permettant à l’utilisateur d’anticiper l’attente
pourrait en fait réduire sa perception du temps.
 

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1 : Zona
Research. (1999). The Economic Impacts of Unacceptable Web-Site Download
Speeds. A White Paper, pp. 1-15,

http://www.zonaresearch.com/deliverables/white_papers/wp17/


2 : Zona Research Inc., The Economic Impacts of Unacceptable Web Site
Download Speeds, April 1999.


3 : Selvidge, P., Chaparro, B. et Bender, G. (2001). The World Wide Wait:
Effects of delays on user performance. International Journal of Industrial
Ergonomics, Vol. 29, No. 1, pp.15-20.


4 : Shneiderman, B. (1998). Designing the User Interface: Strategies for
Effective Human-Computer Interaction, 3rd edition, Reading, Massachusetts:
Addison-Wesley.


5 : Hoxmeier, J.A. et DiCesare, C. (2000). System response time and user
satisfaction: An experimental study of browser-based applications,
Proceedings of the Association of Information Systems Americas Conference,
Long Beach, California.


6 : Ramsay, J., Barbesi, A. et Preece, J. (1998). A psychological
investigation of long retrieval times on the world wide web, Interacting
with Computers, Vol. 10, pp. 77-86.


7 : Miller, R.B. (1968). Response time in man-computer conversational
transactions, Proceedings of the Fall Joint Computer Conference, pp.
267-277.


8 : Spool, J. (2000). Temps de chargement des pages: vitesse perçue et
vitesse réelle. http://www.axance.com/03newslet/level1/#temps et Perfetti,
C. (2001). The Truth About Download Time. UIEtips e-mail newsletter.

http://world.std.com/~uieweb/truth.htm


9 : Ben Ali, I. (2004). Les antécédents et les conséquences de la perception
du temps d’affichage d’un site Web, Mémoire de Mastere en Marketing,
Institut Supérieur de Gestion de Tunis, 126 pages.

 

20- 12 – 2004 ::
07:00

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