La planification de la demande : Le maillon manquant
(2ème partie)
Dans les
entreprises coexistent, de plus en plus, une logique hybride de pilotage
logistique combinant le mode de gestion en flux poussé «push» basé sur les
prévisions de la demande, et le mode de gestion en flux tiré «pull» qui
déclenche la production finale et la livraison uniquement sur commande
ferme. Nous avons donc veillé à relever et analyser, dans notre étude, les
faiblesses dues au système de planification et en interpréter les résultats
pour chacun des modes d’organisation logistique.
La première observation qui mérite d’être relevée, c’est qu’il existe une
large panoplie d’ERP (Entreprise Resources Planning) dans les entreprises
tunisiennes. Or, ces outils sont souvent dépourvus de systèmes d’information
logistiques, dont font partie les APS (Advanced Planning and Scheduling
Systems). Combien même l’intégration des systèmes ERP et APS est cruciale
notamment pour les entreprises qui se positionnent sur des chaînes
logistiques internationales. La figure 4 montre le positionnement respectif
des ERP et des APS dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement.
-figure 4-
Ensuite, nous
nous sommes appuyés sur l’analyse des modes de défaillances, de leurs effets
et criticité (méthode AMDEC), pour remonter aux causes de chaque
dysfonctionnement et les coter en fonction de leur occurrence et leur
gravité selon chacun des modes de gestion (flux poussé et flux tiré). Ceci a
conduit à une classification des causes des défaillances par niveau de
criticité, et que nous avons repris sous forme de diagramme PARETO.
-figure 5-
Pour le mode
«push», les dysfonctionnements majeurs, tels que les ruptures
d’approvisionnement ou le sur-stockage, émanent principalement, dans l’ordre
de criticité, d’une faiblesse des canaux de distribution, d’une forte
variabilité et/ou saisonnalité des produits, des délais d’importation des
matières premières et enfin d’un système d’information mal adapté, voire mal
exploité (voir figure 5). Ce qui se traduit par un surcoût financier et un
manque à gagner considérable pour l’entreprise. Surcoût dans la majorité des
cas ignorés, car non mesurés, et qui peut atteindre plusieurs points du
Chiffres d’Affaires. Néanmoins, ceci représente un gisement potentiel
important de productivité à explorer grâce à un processus de planification
maîtrisée et de meilleures pratiques collaboratives, avec les distributeurs
notamment. Ces derniers sont supposés faire une remontée d’information des
besoins du marché vers l’amont de la chaîne de valeur, pour une meilleure
satisfaction client. A ce titre, les canaux de distribution structurés et
les sociétés de panel, qui commencent à opérer en Tunisie, seront d’un grand
apport en termes d’analyse fine de la demande et adaptation de l’offre aux
exigences du marché.
Pour le «mode Pull», les dysfonctionnements majeurs, tels que les arrêts de
production ou les livraisons en retard, sont dus, par ordre de criticité,
aux délais d’importation des matières premières, à une capabilité
organisationnelle limitée, à une coordination limitée avec les fournisseurs
et enfin à une faiblesse du système de planification multi-niveaux. Ce qui
engendre également un surcoût financier notable, souvent évalué à travers
les pénalités de retard qui ont cours dans certaines filières (filière
automobile par exemple). Ceci sans compter les pertes indirectes, telles que
les ruptures de contrat et les affaires non concrétisées pour capacité
d’offre insuffisante.
-figure 6-
Les fluctuations
rapides de la demande, la diversité des produits et l’offre abondante des
concurrents, font de la planification multi-niveaux un processus de plus en
plus difficile à paramétrer. Les ERP actuels, orientés MRP (Manufacturing
Resources Planning), disposent rarement de modules d’optimisation capables
de prendre en compte les contraintes liées aux facteurs externes à
l’entreprise, tels que le lancement d’un produit concurrent sur le marché,
le changement du cadre juridique, ou encore l’impact de la flambée des prix
des matières premières, etc.
Avant de recourir au choix d’une application de planification de la demande,
l’entreprise devrait au préalable construire son modèle de référence de
prévision, à partir des caractéristiques intrinsèques du processus de
planification, d’une part, et son modèle de simulation des variations de la
demande (robustesse, granularité produits, horizon des prévisions, etc.),
d’autre part.
En conclusion,
Les entreprises tunisiennes seront de plus en plus amenées à affiner leur
dispositif de planification de la demande, pour consolider leur réactivité
et leur flexibilité. La planification multi-niveaux est le grand chantier
qui attend bon nombre d’entre elles, avec à la clé des améliorations
substantielles de la capabilité organisationnelle. Le recours à des outils
de planification intégrant les besoins à long, moyen et court terme, devrait
progressivement se généraliser en Tunisie. Plus que jamais, l’anticipation
est devenue la clé du succès, sachant que Prédire l’avenir, c’est se
tromper. Ne pas le prévoir, c’est se perdre.