Pour une responsabilité sociale des entreprises Tunisiennes !
Par Youssef Beschaouch –
Directeur
Ficom Conseil
A l’heure où l’on ne parle que de développement durable, terme devenu
presque galvaudé et qui, rappelons-le, signifie « répondre aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire
les leurs » (Rapport Brundtland, « Our common future », 1987) quid de la
responsabilité sociale des entreprises (RSE) Tunisiennes ?
Explications : Dans un contexte de « village mondial », largement dérégulé,
et face à l’ouverture très prochaine de notre marché à la concurrence
étrangère, les entreprises tunisiennes se doivent de repenser leur modèle de
croissance économique, basé pour l’essentiel sur la seule profitabilité. Ne
serait-ce que pour pouvoir affronter cette concurrence à armes égales et
continuer à offrir à nos concitoyens un service performant et de qualité.
Car, aujourd’hui, pour se démarquer et accroître sa compétitivité,
l’entreprise internationalisée raisonne en termes de performance globale,
i.e. économique, mais aussi sociale et environnementale, celle qui, au
final, assurera une croissance durable. On atteint cette dernière par une
démarche de progrès continu, inscrite dans le long terme et qui s’appuie sur
des pratiques partagées au sein de l’entreprise. Cette démarche consiste à
concilier les exigences suivantes : un développement économique qui prend en
compte les attentes sociales (et sociétales) des parties prenantes
(stakeholders ) et qui respecte l’environnement.
Plus encore, c’est l’opinion publique internationale (en particulier) qui
attend de l’entreprise qu’elle soit certes économiquement performante mais
surtout socialement responsable, à savoir consciente de son impact sur les
hommes et les femmes qu’elle emploie, sur l’environnement qui l’entoure, sur
les collectivités humaines dans lesquelles elle s’insère…
Faut-il également rappeler que le développement durable est devenu, à
l’échelle internationale, la clef de voûte de toute stratégie industrielle ?
Il est donc légitime de se demander ce que font les entreprises tunisiennes
dans ce sens ! De même quel rôle jouent les organisations patronales (UTICA
et autres) quant à la promotion et la sensibilisation des dirigeants
d’entreprises et des milieux d’affaires en général à toutes ces
problématiques qui constituent un enjeu crucial de compétitivité et de
différenciation.
Pour réussir cette démarche de « développement durable » et amorcer des
changements efficaces et rapides, les entreprises tunisiennes (et l’ensemble
des acteurs économiques) doivent rapidement conjuguer sensibilisation et
action, en attendant la mise en place d’indicateurs dédiés. Action qui
pourrait d’abord se décliner en quelques engagements, souvent simples, comme
par exemple :
– La satisfaction des clients : être à l’écoute des attentes de ses clients,
anticiper leurs besoins, accompagner leur développement, faire progresser et
mesurer leur satisfaction ;
– La bonne gouvernance : conduire une gestion responsable des activités
conformément aux valeurs de l’entreprise, évaluer ses performances et en
rendre compte fidèlement auprès de ses actionnaires et de l’ensemble des
parties prenantes ;
– L’intégration dans les territoires : participer au développement
économique et social des territoires où l’entreprise est implantée ;
– L’implication sociale : favoriser l’épanouissement professionnel de ses
collaborateurs et veiller à la qualité de leurs conditions de travail ;
– Le dialogue et la concertation : établir des relations de confiance avec
ses parties prenantes ;
– Le respect de l’environnement : limiter les impacts sur l’environnement en
réduisant la consommation de ressources naturelles, en maîtrisant les rejets
et en optimisant la gestion des déchets ;
– La prévention et la maîtrise des risques technologiques : assurer et
maîtriser le plus haut niveau de sécurité dans l’ensemble des activités de
l’entreprise, afin de préserver la santé des salariés et des populations et
de protéger l’environnement ;
– Etc.
Tous les secteurs de l’économie tunisienne sont concernés : au premier rang
les entreprises très liées aux problèmes environnementaux, soit par leur
impact en terme de pollution (pétrole, chimie, papier, transport, etc.),
soit par leur rôle dans la protection de l’environnement (collecte et
traitement des déchets, traitement et distribution de l’eau, production et
distribution de l’énergie, etc.), mais aussi les entreprises des autres
secteurs industriels ou de services (automobile, agro-alimentaire,
télécommunications, services financiers, etc.).
Aussi estime-t-on généralement que les entreprises socialement responsables
maîtrisent mieux leurs risques, sont plus innovantes et ont des salariés
plus motivés, ce qui entraîne une meilleure performance économique sur les
moyen et long termes. Sans oublier que celle-ci peut être très vite remise
en cause par les risques d’images ou de réputation, souvent liés à l’absence
de pratiques RSE.
La démarche de développement durable, si elle est correctement menée, est
donc complexe et longue à mettre en œuvre car elle implique l’ensemble des
collaborateurs et des fonctions de l’entreprise, mais aussi l’ensemble des
partenaires de l’entreprise. Elle nécessite également le développement
d’indicateurs dédiés et la mise en place de structures de reporting, de
processus de vérification et de validation.
Pour être viable sur le long terme, elle ne peut être que progressive et
repose nécessairement sur un engagement, fort et dans la durée, de nos
dirigeants d’entreprises d’autant que ces dernières seront, comme déjà
mentionné, soumises rapidement à un impératif de forte compétitivité.
Souvent coûteuse à court terme, une telle démarche ne prend donc sa
justification que dans le moyen et long termes.
Ainsi le chemin à parcourir pour nos entreprises est long et semé
d’embûches, mais il doit être initié dès aujourd’hui… sinon il sera trop
tard ! Car le développement durable n’est pas qu’une simple mode parmi
d’autres mais plutôt un mouvement de fond, irréversible et qui devrait
entraîner progressivement tous les acteurs dans le mouvement : l’implication
de la sphère publique, tant au niveau international qu’au niveau national,
l’implication croissante des entreprises internationalisées dans le
processus et la sensibilisation (voire l’engagement) croissante du citoyen –
consommateur et salarié sont en cela des signaux forts.
Les entreprises tunisiennes finiront donc, et c’est certain, par jouer le
jeu même si cela suppose d’être des plus transparents, en informant et en
rendant compte de l’ensemble des conséquences sociales et environnementales
de leurs activités. Et l’exemple peut – et commence à – venir des filiales
ou représentations de Groupes étrangers (UIB, Carrefour, UBCI, Total, etc.),
souvent pionniers dans leurs pays en termes de RSE…
Par ailleurs, même si les entreprises et les autorités publiques se doivent
de donner l’exemple, le développement durable n’est pas qu’une affaire
d’institutionnels ou de spécialistes, il nous concerne tous, sans exception,
dans notre travail comme dans nos comportements quotidiens, j’en témoigne
moi le premier !
28- 02 – 2005 ::
07:00
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