Le rétablissement de la confiance dans les marchés de capitaux par le monde

Par : Autres

Le rétablissement de la confiance dans les marchés de capitaux de par le
monde :

Quels pré-requis pour la TRANSPARENCE et la CONVERGENCE ?

Quels enjeux pour les entreprises tunisiennes ?

Par

Abdessattar MABKHOUT

 

CONTEXTE ET ENJEUX

 

De nos jours, le thème central qui préoccupe les marchés financiers pourrait
être résumé dans la principale interrogation suivante : Comment rétablir la
CONFIANCE dans le monde des affaires ?

 

Les scandales révélés, ici et là, ces dernières années, les sanctions
parfois spectaculaires prononcées contre des entreprises, des dirigeants et
des auditeurs de grande envergure, les nouvelles réglementations promulguées
par les régulateurs pour favoriser la sécurité financière constituent le
contexte général qui prévaut en matière d’investissement et de financement
des affaires.

 

Globalisation aidante, tous les opérateurs dans les principales bourses de
valeurs mobilières sont appelés, dorénavant, à partager deux préoccupations
majeures à savoir : LA TRANSPARENCE ET LA CONVERGENCE.

 

Force est de constater que ces concepts, ô combien, déterminants pour
mobiliser l’épargne et la canaliser vers les marchés de capitaux ne semblent
pas avoir toujours la même signification pour tous, à travers les différents
espaces économiques (anglo-américain, européen, japonais et ceux du reste du
monde).

 

L’héritage culturel, social et politique – doublé de modes de financement
basés essentiellement sur le concours bancaire et le bénéfice de subventions
gouvernementales – a permis, dans certains pays, l’émergence d’entreprises
évoluant pratiquement en dehors de la logique des marchés de capitaux. Il
s’agit principalement du modèle économique qui était, à la fin XXème siècle,
le plus répandu, notamment, en Europe continentale et dans les pays qui s’y
apparentent tels que ceux de l’Afrique du Nord.

 

DE LA TRANSPARENCE

 

L’emprunt de ce mode de financement des affaires a été, aussi et
indirectement, à l’origine de dysfonctionnements affectant considérablement
les attributs de la TRANSPARENCE des entreprises.

 

Appelées à se prévaloir d’un patrimoine juridiquement “clean”, ces
entreprises pouvaient, presque dans l'”impureté” totale, se cantonner dans
la confection d’états comptables “fiscalisant” et peu intelligible et
obtenir les concours bancaires et gouvernementaux dont elles avaient besoin
pour exister et se développer.

 

À défaut de TRANSPARENCE, les dirigeants – qui sont en même temps les
principaux voire les seuls actionnaires – trouvent dans la notion de
CONFIDENTIALITE un prétexte tout à fait commode pour s’exonérer de leurs
obligations managériales de divulguer une information financière de qualité
– à l’instar de celle publiée dans les marchés boursiers anglo-américains –
.

 

Pas d’intérêt, pas d’action ; cet adage juridictionnel trouve sa pleine
expression en la matière. En effet, n’a-t-on pas, souvent, donner les moyens
financiers des plus significatifs à des promoteurs dont le principal
“mérite” réside dans la propriété de biens et actifs qu’ils présentent comme
garantie à la Banque ? Quel “crédit” a-t-on accordé à ceux qui ont témoigné
de capacité distinctive pour la détention de véritables “richesses
intellectuelles” exprimées dans l’innovation, la créativité et
l’anticipation et sans pour autant disposer de patrimoine personnel ou
familial ?

 

Dans ce modèle économique, on ne saurait favoriser la bonne affectation des
ressources rares (capitaux, richesses, …) du pays à ceux qui ont,
réellement, les prédispositions pour créer durablement de la VALEUR, à ce
qui ont des idées génératrices d’add-value.

 

N’a-t-on pas expérimenté, sans grand succès, des mécanismes qui devraient,
tout naturellement, conduire au développement de la Bourse par l’inscription
à la cote des principaux groupes et des sociétés les plus importantes du
pays ?

 

Avons-nous saisi les motivations profondes d’un promoteur qui l’amènent à
renoncer à des incitations sans cesse avantageuses en faveur de la finance
directe pour continuer à recourir au système bancaire ?

 

Pourquoi un homme d’affaires averti et “globalisé” refuse de tirer profit de
financements boursiers peu coûteux et porteurs de plusieurs avantages
fiscaux ?

 

A-t-il peur pour sa “liberté d’agir” ou pour son bonheur de vivre dans son
“jardin
secret” ?

Diderot n’a-t-il pas dit “vivons heureux, vivons cachés” ?

Sommes-nous en mesure de demeurer encore longtemps dans ce “confort”
éphémère et dans ce contexte anachronique tout en prétendant vouloir
pénétrer dans la sphère de l’économie du marché et adopter les mécanismes de
la globalisation ?

À force de se plaire à vivre dans un système qui fut dangereusement
“protecteur” et qui devient inévitablement “menaçant”, le réveil de certains
hommes d’affaires risque d’être fatal.

 

En effet, le salut pour une économie à connotation notoirement “locale” qui
vise une migration “sans douleurs” vers un modèle résolument “global”
suppose l’inéluctable ADHESION aux standards, normes, mécanismes,
dispositifs, … les plus actuels de par le monde.

Les bailleurs de fonds usuels – et principalement les banques – ne peuvent
aucunement se mettre en marge des accords auxquels adhèrent les pouvoirs
publics (OMC, Bâle II, …) pour financer des entreprises à la “tête du
client” et sur la base de l’unique critère de l’existence ou non de
patrimoine personnel et familial lavé de tout engagement.

 

On ne devrait plus s’attendre à voir des banques – elles-mêmes cotées en
bourse – “courant” des risques non maîtrisés et affichant des performances
et des résultats arrêtés selon des pratiques et des référentiels comptables
“locaux”.

 

Ni l’entreprise, ni la banque qui la finance ne sont, dorénavant, à l’abri
de sanctions liées à la NON TRANSPARENCE. La maîtrise des risques bancaires
va conduire les institutions financières à remettre leur pendule à l’heure.
L’existence même de ces organismes serait, dans un futur prévisible,
sérieusement menacée et ce, sans l’emprunt effectif et durable d’instruments
et de dispositifs communément partagés dans les marchés de capitaux.

 

Le rythme relativement lent observé dans la mise en œuvre du projet de
réforme entamé au début des années 90 par le secteur bancaire risque d’être
cher “payé” par certaines entreprises du secteur, si elles ne décident pas
de se prendre définitivement en charge et de cesser de se limiter aux seules
directives de la BCT. Cette dernière a eu le mérite d’initier ce projet de
réforme ; il revient à chaque banque, selon ses spécificités, de se donner
les moyens d’épouser toutes les préconisations de Bâle II et d’être les
champions de la TRANSPARENCE dans les Bourses des Valeurs Mobilières de
Tunis.

 

La “contagion” en la matière ne tardera pas à passer aux entreprises
clientes de ces banques et un phénomène de boule de neige s’en suivra.

 

Cette TRANSPARENCE suppose, bien évidemment, un “choc culturel” devenu
inévitable dans le monde d’aujourd’hui. Elle devrait, dans des termes plus
concrets, amener les dirigeants des banques – et ceux des autres entreprises
financées par ces dernières – à respecter, religieusement, les investisseurs
à risque qui n’ont pas d’autres informations que celle diffusée au large
public.

 

Il est inconcevable de chercher à “séduire” les investisseurs à risque et
les petits porteurs en divulguant des situations financières et des
performances passées et actuelles qui sont fondamentalement construites à
partir de normes et standards beaucoup plus juridiques et fiscaux
qu’économiques et managériaux.

La véritable garantie pour le marché de capitaux réside dans la qualité de
l’information diffusée par l’entreprise.

 

Ceci nous conduit à déclarer haut et fort que le temps de la
“Tunisification” des normes comptables, de contrôle interne, de gestion des
risques, de divulgation financière, …est irréversiblement révolu.

 

L”‘exception culturelle” en la matière est doublement suicidaire. Elle
empêche, d’une part, les opérateurs locaux de accéder à un SAVOIR
mondialement reconnu et, d’autre part, les flux internationaux
d’Investissements Directs Etrangers – et plus précisément les investisseurs
qui les véhiculent – de décoder les performances et les situations
financières de nos entreprises locales qui s’évertuent à s’insérer dans le
processus de globalisation.

 

S’il y a un domaine où l’uniformité du langage s’impose à tous de la même
manière, c’est indiscutablement celui de la comptabilité et de l’information
financière. En aucun cas, la TRANSPARENCE des entreprises ne devrait suivre
les spécificités locales d’un pays ou d’une région.

 

 

20 – 12 – 2004 ::
06:00

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A LA CONVERGENCE

 

Depuis le début du 21ème millénaire, la CONVERGENCE la plus effective et la
plus observée à travers les places financières mondiales est celle qui porte
sur l’adhésion totale de tous les pays développés – et même de certains pays
du Sud – au référentiel international de l’IASB (International Accounting
Standards Board) appelé IFRS (International Financial Reporting Standards).

 

Des espaces économiques usuellement perçus comme “conservateurs” et jaloux
de leur “identité nationale” – telles que les pays de l’UE – ont finalement
renoncé à des règles comptables désuètes qui ne favorisent pas, le plus
souvent, la production d’information financière intelligible, comparable,
fiable et pertinente pour les investisseurs à risque et les autres parties
liées.

 

Les besoins informationnels d’un petit porteur au NYSE (New York Stocks
Exchange), à la Bourse de Paris ou à celle de Tunis sont strictement les
mêmes et ce, indépendamment des considérations culturelles, sociales ou
politiques.

 

Un actif, un passif, un revenu, une marge brute ou des pertes, … devraient
couvrir la même “substance” et avoir la même perception pour tous.

 

Les nostalgiques d’une époque où le monde fut divisé en deux blocs Est et
Ouest, peuvent regretter l’absence d'”équilibre” et de “contre-poids” dans
le monde d’aujourd’hui pour avoir subi brusquement les effets d’un
changement brutal.

 

Les ultra mondialistes s’efforcent, de leurs côtés, à se reconvertir et à
épouser les pré-requis d’un “Management Change” qu’impose la globalisation
des marchés.

 

Qu’on soit pour ou contre ce phénomène de globalisation, on ne saurait
mettre en cause l’incontournable recours à un même référentiel comptable
pour toute entreprise faisant appel public à l’épargne.

 

Les “troubles” qu’engendre l’indispensable exercice de CONVERGENCE en
matière de normes comptables sont beaucoup plus d’ordre sociologique et
politique qu’économique.

 

Le non respect de normes IFRS par les auteurs d’états financiers publiés
dans n’importe quel espace économique produit strictement les mêmes effets
liés à la NON TRANSPARENCE et la divulgation d’information tendancieuse –
voire erronée – affectant l’image fidèle de l’entreprise cherchant à
solliciter des bailleurs de fonds privés ou publics.

 

Dans les pays où les petits porteurs – qui constituent aux USA les
principaux bailleurs de fonds au NYSE – sont religieusement respectés et
constituent de ce fait la cible privilégiée de l’information communiquée par
l’entreprise, le recours à un modèle comptable à cadre conceptuel offre un
appui certain à la TRANSPARENCE.

 

Les pays où le secteur bancaire et les pouvoirs publics interviennent dans
l'”administration” des affaires – tel que fut le cas de la France par
exemple -, le modèle à plan comptable – favorisant la prééminence du droit
sur la réalité économique – produit une information comptable foncièrement
fiscale et juridique qui ignore parfaitement les attentes du marché de
capitaux.

 

Bien que ces “inquiétudes” semblent être, récemment, dépassées par les
régulateurs européens qui ont définitivement retenu les IFRS comme unique
source d’inspiration, certains pays du Sud n’ont pas encore découvert qu’ils
étaient nécessairement concernés par ce nouvel axe de CONVERGENCE.

 

En Tunisie, on a le droit de dire sans aucun risque qu’on était des
pionniers dans le processus de la réforme comptable. En effet, grâce à la
conviction et la clairvoyance d’une élite d’experts, d’universitaires et de
fonctionnaires, la Tunisie s’est dotée d’un arsenal de Normes Comptables
d’inspiration anglo-américaine (1994 & 1996).

 

Le Cadre Conceptuel de la Comptabilité Financière, document fondamental du
Système Comptable des Entreprises, initié depuis 1994 et conçu sur la base
de référentiel américain (US GAAP : US Generally Accepted Accounting
Principles) et international (IAS : International Accounting Standards)
revêt aujourd’hui une importance stratégique pour l’adhésion pure et simple
de la Tunisie aux IFRS.

 

Le mérite des auteurs du SCE Tunisien est d’être visionnaires. En effet,
malgré les quelques “imperfections” et lacunes apparues dans certaines
dispositions des Normes Comptables Tunisiennes (NCT), il y a lieu d’affirmer
le caractère toujours actuel de la Norme des Normes à savoir le Cadre
Conceptuel de la Comptabilité Financière.

Ce dernier coïncide, à tout égard, avec l’ensemble des nouveautés opérées
par l’IASB dans la version 2005 des IFRS.

 

Ainsi, en terme de CONVERGENCE avec les IFRS, les entreprises tunisiennes
qui ont depuis 1997 – date de mise en œuvre du SCE – œuvré pour se conformer
aux préconisations des NCT ne trouveraient aucune difficulté pour migrer
vers les états financiers du type IFRS.

 

Cependant, la seule question qui risque de rester pendante est la suivante :

 

Nos dirigeants, nos cadres financiers et comptables, nos auditeurs, nos
analystes financiers, nos régulateurs, nos universitaires, … ont-ils
convenablement assimilé les fondements conceptuels et les règles de
reconnaissance, de mesure et de publication de l’information financière tels
que formalisés par le SCE ?

 

Un simple regard sur les états financiers produits et communiqués par des
entreprises faisant appel public à l’épargne nous laisse plutôt perplexes –
voire inquiets – sur le bon usage des NCT et des acceptions conceptuelles de
la comptabilité financière par toutes les parties concernées.

 

Si, au niveau du référentiel comptable tunisien, la mise à jour et la
conformité avec les IFRS sont du domaine du possible, dès lors que le CNC
(Conseil National de Comptabilité) décide de retrouver ses “sensations”
novatrices des années 90, l’amélioration effective dans la production et la
divulgation de l’information financière par les entreprises tunisiennes est
une autre histoire.

 

Le rétablissement de la confiance du large public dans les affaires
économiques en général et dans le fonctionnement des rouages de la Bourse
des Valeurs Mobilières – et du Conseil du Marché Financier – en particulier
passe par la remise en question fondamentale du processus d’élaboration, de
certification et de divulgation de l’information financière.

 

Les marges de manœuvre se rétrécissent et les règles de jeu sortent de nos
mains. À un phénomène global, seules des solutions mondialement partagées
s’imposent. Tant qu’on est conscient que la TRANSPARENCE et la CONVERGENCE
sont les attributs de la GLOBALISATION des marchés des capitaux, la sagesse
nous conduit à adhérer à ce patrimoine culturel mondial.

 

Cessons de “chinoiser” et épousons – sans état d’âme – les IFRS car, de par
notre réforme de 1996, nous sommes censés être les mieux lotis parmi tous
les pays francophones pour les adopter efficacement et rapidement.

 

Je me rappellerai toujours de Gilbert GERARD – ancien membre du Board de
l’IASB – qui a publiquement déclaré devant les instances du Congrès Mondial
de la Comptabilité organisé par l’IFAC (International Federation of
Accountants) à Paris en octobre 1997 que le modèle comptable tunisien est
une référence à suivre par tous les pays francophones – y compris la France
–. C’était un témoignage qui, à l’époque, nous a touché et rassuré.

 

Depuis, qu’est ce qu’on a fait ? Où sommes-nous actuellement ? Où est-ce
qu’on va ?

 

 

20 – 12 – 2004 ::
06:00

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