CHRISTOPHER HART, JAMES HESKETT ET W. EARL SASSER Jr
Déléguer à ceux qui sont en première ligue
La
formation peut donner aux employés l’état d’esprit adéquat, mais
l’entreprise doit aussi leur déléguer le pouvoir de prendre les décisions
nécessaires. Dans la plupart des sociétés de services, seuls les dirigeants
ont le pouvoir de faire bouger les choses. Toutefois, dans les meilleures,
le personnel en contact avec les clients a toute latitude pour passer des
coups de téléphone, faire virer de l’argent sur des comptes bancaires, ou
commander des fleurs. Le président de la Montgomery Ward, Bernard E. Brennan,
a par exemple autorisé ses 7 700 vendeurs à s’occuper des problèmes de
retour des articles, fonction qui était autrefois réservée aux managers. La
responsabilité face au client n’entraîne pas seulement l’obligation
d’endosser les reproches, mais bien l’obligation d’agir.
Les entreprises de services bien rodées s’appuient sur des procédures
standardisées pour répondre aux problèmes qui surgissent. Chez McDonald’s,
par exemple, les employés savent que quand un client se plaint que son
hamburger est froid ils doivent sans discussion lui en donner un autre. Dans
les commerces rattachés aux hôtels Marriott à Minneapolis la direction a
confié à chaque employé un « portefeuille » de 10 dollars qu’ils peuvent
dépenser à leur façon pour satisfaire les clients. Un jour un client s’est
plaint de ne pas trouver un certain livre dans la boutique de l’hôtel.
Utilisant ses 10 dollars de crédit, la caissière, après son travail, est
allée acheter le livre et l’a apporté à la chambre du client. Celui-ci en
fut bien sûr abasourdi.
Le système de rémunération doit encourager toutes les actions qui tendent à
résoudre les problèmes ou à satisfaire le client (et pas seulement à réduire
le nombre des réclamations). Les bonnes initiatives doivent être mises en
valeur et montrées en exemple. Ainsi Federal Express a créé des prix
spéciaux, « le Faucon d’or » et le « Zoulou rusé », pour reconnaître
l’excellence dans le service. Les gagnants se voient attribuer une
décoration en or, le journal de l’entreprise leur consacre un petit
reportage et ils reçoivent un coup de fil du directeur des services
d’exploitation, ainsi que dix actions de l’entreprise
Mais pourquoi n’y a-t-il pas plus d’entreprises pour appliquer ces mesures
de bons sens ? En partie parce que beaucoup de responsables d’entreprise
redoutent que des employés a qui on laisse carte blanche ne « donnent en
cadeau toute la boutique ». Ils oublient le fait que maintenir les employés
dans l’impuissance signifie, à coup sûr, perdre des clients. Et ce qu’il en
coûte pour garder ces clients est peu, par rapport à ce qu’il faut mettre en
oeuvre pour les remplacer.
Boucler la boucle
Si les réclamations d’un client amènent des modifications destinées à
améliorer le service, le client doit être tenu au courant de ces
améliorations : en bouclant la boucle, on lui donne le sentiment de faire
partie d’une vaste équipe de contrôle de qualité.
Dans nos travaux pratiques de gestion des entreprises de services, nous
demandons à chaque étudiant d’envoyer une lettre de félicitation et une
lettre de critique aux entreprises leur ayant laissé un souvenir
particulier. Ces lettres contiennent des suggestions pour améliorer le
service. Les réponses sont révélatrices. Seules les deux tiers des
entreprises qui reçoivent des lettres intelligentes, contenant des critiques
constructives, se donnent la peine d’y répondre. Parmi celles recevant des
félicitations, la proportion est encore plus faible. Ce qui est pire, c’est
que plus de la moitié des réponses aux lettres de critique renforcent
l’impression négative, ou ne parviennent pas à la dissiper.
Il existe pourtant des moyens efficaces de montrer son intérêt : répondre
par téléphone dans un délai convenable, demander au consommateur de préciser
sa pensée, dire au client que ses suggestions peuvent être mises en
pratique, et comment. Ces efforts donneront davantage une impression
positive que les diverses formes de compensation.
Le génie du rattrapage
Remédier à ses erreurs implique, pour une entreprise, une philosophie
entièrement différente, puisque l’ensemble des activités est alors tourné
vers la satisfaction du client. Cet état d’esprit peut aboutir à modifier
les règles du jeu pour les entreprises de services. L’accent n’est plus mis
sur le coût mais sur les avantages que représente le fait de plaire au
client. L’entreprise se fie au jugement des employés qui sont directement en
contact avec la clientèle et leur laisse alors carte blanche..
Bien des entreprises se reconnaissent dans cet objectif, mais peu sont
vraiment prêtes à le concrétiser. Même celles qui font le lien entre la
satisfaction de la clientèle et le succès global de l’entreprise sont
souvent « mal équipées » pour retenir des clients mécontents.
Pourtant, le savoir-faire face aux erreurs de service est fondamental pour
réussir, et doit, en conséquence, être considéré comme partie intégrante de
la stratégie d’une compagnie. Lorsque l’employé d’un hôtel de San Antonio
cassa par accident le vase qu’un client avait rapporté du Mexique, le gérant
de l’hôtel fit 250 kilomètres pour le remplacer. Les clients n’oublient pas
de telles attentions. Dans les services, le proverbe connu, « L’erreur est
humaine » devient : « Se tromper est humain, se racheter est divin. »