Des naufrages
retentissants de quelques grandes entreprises ont marqué l’avènement de
l’ère post-industrielle. L’ampleur des drames sociaux, économiques, voire
écologiques qu’ils ont généré, a frappé la conscience de notre société. Plus
que jamais, la manière dont l’entreprise exerce ses activités concerne
l’ensemble de la société. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des
entreprises publiques ou celles cotées en bourse à qui on exige aujourd’hui
de communiquer plus en détail les questions touchant la viabilité de leur
modèle économique ou de leurs orientations stratégiques, de leurs
évaluations des risques et des contrôles qu’elles mettent en place.
Or, beaucoup de discours sur l’entreprise et ses performances, notamment
ceux qui sont tenus dans les assemblées générales, restent terriblement
monolithiques et anachroniques. En effet, les tableaux de bord financiers,
issus des systèmes de contrôle de gestion traditionnels (correspondant à
l’ère industrielle), ne permettent pas de mesurer l’ensemble des actifs
matériels et immatériels de l’entreprise et de les relier à la création de
valeur.
Ainsi, appliquer des règles combien même dites de saine gestion sur une
conception caduque de l’entreprise, peut non seulement s’avérer inopérant,
mais aussi très coûteux pour l’entreprise. Prenons l’exemple d’une
entreprise qui verrait son portefeuille de commandes baisser à cause de
l’apparition d’un nouveau concurrent sur son marché. Le chef d’entreprise
serait alors tenter d’appliquer une coupe franche dans ses charges, et
notamment ses charges du personnel pour maintenir l’équilibre financier de
son exploitation. Il réduirait ainsi les effets à court terme du problème
mais n’en règle pas pour autant la cause, à savoir, la perte de parts de
marchés pour manque d’anticipation et d’innovation. Dans nombreux cas, une
telle décision amorcerait irrémédiablement le déclin de l’entreprise,
puisqu’en licenciant du personnel, non seulement l’entreprise ne livre pas
bataille mais elle se prive d’un actif immatériel très difficile à
reconstituer…
Comment un dirigeant pourrait-il alors faire valoir la viabilité de son
discours sur la performance de son entreprise, son état de santé et ses
potentialités, face aux multiples exigences émanant des actionnaires, des
clients, des fournisseurs, des banques … etc.?
La réponse passe par un nouveau modèle d’entreprise et un nouveau langage
pour le décrire.
Vers un nouveau modèle d’entreprise
Partant du fait que les conditions de la performance ont changé et du
constat q’un paradigme nouveau basé sur le pilotage remplace celui basé sur
le contrôle, nous pouvons avancer que l’entreprise dans son acception
moderne est un système complexe de transformation de flux.
Elle est d’une part système, car ses parties y sont interdépendantes et
elles fonctionnent ensemble comme un tout et réagissent à l’environnement
global de l’entreprise, et d’autre part, elle est complexe car ses données
de sorties ne sont pas fonction linéaire de ses intrants. Les composantes de
l’entreprise système assurent donc la transformation de flux (physiques,
d’information et monétaires) d’entrée en flux de sortie à travers des processus bien identifiés et qui matérialisent la chaîne de valeur.
L’avantage d’un tel modèle est qu’il permet de définir des caractéristiques
génériques à l’entreprise qui sont propres à tout système, à savoir, sa
finalité (mission), son potentiel de réalisation (capacité à atteindre ses
objectifs), sa vitesse de réaction (temps de cycle), sa complexité (ses
composantes), son entropie (déperdition de ressources), …etc.
et ensemble de caractéristiques impactent le positionnement, la croissance,
la taille, la structure et la «philosophie» de gestion de l’entreprise.
Notons au passage que la manière dont les flux de sortie sont produits est
unique à chaque entreprise. Plus l’entreprise se développe dans le temps en
assurant des profits additionnels et produisant davantage des biens et / ou
services, plus le « trafic des flux » augmentera et par conséquent la
densité de ses processus métier et support. Cette dernière dicte donc les conditions d’équilibre statique et dynamique de l’entreprise système.
Par ailleurs, plus l’entreprise se développe, plus elle a besoin de se doter
de sous-systèmes élaborés pour assurer un pilotage rigoureux qui assurerait
le bon fonctionnement des sous-systèmes entre-eux par le recours à des modes
de pilotage et de corrections continues des écarts relevés quasiment en
temps réel.
A l’image de son environnement, l’entreprise est en perpétuelle mutation; il
s’agit à la fois de s’adapter aux phénomènes contingents et d’évoluer vers
un nouvel état d’équilibre plus propice à son développement.
En partant du postulat que toute entreprise évolue d’un état d’équilibre de
départ A à un état d’équilibre B sachant qu’elle visait un état C,
l’évaluation de la performance d’un tel exercice doit procéder à une double
mesure d’écarts. L’écart entre ce qui est réalisé par rapport à ce qui était
prévu, d’une part, et entre ce qui était prévu par rapport à ce qui est
potentiel, d’autre part. Sachant que ce qui est prévu est souvent subjectif,
puisqu’il émane d’une volonté d’atteindre une « destinée » correspondant à
la vision de quelques décideurs de l’entreprise.
Si les objectifs assignés à l’entreprise dépassent son potentiel, il n’y en
principe aucune chance pour que celle-ci les réalise. Toute la difficulté
réside donc à émettre les bonnes hypothèses (la stratégie en fait partie) et
à mettre en œuvre les conditions nécessaires à leur validité. C’est le
nouveau rôle complexe assigné aux managers à qui on demande non seulement de
développer le potentiel de l’entreprise mais de tendre vers sa réalisation.