Les fondements d’une politique de libéralisation des services
(extraits de l’étude sur la libéralisation des services présentée par M. Mondher Khanfir, Chef de Projet et Directeur du cabinet
MKC,
lors de la journée nationale sur les services organisée par l’UTICA en
décembre 2004).
La
Tunisie a entamé la libéralisation progressive de son économie à partir des
années 90. Cette stratégie de libéralisation s’est illustrée par la
signature dès 1994 des accords du GATT, suivie de la signature en 1995 d’un
accord de libre échange avec l’Union Européenne dont la mise en œuvre a débuté en 1998. La
Tunisie s’est aussi engagée, dans le cadre de l’Accord Général sur le
Commerce des Services ‘AGCS’, dans un processus de libéralisation des
services avec les pays membres de l’OMC. Ceci a eu pour conséquence la
dynamisation de certaines activités dans les secteurs des
télécommunications, le tourisme, la finance, …etc. La prochaine échéance de
révision de l’accord ‘AGCS’ étant prévue en Mai 2005, quels seront et sur
quelle base seront pris les prochains engagements d’ouverture de nos
marchés des services et quels seront les contreparties que le secteur privé
en particulier est en droit d’attendre en retour?
Ce sont des réponses à ces questions que la Fédération Nationale des
Services –UTICA- a cherché a construire à travers la Journée Nationale sur
les Services, pour «relever les défis de la mondialisation». Pour mener à
bien cette mission, L’UTICA s’est appuyée sur trois études complémentaires
qui couvraient les aspects juridiques, la mise à niveau, et l’impact de la
libéralisation sur les services en particulier du secteur privé. Pour ce qui
concerne la troisième étude, La démarche de l’UTICA consistait à impliquer
pour faire prendre conscience aux professionnels des enjeux de la
libéralisation, en terme de menaces mais aussi d’opportunités, pour mieux
les préparer à affronter la concurrence internationale d’une part, et pour
permettre au gouvernement tunisien de mieux connaître les doléances et
préoccupations des professionnels des services d’autre part, afin de monter
en concert une stratégie de négociation sur la libéralisation des services
que ce soit dans le cadre des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) ou de libre échange avec l’Union Européenne (UE).
L’étude menée par MKC a insisté sur le besoin de cerner rapidement les
capacités d’offre et le niveau de qualité des prestations de chaque service
par rapport aux standards internationaux, afin d’évaluer d’une manière
factuelle les opportunités et menaces induites par la libéralisation. Elle a
fait valoir l’importance qu’on doit accorder aux services technologiques en
phase « jeune pousse » et à fort potentiel à l’exportation, qui restent
encore marginaux en Tunisie, alors qu’ils constituent les piliers de
l’économie de demain, celle basée sur le savoir, à laquelle notre pays
aspire.
MKC propose même une méthodologie complète d’évaluation et détection des
mutations de chaque secteur d’activité, afin de mesurer l’impact d’une
libéralisation effective ou attendue, ainsi que de favoriser l’apparition de
nouveaux métiers de services à l’aube d’une ère économique nouvelle,
mondialisée et basée sur l’immatériel.
Le secteur des services est complexe, et souvent mal délimité. En plus, un
raisonnement valable pour une catégorie de services, peut s’avérer inadapté
à d’autres. L’étude a donc naturellement procédé à une classification
technique des services, de point de vue chaîne de valeur, avant de mener une
analyse détaillée de quelques secteurs représentatifs de chaque catégorie.
Ainsi, le secteur des services a été subdivisé en quatre catégories,
elles-mêmes interdépendantes, en fonction de leurs rôles dans la création de
valeur:
I- Les services primaires, (Business to Consumer ): ce sont les
prestations de services fournies ou qui profitent directement aux
consommateurs, telles que la santé, l’éducation, l’environnement, le
commerce de détail, certains services publiques, …etc. Se sont les premiers
services qui se développent pour fonder une économie.
II- Les services d’affaires, (Business to Business) : ces activités
peuvent à leurs tour être subdivisé en trois catégories interdépendantes :
• Les services d’infrastructure : ce sont les services qui
fournissent une plate-forme (physique ou immatérielle) pour l’exécution ou
l’interconnexion inter chaînes de valeur, tels que les télécommunications,
la finance, le transport, …etc.
• Les services de support : ce sont les services qui permettent
d’améliorer le temps de réponse et d’optimiser les coûts de transaction,
tels que les services relatifs à la mise en œuvre de système d’information,
la logistique, …etc.
• Les services de développement : ce sont les services qui renforcent
les chaînes de valeur et permettent leur intégration dans d’autres chaînes
de valeur internationales, tels que le conseil en transfert de technologies,
le management, le marketing stratégique, …etc.
Pour fonder une politique de libéralisation des services, l’étude présente
trois axes stratégiques à prendre en considération, à savoir :
•
La mise en oeuvre d’une stratégie transversale.
L’éclatement de la chaîne de valeur internationale sur plusieurs industries
nécessite une nouvelle vision du processus de création de richesse. La
politique traditionnelle qui s’est concentrée sur l’ouverture sélective des
secteurs devrait maintenant adopter une approche plus transversale.
Les décideurs auront besoin de se concentrer sur la création d’avantages
comparatifs globaux, en particulier au niveau des services
d’infrastructure telles que la Recherche et le Développement et les
Télécommunications. Par cette approche, la libéralisation des services
devrait se concrétiser par l’élimination des obstacles à l’investissement.
Les objectifs de compétitivité des services d’infrastructure tels que le
transport, les télécommunications et les services financiers, sont de relier
les chaînes de valeur des entreprises ensembles. Or, le découpage sectoriel
et l’éclatement des structures de tutelles qu’on observe actuellement en
Tunisie, limite la mise en oeuvre d’une stratégie transversale et limite
donc la compétitivité globale du pays.
•
L’amélioration du temps de réponse et des coûts de transaction.
Les services de support tels que le conseil en Supply Chain
Management et logistique contribuent à la compétitivité globale des filières
en permettant à moindres coûts, un accès rapide inter chaînes de valeur. Les
changements dans le système de production international, y compris
l’intégration des nouvelles technologies et l’apparition du commerce
électronique, appèlent à la disponibilité et l’accès à moindre coûts de
prestations de services d’infrastructures de classe mondiale,
rendues possibles par le biais de restructuration et fusion-acquisition
notamment, et à donc à plus grande libéralisation.
•
L’internationalisation de l’entreprise.
L’ouverture économique et la libéralisation entraînent une nouvelle donne
pour l’entreprise tunisienne. Celle-ci sera de plus en plus amenée à
s’internationaliser pour se rapprocher, soit de ses clients, ou de ses
sources d’approvisionnement stratégiques, ou encore à s’implanter là où les
facteurs de production sont plus faibles. Plusieurs secteurs de l’économie
peuvent donc être lésés par un processus de libéralisation unilatéral.
Chaque fois, que des enjeux d’internationalisation sont identifiés, la
Tunisie devrait l’intégrer dans sa stratégie de négociation. Cette approche
pourrait stimuler des investissements dans certains secteurs considérés
comme saturés et conduirait à une plus forte intégration dans les chaînes de
valeur internationale, grâce notamment à l’accès à des services de
développement tels que le marketing, la publicité, …etc.
Pour conclure, rappelons que le secteur des services en Tunisie est un
élément vital de l’économie. Il représente 60% du PIB, il contribue à
hauteur de 20% du total des exportations, avec un solde dans la balance des
paiement excédentaire (1.707MDT en 2003) et emploie environ 53% de la
population active (contre 33,9% pour les industries manufacturières). Plus
que jamais, nous avons besoin d’indicateurs appropriés et un cadre juridique
favorable et évolutif afin d’accompagner la libéralisation inéluctable du
secteur, matérialisés par une Politique Nationale des Services.